Après un quinquennat tumultueux soldé par un bilan mitigé, le peuple souverain a bravé l’inconfort du climat sécuritaire pour renouveler sa confiance au président de la République pour un second mandat de 5 ans. Au-delà de de toutes contestations tacites ou manifestes de la classe politique centrafricaine, l’élu de la nation est désormais le président de tous ceux qui se réclament centrafricains. Cette confiance qui s’apparente à un chèque en blanc est assortie de façon insipide d’une obligation de résultats contrairement aux précédents mandats. Bernard Selemby-Doudou@bsd
Ce nouveau quinquennat semble mal commencé du point de vue juridique car le président de la république hésite à mettre en place un nouveau gouvernement pour l’accomplissement de sa nouvelle feuille de route. N’oublions pas qu’officiellement le pouvoir centrafricain a hérité la tradition d’un régime présidentiel où la totalité du pouvoir exécutif est détenu par un président élu au suffrage universel et que ce dernier est irresponsable devant le parlement.
N’étant à contrario pas un régime parlementaire même s’il y a un semblant d’équilibre basé sur le principe de la séparation de pouvoir prôné par Montesquieu, le président de la république n’a pas à attendre la coloration et la trajectoire rectiligne de l’assemblée nationale pour mettre en place un gouvernement même provisoire.
Il est évident que conformément aux dispositions de l’article 33 de la constitution qui donne mandat au président de la république de nommer un premier ainsi que les membres du gouvernement, la constitution du 30 mars 2016 est muette sur l’obligation de désigner un nouveau gouvernement immédiatement après son investiture.
Ce vide juridique est comblé en filigrane par une pratique politique qui n’a pas de fondement juridique mais relève simplement d’une vieille et constante coutume ou tradition républicaine. Vous conviendrez avec cette analyse qu’un président de la république élu pour un mandat ne peut mettre en place un gouvernement au-delà de la limite de son mandat. Logiquement, le gouvernement actuel devrait remettre par courtoisie républicaine sa démission au président de la république dans les jours qui suivent l’investiture et le gouvernement démissionnaire en retour doit assurer l’intérim en se consacrant exclusivement à l’évacuation des "affaires courantes" jusqu’à la désignation du nouveau gouvernement.
Sachant qu’un gouvernement intérimaire ne peut prendre des grandes décisions qui engagent la vie de la nation, le citoyen lambda s’interroge :
- Le gouvernement actuel est-il légal et légitime ?
- Peut-on affirmer que c’est logique que certains membres du gouvernement ont fait plus d’années que la durée du quinquennat si ce n’est d’évacuer les affaires courantes ?
- Au regard de l’absence d’une Assemblée nationale constituée, combien de temps ce gouvernement continuera à accompagner le président de la République ?
- En attendant l’organisation du deuxième tour partiel des législatives, le pouvoir ne va-t-elle pas enregistré de retard dans l’amorce du second quinquennat ?
- Imaginons par projection que le président de la république n’était pas réélu, le nouvel élu de la nation devrait tourner au ralenti sachant qu’un gouvernement intérimaire n’a que de pouvoirs réduits ?
Au-delà de toutes polémiques doctrinales, jurisprudentielles et juridiques sur la problématique de la légalité et de la légitimité du gouvernement actuel, nous exhortons le président de la République de désigner un chef du gouvernement à sa convenance le plus rapidement possible quitte à le démettre ou le reconduire après la configuration et la composition définitive de l’assemblée de la 7e législature…
Sachez que votre choix de l’opportunité peut attendre mais l’intérêt supérieur de la nation ne dépend pas de petits calculs politiciens et partisans.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.
Bernard Selemby-Doudou
Juriste, Administrateur des élections.
Le 23 avril 2021