Après la mise en place du gouvernement dit inclusif imposé par les accords de Khartoum, le premier ministre a engagé la responsabilité du gouvernement en présentant dans le respect du délai constitutionnel le programme du gouvernement pour solliciter la confiance des parlementaires. Bernard Selemby-Doudou@bsd
On notait dans l’hémicycle la présence des représentants des institutions républicaines et des partenaires au développement. Ce traditionnel exercice démocratique s’inscrit dans le respect des dispositions de l’alinéa 1 de l’article 54 de la constitution du 30 mars 2016 qui dispose : " après la nomination des membres du gouvernement, le premier ministre chef du gouvernement se présente dans un délai maximum de 60 jours devant l’Assemblée nationale et expose son programme de politique générale"
Il faut noter que la procédure constitutionnelle exige une délibération du programme politique au conseil des ministres suivie d’une adoption sous l’autorité du président de la république, ensuite après débats contradictoires les députés votent à la majorité absolue des suffrages exprimés. C’est ainsi que le programme politique du gouvernement a été voté à une majorité écrasante par 122 députés sur 131.
On enregistre par ailleurs 5 votes défavorables, 3 abstentions et un bulletin nul. Ce long discours programme s’appuie sur plusieurs domaines dont les 4 principaux piliers qui vont de la paix, sécurité et justice à la relance économique, ensuite de la bonne gouvernance, de l’action humanitaire à la réconciliation et cohésion nationale.
Le programme politique du gouvernement se veut ambitieux mais les défis à relever sont énormes et multiples. Combatif, le premier ministre veut avancer contre vents et marées même si limité dans le temps son discours s’apparente à un nuage de mots ou le parfum du déjà vu qui peine à convaincre les observateurs avertis et les acteurs de la vie politique centrafricaine.
Ainsi, au-delà de toutes surprises, le citoyen lambda habitué des discours creux et vides de contenu s’interroge :
- Le premier ministre pourra-t-il tenir ses ambitieux engagements en moins de 2 ans des prochaines échéances électorales ?
- Avec un gouvernement abusivement incomplet depuis sa mise en place, le rythme du travail sera-t-il en adéquation avec ce vaste programme ?
- Sachant que la réalisation de ces engagements dépend largement de la paix et la sécurité, peut-on croire à un tel discours dès lors que les groupes armés ne sont toujours pas désarmés ?
- Dans la suite logique du raisonnement, à quand le respect du premier engagement imposé par l’accord de Khartoum aux groupes armés ?
- Le premier ministre a-t-il mesuré le poids et les conséquences politiques de ses engagements ?
- S’agit-il d’un véritable programme politique intégrant les besoins prioritaires du peuple ou tout simplement des contraintes nées des accords de paix de Khartoum ?
- Comment traduire ce programme politique en faits visibles dans le quotidien du peuple ?
- Le fait que le programme politique du gouvernement a récolté un vote à majorité écrasante des parlementaires est-il synonyme d’un bon programme ?
- En faisant abstraction des tumultueuses coulisses de vote parfois récompensées de billets de banque, pensez-vous que les parlementaires qui ont voté contre le programme ou qui se sont abstenus ne sont-ils pas cohérents à la problématique de l’heure ?
Fort de ce qui précède, il est important de dénoncer ou de déplorer le caractère non chiffré du programme et surtout l’absence d’indication sur les sources de financement à moins qu’on veuille perpétuer la politique de la main tendue. Le vote à majorité écrasante du programme de gouvernement ne veut rien dire car il s’agit d’une hypocrisie démocratique justifiée par le fait que le pouvoir a toujours la majorité à l’Assemblée nationale.
Le vote du programme est certes acquis mais il annonce beaucoup de difficultés pour notre jeune premier ministre à réaliser cette promesse. Ce dernier doit non seulement convaincre mais résoudre en urgence le problème récurrent de l’eau potable et de réparation de l’électricité sa marge de manœuvre est extrêmement et notoirement réduite mais avant de finir, nous lui proposons d’expliquer au peuple à travers une conférence de presse la quintessence du programme et l’opportunité des préférences dans les priorités afin de bénéficier éventuellement d’un délai de grâce.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 4 mai 2019
Bernard Selemby Doudou - Juriste, administrateur des élections