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Bilan de la Présidence Touadéra à mi-parcours 30 mars 2016 - 30 septembre 2018 Sécurité, La mort se répand partout dans le pays.
Par Paul Yimbi
2eme partie
Lors de son investiture le 30 mars 2016, le Président Touadéra affirme clairement que "la priorité des priorités est la sécurité durable et la défense du territoire national. J’y répondrai avec fermeté." Cependant, plusieurs foyers de tensions apparaissent dès l’été 2016 sans que le nouvel exécutif ne soit en mesure de contenir la dégradation de la situation sécuritaire. Les discours se succèdent aux discours ramenant vainement au processus de DDR… Plus le temps passe, plus l’espoir suscité par le retour à l’ordre constitutionnel s’estompe tant les autorités apparaissent impuissantes à restaurer l’autorité de l’Etat.
Force est de constater que les groupes armés renforcent inexorablement leur mainmise sur des pans entiers du pays. Un rapport publié par la MINUSCA le 14 décembre 2016 souligne que "depuis août 2016, la MINUSCA a enregistré une augmentation alarmante du nombre de cas de violations et d’abus commis par les différentes factions des ex-Séléka, anti-Balaka et leurs affiliés". Le Panel d’experts des Nations unies sur la RCA pointe dans son rapport du 5 décembre 2016 les "groupes armés ayant mis en place une autoritéì de fait et une administration parallèle". Invité à donner son opinion face à ces actes de violence qui secouent la RCA sur les ondes de RFI le 27 novembre 2016, le président Touadéra s’exprime en ces termes "nous ne voulons pas faire de désarmement forcé. […] Il va falloir convaincre ceux qui ont pris les armes, à les déposer, à choisir la République librement. […] Je veux rassembler tout le monde pour construire notre pays dans le dialogue. C’est le désarmement des cœurs" Nombre d’observateurs sont perplexes quant à la méthode préconisée s’interrogeant ouvertement sur le choix de Faustin Touadéra et sa capacité à ramener la paix en RCA… Le journal Mondafrique indique dans son édition du 13 novembre 2016, que "l’ex-présidente de la Transition Catherine Samba-Panza ne ménage plus ses mots. En privé, elle dit même regretter d’avoir soutenu le candidat Touadéra lors de sa campagne électorale en 2015 sous la pression de l’ambassadeur français de l’époque Charles Malinas. Soutien sans lequel, reconnait-elle, l’adversaire principal de son poulain, Anicet-Georges Dologuélé aurait remporté le scrutin." Les partisans de Touadéra essayent entretenir l’espoir à travers l’enthousiasme démesuré d’une sortie de crise rapide grâce à la table ronde organisée à Bruxelles fin décembre 2016 mais les annonces triomphalistes qui s’en suivent parviennent difficilement de masquer ces échecs sécuritaires de l’exécutif centrafricain... Au cours de l’année 2017, l’emprise des groupes armées qui prélèvent l’impôt, contrôlent les voies de communication, l’exploitation aurifère et diamantifère continue de s’accentuer.
En août 2017, Stephen O’Brien, Sous-Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires, va même jusqu’à affirmer que "les signes avant-coureurs de génocide sont là" ... Les affrontements sanglants qui continuent en 2018 font des dizaines de milliers de déplacés. Selon les données de l’ONU, le nombre total de déplacés internes dans le pays dépasse 648 000 personnes et le nombre total de réfugiés a atteint 575 000 personnes au 15 janvier 2019, des chiffres largement supérieurs à ceux prévalant au plus fort de la crise en 2014. Nous ne pouvons ici recenser tous les actes de violences et rendre hommages à tous les morts tant il y en a malheureusement et dans le pays. Nous allons uniquement nous concentrer ici sur les évènements les plus meurtriers par zones géographiques. @nato
Une flambée de violence sans précédent dans le Centre-Est du pays.
Les affrontements entre groupes armés s’accentuent à la fin de l’année 2016 dans la Ouaka et la Haute-Kotto faisant de nombreuses victimes collatérales civiles. En octobre 2016, camp de Ngakobo est attaqué par des hommes armés, entraînant la mort de 13 civils.
Le 27 octobre 2016, des affrontements entre éléments antibalaka et UPC causent 15 morts à Mbriki et Belima, dans les environs de Bambari. Le lendemain, après que six gendarmes et quatre civils sont tués la vie lors d’une embuscade sur l’axe Bambari-Grimari. Les tensions dégénèrent en confrontation ouverte le 21 novembre 2016, lorsqu’une coalition FPRC, UFRC, MLJC, anti-balaka attaque les positions de l’UPC à Bria. Les assauts menés en représailles les jours suivants font plus de cent morts, dont de nombreux civils et près de 13 000 déplacés.
Le 12 décembre 2016, après des combats dans la localité de Bakala, des combattants de l’UPC exécutent au moins 32 civils. La coalition dirigée par le FPRC se forme contre Ali Darass qui monopolise l'or de Ndassima, les taxes d'abattage de bœufs 5 000 F/ tête de bétail, le transfert de bœufs sur Bangui 20 000 F tête de bœuf, les dédouanements de camions en provenance du Soudan et Bangui 3 000 000 F, le contrôle de diamant de Dimbi car l’UPC veut étendre sa zone d'influence. @sni
Fin décembre 2016, le FPRC va jusqu’à contrôler la localité de Ippy dans la Ouaka. Bambari est bloquée et la sécurité du centre-ville uniquement est assurée par la MINUSCA. Une partie du personnel humanitaire non indispensable doit quitter la ville. La préfecture de la Ouaka est une zone de non-droit où il n'existe plus aucune chaîne pénale. La gendarmerie a déserté Bambari après l'évènement de Grimari qui a vu 6 de ses éléments tués. Il n'y a ni prison, ni gendarmes, ni officiers de police judiciaire dans cette préfecture de RCA où règnent les bandits de grand chemin et les chefs de guerre. Les casques bleus mauritaniens - dont le colonel Oumar Bah, marié à l’une des sœurs de Ali Darass- sont accusés de passivité ou plutôt de connivence avec l’UPC par la population. Dans un communiqué publié le 16 février 2017 l’ONG Human Rights Watch accusera les rebelles de l’UPC de "crimes de guerre". Selon l’ONG, le 12 décembre 2016 ce groupe armé a assassiné 32 civils dans une localité de Bakala dans la préfecture de la Ouaka.
En 2017, la coalition dirigée par le FPRC poursuit ses attaques contre l’UPC sur les axes Bria-Ippy-Bambari et Mbrés-Bakala-Bambari. Le 11 février 2017, après qu’ils tentent de franchir la "ligne rouge" définie par la MINUSCA dans les environs de Bambari, plusieurs combattants du FPRC, dont Joseph Zoundeko sont tués. Ali Darass, dont la MINUSCA indique à la fin du mois de février 2017 avoir obtenu le départ de la ville de Bambari continue de sévir dans la sous-région. Entre février et avril 2017, les factions belligérantes tuent au moins 45 civils dans la Ouaka. @sni
Le 21 mars, des combattants de l’UPC attaquent la localité de Yassine, tuant au moins 18 personnes, dont 10 enfants. Les éléments de l’UPC qui se déplacent vers l’est attaquent Bakouma le 20 mars 2017 et prennent le contrôle du site minier de Nzacko le 21 mars. Moins d’un mois après l’installation d’Ali Darass à la mi-Avril 2017 dans la localité d’Alindao, des affrontements sanglants éclatent dans cette localité faisant environ 130 morts et provoquant des milliers de déplacés… L’UPC qui tente de s’étendre dans les préfectures de la Basse-Kotto, du Mbomou et du Haut-Mbomou se heurte aux populations locales contribuant ainsi à faire émerger des groupes d’autodéfenses. La région connaît alors une flambée de violence sans précédent.
Le 13 mai 2017, des éléments autodéfenses, venus principalement de Bakouma et de l’axe Bangassou-Rafaï attaquent le quartier Tokoyo et la base de la MINUSCA à Bangassou. Les membres de la communauté musulmane trouvent refuge dans la mosquée sont visés après le départ des soldats de la paix partis défendre la base de la MINUSCA pour un bilan sanglant de plus de 115 morts, 76 blessés et près de 15 000 déplacés. Des milliers de civils musulmans seront contraints de se réfugier à Bangassou, environ 2 000 sur le terrain de la cathédrale de Bangassou fuyant les autodéfenses de la zone. À la suite des violences à Bangassou, des combats éclatent à Bria, le 16 mai 2017, entre les autodéfenses bandas et des éléments armés arabes FPRC dirigés par Ahmat Issa. Ces combats, étalés sur plusieurs jours, font au moins 49 morts et 35 blessés et entraînent le déplacement de près de 40 000 personnes. @sni
Le 29 juin 2017, de violents affrontements intercommunautaires éclatent à Zemio qui jusque-là pourtant préservée des combats, des éléments musulmans causant destruction de plusieurs maisons, avec au moins 22 morts et 18 000 civils qui cherchent à se réfugier près de la base de la MINUSCA, de l’église catholique et de l’hôpital local, tandis que d’autres traversent le fleuve pour se rendre en RDC.
Le 11 juillet 2017, des anti-balaka attaquent l’hôpital local où ils tuent une dizaine de personnes.
Le 3 août 2017 au moins 30 civils sont tués et plus de 150 maisons brûlées lors d’un affrontement entre des groupes d’autodéfense et des combattants de l’UPC dans la localité de Gambo. Des combats ont lieu les jours suivants à Ouango, Béma et Pombolo faisant plus de 80 morts, 96 blessés et plus de 600 déplacés…
Entre le 3 et le 9 août 2017, une série d’attaques et de contre-attaques opposant des anti-balaka à l’UPC et à des peuls armés fait rage dans le village de Gambo entraînant la mort d’au moins 60 civils et de 22 membres de l’UPC.
Le 5 août 2017, en représailles, le centre médical local a été attaqué par l’UPC faisant quelque 45 civils tués, dont au moins 10 volontaires du Comité international de la Croix-Rouge.
Le 17 août 2017, une nouvelle attaque menée contre les personnes déplacées à Zemio faisant au moins 8 morts et 12 blessés.
Le 10 octobre 2017, des groupes d’autodéfenses assaillent Kembé, alors sous contrôle de l’UPC, s’en prenant notamment à la mosquée dans laquelle de nombreux civils s’étaient réfugiés faisant près de 30 morts.
Le 18 octobre 2017 à Pombolo, un assaut des groupes d’autodéfense fait à nouveau une trentaine de morts… Dans ce contexte où l'UPC est harcelé par cette coalition FPRC, UFRC, MLJC, autodéfenses au Sud-Est, Ali Darass n’a d’autre choix que de trouver une issue dans un mariage forcé avec le FPRC. C’est ainsi que l’UPC et le FRPC signent en présence du comzone Gaëtan Boadé - très présent avec ses éléments sur l’axe Bambari-Bria - un accord de cessez-le-feu le 9 octobre dans la ville d'Ippy. Mais, la violence continue sévir, notamment sur les axes Bambari-Ippy, Alindao-Dimbi.
Mi-mars 2018, des éléments antibalaka attaquent un campement peul à Mbaidou, tuant environ 15 civils.
Le 21 mars 2018, des antibalaka venus de Yambelego attaquent la base de l’UPC à Tagbara. L’UPC riposte violemment avec l’aide de renforts dépêchés depuis ses bases de Maloum et d’Ippy. Les combattants venus de Maloum exécutent 17 civils, y compris le curé Désiré Angbabata dans la paroisse Saint Charles Lwanga de Seko et plus de 20 civils sont ainsi exécutés.
Dans la nuit du 2 au 3 avril 2018, la base temporaire de la MINUSCA à Tagbara est attaquée par des antibalaka. Les casques bleus ripostent et 33 antibalaka sont tués tandis qu’un casque bleu trouve la mort et 11 autres sont blessés. Pour faire face à cette attaque MINUSCA a rappelé le véhicule blindé stationné à l’église Saint Charles Lwanga de Seko après l’attaque du 21 mars 2018. Les éléments de l’UPC venus de Maloum ont ainsi eu champ libre pour exercer de nouvelles représailles sur la population locale tuant 23 civils… Les conditions de sécurité se détériorent aussi à Bambari.
Les 29 et 30 mai 2018, des affrontements violents opposent des éléments de l’UPC à la MINUSCA et aux Forces de sécurité intérieures faisant plus de 20 morts et un grand nombre de combattants blessés, ce qui exacerbe les tensions à l’hôpital de la ville.
Les 14 et 15 mai 2018, suite à l'assassinat présumé de trois membres de la communauté peuhle à 7 kilomètres de Bambari sur l'axe Alindao, des représailles sont menées par des hommes armés de fusils d'assaut et de couteaux dans la ville. La mairie, le commissariat de police, la gendarmerie, l'hôpital et même la radio locale "Légo ti la Ouaka" sont pris d'assaut par les combattants en furie faisant neuf tués et neuf blessés parmi les civils et des milliers de déplacés. Le 30 juin 2018, le vicaire général du diocèse de Bambari Firmin Gbagoua est assassiné.
Le 17 juillet 2018, la Commune d’élevage de Pombolo sombre de nouveau dans la violence lorsque des autodéfenses de Gambo et Kembé attaquent la position de l’UPC basée dans cette localité faisant 17 morts et plusieurs blessés.
Le 5 août 2018, le FPRC lance une offensive dans la localité de Bria pour mettre un terme aux attaques ciblées contre des marchands musulmans et démanteler les bases antibalaka. Plus de 50 éléments du FPRC lourdement armés tuent plusieurs dizaines de personnes et brûlent 36 maisons.
Les 25 août 2018, le FPRC attaque une base anti-balaka du quartier de Bornou, à Bria, tuant 12 civils. Le même jour, le FPRC tue au moins 15 civils qui travaillent sur le site minier de Matabissi - à 18 kilomètres au nord de Bria -.
Le 6 septembre 2018, 12 civils sont enlevés dans le camp PK3 par des éléments du FPRC. Les chefs anti-balaka ayant refusé les conditions imposées pour la libération des prisonniers, les combattants FPRC exécutent neuf des civils enlevés 7 femmes et 2 hommes. Le lendemain, les corps de 7 victimes, dont 5 femmes, sont déposés devant le portail de la base de la MINUSCA par une foule en colère venue du camp PK3…
L’insécurité gangrène le nord-ouest du pays.
Le 12 octobre 2016, alors que la première réunion du Comité de suivi du programme DDR se tient à Bangui, une attaque du FPRC et du MPC cible le camp des déplacées de l’évêché à Kaga-Bandoro faisant 37 morts civils, près 57 blessés incendiant au moins 400 huttes, 130 maisons et provocant le déplacement de milliers civils cherchant refuge dans les installations de la MINUSCA. Dans l’Ouham-Pendé, les hommes du groupe armé 3R du "général" Sidiki se distinguent en multipliant les exactions sur les populations civiles. Une enquête Human Rights Watch pointe le meurtre d’au moins 50 civils en novembre 2016 dans les sous-préfectures de Bocaranga et de Koui détaillant comment les membres de 3R tuent les civils, violent des femmes, pillent et brûlent des villages provoquant de milliers de déplacés qui doivent fuir pour se cacher en brousse. site de déplacés@sni
Le 28 janvier 2017, suite à l’attaque l'une de ses bases, Sidiki mène une opération de représailles. Les 3R attaquent le camp des réfugiés à Koui tuant au moins 18 personnes, détruisant maisons, commerces vandalisant l’église. Du 2 au 20 mai 2017, l’occupation de la localité de Niem Yelewa par les 3R occupent entraîne des milliers de déplacés, la destruction et le pillage de maisons et la mort de plus de 70 personnes.
Le 1er juillet 2017, Kaga-Bandoro est à nouveau la cille d’une attaque du MPC faisant une vingtaine de morts. La situation continue de se détériorer au second semestre 2017 du fait des divers groupes armés qui prolifèrent dans la région - MPC, RJ, antibalaka et 3R- .
Le 23 septembre 2017, tandis que les éléments du MPC investissent la localité de Bang, ceux des 3R attaquent Bocaranga sans que le contingent bangladais de la MINUSCA n’intervienne.
Fin octobre 2017, c’est sur l’axe Batangafo-Kabo-Moyen-Sido que l’insécurité de propage. C’est ainsi que de violents affrontements opposent des combattants dirigés par le MPC d’Alkhatim et des forces d’autodéfense à Batangafo à la fin du mois de juillet 2017 faisant plusieurs dizaines de morts et de blessés ainsi que des milliers de déplacés, puis à nouveau fin octobre 2017, au niveau du village de Saragba.
En juin 2018, les habitants des Mbrès sont été pris au piège dans une série de représailles entre anti-balaka et des éléments autoproclamés "Moujahidin" avec pour enjeu le contrôle des 5 sites d’extraction d’or qui existent dans la zone.
En moins d’un mois, 18 civils sont tués, près de 2 000 maisons brûlées et 7 000 personnes forcées de fuir. A Paoua, les affrontements qui opposent le groupe armé MNLC du "général" autoproclamé Ahamat Bahar, au groupe armé RJ impactent les populations civiles. Le MNLC se distingue en attaquant des civils de la région de Paoua, mettant le feu à des milliers de maisons et parfois à des villages entiers sur les axes Paoua-Betoko et Paoua-Bemal en représailles de l’appui supposément apporté au RJ par les populations locales causant la mort de nombreux civils… maisons incendiées@sni
L’insécurité atteint le cœur de la capitale Bangui au printemps 2018.
La violence qui s’est installée dans l’arrière-pays épargnait la capitale Bangui malgré des effusions de violence sporadiques comme lors de la mort du commandant Marcel Mombeka, assassiné le 4 octobre 2016 au PK5 qui provoqua des affrontements meurtriers et des représailles faisant 11 morts et 21 blessés.
Cependant, la violence et l’insécurité vont s’inviter jusque dans la capitale en 2018 qui va connaître une spirale de violence. Afin de mettre fin aux agissements de ces groupes d’autodéfense notamment celui de Nimery Matar Djamous alias "Force" -mais aussi ceux des dénommés "You", "Moussa Danda", "Appo" et "50/50"-, une opération conjointe de la MINUSCA et des FACA a lieu dans la nuit du 7 au 8 avril 2018 -"opération Sukula"-.
Cette opération qui fait deux morts et une cinquantaine de blessées, dont des casques bleus est un échec dans la mesure où "Force" échappe à cette opération. Bangui connaît la nuit suivante un nouvel épisode de violences quand des assaillants s’approchent des bases égyptienne et jordanienne de la MINUSCA, non loin du domicile de Touadéra à Boy Rabe, tirant des rafales et entraînant une riposte des casques bleus ainsi que de la garde présidentielle…
Le 10 avril 2018, une patrouille de soldats de la paix rwandais intervient devant le poste de police du 5e arrondissement. La MINUSCA, les FACA, les Forces de sécurité intérieure, mais aussi des éléments russes et des anti-balaka dirigés par Alfred Yekatom repartent à l’assaut et de violents affrontements dans le 3e arrondissement font cette fois plus de 30 morts, dont un casque bleu rwandais et une centaine de blessés.
Le lendemain matin, environ un millier de manifestants du PK5 viennent déposer les cadavres de leurs 17 défunts - la plupart civils- devant le quartier général de la MINUSCA.
Le bilan de cette opération qui vire au fiasco sans que "Force" n’ait pu être arrêté intervient alors que Jean-Pierre Lacroix, le patron des casques bleus, et Smaïl Chergui, le commissaire Paix et sécurité de l'Union africaine, viennent d'atterrir à Bangui pour une visite de quelques jours.
La violence reprend de plus belle le 1er mai 2018 lorsque dans la matinée, un lieutenant de "Force" dénommé "Maréchal" qui se trouvait à côté de la maison des jeunes de Fatima est contrôlé par les gendarmes. L’individu refuse d’obtempérer et des tirs sont engagés avec les gendarmes.
Pris sous le feu et en effectifs très insuffisants, les gendarmes reculent et épuisent rapidement leurs munitions. Certains trouvent refuge dans la concession de l'église Notre-Dame de Fatima en plein office pour les cérémonies de St Joseph. La messe qui se déroule dans la concession de l'église en plein air rassemble près de 1 000 personnes - dont une épouse de Touadéra qui peut être exfiltrée par les éléments Burundais de la MINUSCA qui assurent sa sécurité-.
Les groupes d’autodéfenses encerclent l’église qu’ils assiègent deux heures durant, se servant d’armes automatiques et de grenades, causant la mort de 30 personnes, dont celle du prêtre Albert Tougoumalé-Baba et faisant 185 blessés alors même que le défilé du 1er mai se poursuit tranquillement sur l’avenue des Martyrs. Il n’y aura finalement aucune intervention des FSI, ni de la MINUSCA qui choisissent de privilégier la sécurité des personnalités présentes sur l’avenue des Martyrs. Finalement, ce sont les antibalakas et les FACA du quartier qui interviennent de manière spontanée et désorganisée avec leurs propres armes pour faire reculer les assaillants bien avant que les renforts de la gendarmerie - arrivés 2 heures après le début des attaques- et ceux de la MINUSCA - arrivés 3 heures après- …
Peu après cette flambée de violence survenue en pleine capitale, une foule en colère transporte le corps de l’abbé Albert Tougoumalé-Baba au palais présidentiel. Les jours suivants, la tension reste vive et des tirs nourris se vont entendre aux abords PK5 et dans les quartiers Yakité, Castors et Sara. On estime à environ 70 personnes le nombre de personnes tuées et 330 blessées dans la seule ville de Bangui au cours de ces évènements.
L’exécutif, incapable de ramener la sécurité, fait rentrer les groupes armés au gouvernement.
L’exécutif centrafricain va progressivement se ranger derrière l’initiative conjointe de la CEEAC, de l’UA, de l’Angola, du Congo et du Tchad pour la paix et la réconciliation approuvée au sommet d’Addis-Abeba de janvier 2017. Cette initiative qui vise à conclure un accord de paix entre le gouvernement et les 14 groupes armés entend aussi accorder l’amnistie aux chefs des groupes armés, ce qui suscite logiquement des controverses au sein de l’opinion publique qui réclame justice et non impunité.
Avec le déblocage des de près de 45 millions de dollars par les bailleurs de fond, les autorités s’en remettent dans tous leurs discours au programme de Désarmement-Démobilisation-Réi
- Avec les mêmes responsables que sous le précédent programme DDR et beaucoup moins d’emprise sur le territoire national, comment espérer que les résultats se concrétisent sur le terrain ?
- Pourquoi les principaux groupes armés adhéreraient à ce programme alors que les trafics - or, diamants, bœufs, taxes aux commerçants et transporteurs etc...- leur apportent bien largement plus que le DDR ne pourra jamais leur apporter ?
Avec les rebelles le ministre de l'intérieur le général Henri Wanzet@sni
Devant les plaintes de l’opinion publique révoltée par les morts qui se succèdent dans le pays, l’exécutif va procéder à un remaniement le 12 septembre 2017.
Marie-Noëlle Koyara, déjà ministre de la Défense sous le régime de transition de Catherine Samba-Panza succède à Joseph Yakété, fortement décrié par les observateurs pour sa gestion du portefeuille. L’entrée de membres des groupes armées au gouvernement se remarque avec Lambert Mokove-Lissane - FPRC - nommé au ministère des eaux, forêts, chasse et pêche et Herbert Gontran Djono Ahaba, neveu de Michel Djotodia, chef du Rassemblement pour le Renouveau de la Centrafrique - RPRC - qui prend les rênes du Ministère de l’énergie consacre une sorte de prime à la rébellion armée.
Par le décret n°17.336 publié le 11 octobre 2017, le président Touadéra nomme par ailleurs comme conseillers spéciaux à la présidence :
- Mahamat Ousmane Mahamat - ministre de l’Urbanisme sous la présidence Michel Djotodia, cadre influent du FPRC, cet élément fut dans le temps sous-préfet de Moundou au Tchad…-,
- Hassane Bouba - conseiller politique de l’UPC de Ali Darrass-.
- Issa Bi-Hamadou est lui nommé conseiller spécial en matière de l’agriculture et de l’élevage,
- Gilbert Toumou Deya, président du MLCJ, devient chargé de mission spécial.
Ces nominations sonnent comme une récompense aux bourreaux, au grand dam des centrafricains...
Malgré la violence qui gangrène le pays jusque dans sa capitale, le régime en place consacre toute son énergie et près de 800 millions de Fcfa pour fêter en grande pompe le 30 mars 2018 le deuxième anniversaire de l’accession au pouvoir de Faustin-Archange Touadéra qui martèle dans son discours sa stratégie immobiliste répétant plus de dix fois à son public incrédule "je refuse de faire la guerre..."
Paul Yimbi
Le 15 septembre 2020