Lors du 17e sommet de l’organisation internationale de la francophonie -OIF- tenu à Erevan en Arménie sanctionné par la désignation voire la nomination très contestée du chef de la diplomatie rwandaise à la tête de l’institution, le président centrafricain a été l’invité de la Radio France Internationale -RFI- en marge du sommet. En substance, le président de la République a affiché une fermeté éloquente et louable sur le dossier russe mais évasif, laconique, indécis et confus sur le projet de destitution du président de l’Assemblée nationale.
À la question de Christophe Boisbouvier : "Beaucoup s’inquiète d’une querelle entre le président de l’Assemblée nationale et vous-même?"
Le président a ainsi répondu :" il n’y a pas de querelles en ce qui me concerne…je pense qu’il y’a des problèmes internes au niveau de l’Assemblée nationale…mais on veut la paix".
Le journaliste habitué des farces présidentielles rétorque :" vous voulez faire tomber le président de l’Assemblée nationale?"
Le président a répondu de façon laconique et hésitant : "Non". Bernard Selemby-Doudou@bsd
Parallèlement et contrairement aux piteuses réponses du président de la République sur la crise parlementaire, la majorité parlementaire, le premier ministre et ses sbires s’agitent en coulisse en dilapidant des fonds publics au cours d’un conclave pour corrompre les pitoyables députés en vue de la destitution du président de l’Assemblée nationale par une motion de déchéance.
Ce projet diabolique de destitution soumis à l’appréciation de la conférence des président de l’Assemblée nationale qui a recueilli la signature de 97 députés frondeurs sur 140 reproche au président de l’Assemblée nationale d’avoir violé les dispositions de l’article 70 de la constitution, l’article 23 de la loi organique N° 17 011 du 14 mars 2017 portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale ainsi que des lois extra-parlementaires relatives à la procédure de passation des marchés publics, de détournement de deniers publics et d’usurpation de titres.
Estomaqué, offusqué et scandalisé par le slogan redondant et inutile du gouvernement sur la cohésion sociale et le vivre ensemble, le citoyen lambda s’interroge :
- Le mensonge du résident de la République sur les ondes de Radio France Internationale -RFI- relatif à la destitution du président de l’Assemblée nationale n’est-il pas constitutif d’un flagrant délit de mensonge d’Etat ?
- Ce désastreux mensonge n’est-il pas assimilable à une faute politique ou morale ?
- Ce mensonge n’est-il pas constitutif de violation de sermon qui a instrumentalisé la célèbre notion de rupture ?
- Cette litanie de mensonge est-elle une vertu ou un modèle de gouvernance ?
- Sachant que le mensonge d’un chef d’état est plus grave que celui d’un citoyen ordinaire car il incarne une autorité morale, l’on se demande si tous les mensonges sont blâmables ou punissables ?
- Le pouvoir a t-il mesuré les conséquences politiques de cette destitution obsessive du président de l’Assemblée nationale ?
- Le pouvoir a t-il pensé à l’éventualité d’une énième prolongation de l’embargo sur les armes ?
- Quelle est la place du peuple dans cette bataille insipide qui cache mal la volonté du pouvoir d’annihiler les dispositions de l’article 60 de la constitution ?
- En évinçant le président de l’Assemblée nationale, l’équilibre confessionnel musulman/chrétien ne sera pas en danger ?
- Où sont passés le médiateur de la république et la plateforme religieuse pour tenter une ultime médiation avant le pire ?
- Se fiant aux propos du président de la République sur RFI, s’il s’agissait d’un problème interne à l’Assemblée nationale, pourquoi ne pas laisser les parlementaires régler leurs problèmes internes au lieu d’acheter des voix de députés sur des fonds publics ?
Par analogie au style biblique, en vérité je vous le dis, le début de solution à la crise centrafricaine n’est pas la destitution du président de l’Assemblée nationale mais plutôt la destitution d’un premier ministre incompétent et en perte totale de repères. Il s’agit d’une question de courage politique et du manque de vision collective de l’élu de la nation.
Il est important de rappeler que dans toute l’histoire de l’Afrique et à l’instar du Niger, surtout du Sénégal, la destitution du président de l’Assemblée nationale n’a réussi que par l’ingérence multiforme de l’exécutif suite à des désaccords politiques entre le président de la République et le président de l’Assemblée nationale. La patente et parfaite illustration de ce scénario est en cours actuellement en Algérie où le président de l’assemblée nationale s’est opposé à un 5e mandat d’un président de République grabataire et agonisant. Ainsi, les parlementaires algériens ont initié cette procédure de destitution du président de l’Assemblée nationale en guise de représailles.
Cette démarche confirme l’exogeneité des raisons qui poussent généralement les députés à destituer les présidents de leurs institutions. D’abord en termes de procédure, la conférence des présidents de l’assemblée nationale doit se prononcer sur la recevabilité, la régularité et l’authenticité de la signature des députés frondeurs.
En outre, il est singulièrement important de souligner qu’il ne suffit pas seulement de faire un catalogue de signatures des députés frondeurs pour espérer gagner le pari. On assistera ainsi à l’ouverture d’une grande bataille juridique devant la cour constitutionnelle. Même si les motifs et les moyens évoqués par la motion de déchéance sont légitimes et la procédure respectée, dès lors que la corruption qui est un délit pénal a orienté le choix des députés, il appartiendra désormais à la haute cour constitutionnelle d’apprécier souverainement le bien-fondé de la déchéance après contestation du président de l’Assemblée nationale.
Cette motion de déchéance doit de façon optionnelle être soit entérinée, soit rejetée au motif que les accusations ne reposent sur aucun fondement juridique. Cette dernière hypothèse a été expérimentée à Madagascar où la haute cour constitutionnelle a rejeté la motion de déchéance présentée par les parlementaires malgaches.
Au delà de ce qui précède, nous attirions humblement l’attention du président de la République de ne pas oublier d’où l’on vient et surtout où on va c’est à dire les conséquences. Face aux séries de conneries institutionnalisées par les députés de la 6e législature, nous invitons in fine la jeunesse révolutionnaire centrafricaine y compris celle de la diaspora d’assiéger l’hémicycle pour solliciter le suffrage du peuple aux échéances électorales de 2021 en vue de donner une autre image à cette noble et prestigieuse institution.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Bernard Selemby-Doudou
Paris le 19 octobre 2018