L’accord de paix entre le gouvernement et les groupes armés paraphé dans la capitale soudanaise et signé à Bangui le 6 février dernier sous l’égide de l’Union africaine et du soutien de l’ONU suscitait d’énormes espoirs malgré les zones d’ombre génératrices d’inquiétudes.
Conformément aux dispositions de l’article 21 du dit accord, le processus de paix devrait se matérialiser par la mise en place d’un gouvernement véritablement inclusif où toutes les forces vives de la nation y compris les groupes armés non conventionnels devraient visiblement être représentés.
Après quelques tâtonnements et hésitations synonymes d’une réelle manque de volonté, le décret N°19 063 du 3 mars 2019 portant nomination ou confirmation des membres du gouvernement a été rendu public.
La configuration du gouvernement fait remarquer sans microscope l’absence totale de la société civile, le saupoudrage des groupes armés et partis politiques soit 26 postes ministériels sur 36 au parti présidentiel sans compter la mainmise sur l’intégralité des ministères régaliens dans la perspective d’une éventuelle réélection lors des prochaines échéances électorales…
Un véritable mépris teinté d’autosatisfaction. Sans nul doute, ce gouvernement Ngrebada 1 est précocement contesté avec des valses de démission dénonçant le caractère non inclusif du gouvernement. En guise de représailles, on a assisté sans résistance ni sanction et cela en violation des dispositions de l’article 34 du dit accord au blocage du corridor routier Douala-Bangui en vue de sevrer la capitale en produits de première nécessité. Bernard Selemby-Doudou@bsd
Pour aplanir les désaccords nés du manque chronique d’inclusivité du gouvernement et dans le respect de l’esprit de l’article 34 de l’accord de Khartoum, un conclave d’arbitrage de 3 jours est organisé dans la capitale éthiopienne sous l’autorité de l’Union africaine, de l’ONU et de l’organisation sous régionale d’Afrique centrale. A l’issue du conclave, le pouvoir centrafricain a été sommé de former un nouveau gouvernement véritablement inclusif dans un délai de 5 jours francs. Confondant vitesse, rapidité et précipitation au détriment de sérieuses, sereines consultations, le décret N*19.072 du 22 mars 2019 a rendu public le gouvernement Ngrebada 2.
Ce nouveau gouvernement pléthorique et budgétivore compte 39 ministres soit une augmentation de 3 par rapport au précédent.
On enregistre des départs et des arrivés injustifiés et surtout une régression de la féminisation du gouvernement basé sur le concept genre car ce gouvernement n’en compte que sept femmes au lieu de huit dans le précédent. Le tableau synoptique du gouvernement comporte des noms qui heurtent la conscience, la morale, des gros poissons recherchés par la cour pénale internationale et surtout cela prend une connotation d’insulte à la mémoire de nos morts. S’apitoyant en solitaire sur son sort, le citoyen lambda s’interroge :
- Ce gouvernement inclusif "made in Addis-Abeba" est-il le dernier du genre jusqu’à la fin du mandat ?
- Peut-on maintenant de façon sereine s’occuper des attentes et préoccupations du peuple ?
- Faut-il encore un autre round de négociations dans une autre capitale pour ramener définitivement la paix tant recherchée ?
- Doit-on continuer à faire la volonté des groupes armés au détriment des préoccupations du peuple ?
- En d’autres termes, suffit-il de bloquer militairement un corridor routier pour espérer un poste ministériel ?
- Quelle est la morale des épisodes du gouvernement Ngrebada 1 et 2 ?
- Par ailleurs, les ministres des groupes armés non conventionnels et de l’opposition auront-ils les mains libres pour former leur cabinet et implémenter leur vision politique ?
- Avec cette configuration gouvernementale, peut-on affirmer que le cycle de tueries de paisibles citoyens va arrêter ?
Pour notre part, nous prenons acte du nouveau gouvernement et félicitons ces membres. L’urgence est au travail pour la reconstruction de notre bien commun. Que l’entrée au gouvernement des groupes armés ne soit pas une aubaine ou une occasion de se rapprocher de la présidence et de tenter un énième coup de force pour remettre en cause nos avancées démocratiques chèrement acquises. Le peuple inoffensif vous observe et n’a que la rue comme moyen de se faire entendre.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 22 mars 2019
Bernard Selemby-Doudou
Juriste, administrateur des élections.