Le dernier virage du quinquennat solennellement baptisé "année électorale" s’annonce mouvementer avec de riches rebondissements.
L’accord de paix de Khartoum arraché à coût de centaines de millions qui était censé créer les conditions d’une élection libre, transparente, apaisée a montré ses limites. En conséquence, une incertitude chronique plane sur l’effectivité de la tenue des prochaines échéances électorales nonobstant les injonctions de la communauté internationale et des partenaires au développement qui insistent sur le respect du calendrier électoral et surtout de l’observation stricte du délai constitutionnel. A titre de rappel, il est important de souligner que les 2/3 du territoire national sont toujours occupés par les groupes armés non conventionnels pourtant signataires de l’accord de paix de Khartoum qui imposait la cessation des hostilités militaires, le désarmement et la démobilisation des troupes.
Au moment où la nation centrafricaine toute entière aspire à une paix durable, les différents acteurs du processus électoral s’activent, les quartiers généraux des partis et associations politiques légalement constitués aiguisent leurs stratégies électorales en vue de ravir d’une part le palais de la renaissance et d’autre part de se représenter massivement à l’assemblée nationale. C’est dans l’optique de cette croisade électorale qui se profile qu’à l’instar du front pour l’annulation et la reprise des élections -FARE- et animé par le souci de maximiser les chances de réussite que les partis et associations politiques de l’opposition se sont accordés pour créer une coalition de l’opposition démocratique affectueusement connu sous le nom réducteur de COD 2020. Cette nouvelle coalition composée de 16 partis politiques s’est fixée comme objectifs conformément aux dispositions de l’article 5 de la charte de coalition de lutter pour le retour de la paix sur l’ensemble du territoire national, de contrecarrer toutes manœuvres visant à confisquer le pouvoir et de veiller à la tenue d’une élection libre et transparente. Bernard Selemby-Doudou@bsd
L’article 7 de cette même charte constitue la pierre angulaire car il réserve le droit en cas de besoin de présenter une candidature unique aux prochaines présidentielles. Cette probable candidature unique qui constitue une innovation dans la vie politique centrafricaine interpelle le citoyen lambda qui s’interroge :
- Quels sont les véritables objectifs de cette coalition dès lors qu’elle est majoritairement composée de personnalités qui ont des passés politiques peu appréciables ?
- Les membres de cette coalition réussiront-ils à mener un combat commun malgré le caractère cosmopolite de leur leader respectif ?
- Les actions respectives des partis membres de la coalition ne vont-elles pas nuire aux intérêts du COD 2020 ?
- Chaque leader membre de la coalition a-t-il consulté sa base avant d’apposer sa signature sur la charte de coalition ?
- Ne s’agit-il pas d’une FARE bis puisqu’il s’agit presque de mêmes acteurs ? Le peuple n’a-t-il pas le sentiment de lassitude ou le sentiment du déjà vu ?
- Cette coalition est-elle capable de résister à la déstabilisation par le pouvoir en place via la cooptation ou infiltration ?
- Existe-t-il un bon profil parmi les leaders pour cette unique candidature ?
- Comment vont-ils définir les critères de désignation du candidat unique ?
- Vont-ils procéder à une élection primaire ?
Naturellement, nous saluons l’initiative de s’unir pour mutualiser les efforts même si au fond ces genres d’initiatives sont difficiles à mettre en œuvre compte tenu de l’égoïsme et des agendas cachés de certains leaders. N’oublions pas que le début a toujours été difficile mais il faut oser. Depuis les indépendances, la Centrafrique a presque tout essayé en matière politique.
D’abord des dictateurs civils et militaires, des putschistes, une junte militaire, un président intellectuel ou démocratiquement élu, une présidente et un premier ministre femme.
Le peuple ne croit plus à rien.
L’épreuve d’une candidature unique s’avère être la dernière invention politique pour reconstruire une nation en lambeaux. Pour finir, il urge de rappeler que rédiger une charte de coalition des partis politiques de l’opposition démocratique c’est bien mais l’appliquer dans la plénitude de sa rigueur est un énorme challenge, un défi à relever.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 14 février 2020.
Bernard Selemby-Doudou - Juriste, Administrateur des élections.