L’Assemblée nationale centrafricaine est encadrée par la constitution du 30 mars 2016 et la loi organique n°17.001 du 14 mars 2017 portant règlement intérieur de l’assemblée nationale. Le parlement centrafricain légifère et contrôle l’action du gouvernement conformément à l’alinéa 2 de l’article 63 de la constitution. Elle est la chambre monocamérale du parlement en attendant l’effectivité du sénat constitutionnellement prévu.
L’Assemblée nationale est composée de 140 députés élus au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans avec la particularité de l’émergence des candidats indépendants et surtout des députés d’origine hétéroclite. Il est important de rappeler qu’on y trouve d’anciens braqueurs, d’anciens rebelles, des repris de justice, des criminels etc…qui n’hésitent pas à se faire remarquer par des actes de malversations financières relevant de la haute mafia, de détournements de fonds publics, de délinquance juvénile et autres actes d’immoralité. Bernard Selemby-Doudou@bsd
Depuis le remaniement du bureau de l’Assemblée nationale caractérisé par la présence massive des députés de la majorité présidentielle, des tensions, confusions voire des ambiances polluées règnent dans les rapports exécutif/législatif.
Animé principalement par le souci de s’approprier totalement le bureau de l’Assemblée nationale en vue de brader les contrats miniers, les députés proches de la majorité parlementaire ont initié une pétition afin de destituer le président de l’Assemblée nationale pour "manquements aux devoirs de sa charge" conformément aux dispositions de l’article 70 de la constitution et l’article 12 de loi organique N° 17.001 du 14 mars 2017 portant règlement intérieur.
Cette démarche inélégante qui fragilise et porte atteinte à nos acquis démocratiques s’assimile à une comédie jouissive, épisodique digne d’un "Mozart" ou d’une palme d’or de la connerie. Ce pouvoir semble renier définitivement le célèbre principe de séparation de pouvoirs de Montesquieu car l’avenir et le sort d’une nation sont maintenant scellés à coût de millions après un conclave avec les parlementaires.
En conséquence de ce qui précède, les parlementaires centrafricains sont devenus des privilégiés de la République en marchandant leur voix à prix d’or. Ces derniers profitent du système, profitent de l’autisme, de l’amateurisme et surtout du tâtonnement du pouvoir. Choqué par les déboires et dérives pyramidaux des députés sans scrupule, le citoyen lambda s’interroge :
- Que reproche t-on réellement au président de l’Assemblée nationale ?
- Cette initiative suicidaire qui obéit à une logique politique est-elle légitime c’est à dire conforme aux dispositions constitutionnelles ?
- Quelles sont les raisons ou les motivations de l’ubuesque descente aux enfers du président de l’Assemblée nationale pourtant soutenu par le pouvoir lors de son élection ?
- Que reste t-il de la valeur des lois votées par les parlementaires lorsque ceux-ci doivent recevoir des primes après un conclave dans un endroit isolé ?
- La Centrafrique est-elle déjà stable pour entreprendre une initiative aussi risquée ?
- En cas d’échec ou de capotage de la procédure de destitution du président de l’Assemblée nationale, le pouvoir s’est-il préparé au retour du bâton sachant que ce dernier se muerait en farouche opposant ?
- Et si le président de l’Assemblée nationale a son tour instrumentalise son institution pour destituer le président de la République ?
- Doit-on toujours continuer à accuser les occidentaux ou le pouvoir quand les parlementaires ne se respectent en marchandant des voix au détriment des intérêts de leurs électeurs ?
- Que vaut la tête du président de l’Assemblée nationale pour donner autant d’insomnie au pouvoir ?
- Le président de l’Assemblée nationale constitue t-ii un obstacle à la mise en place de leur parti politique en gestation ?
- Le projet macabre de destitution du président de l’Assemblée nationale est-il en rapport symétrique avec la feuille de route de l’Union africaine ?
- La destitution du président de l’Assemblée nationale ne servirait-elle pas de prétexte aux groupes armés de relancer les hostilités militaires
- Dans la logique de complot ou de coup d’Etat constitutionnel, quelle est la personnalité politique prévue pour succéder loyalement au président de l’assemblée nationale puisque tous corrompus ?
- Certains noms circulent dans les couloirs de la présidence mais ces inaptes feront-ils mieux que l’actuel président de l’Assemblée nationale ?
Au delà des turpitudes et élucubrations, les priorités des centrafricains sont ailleurs et se résument à la sécurité des biens et personnes, la réconciliation nationale, la cohésion sociale et surtout la reconquête des territoires occupés par les groupes armés. Logiquement, cette 6e législature doit être dissoute pour arrêter l’hémorragie et par voie de conséquence être totalement réformée en vue de sanctionner pénalement le "Koudoufarisme".
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 6 octobre 2018.
Bernard Selemby-Doudou, Juriste, Administrateur des élections.