Le projet de loi portant code électoral préparé par le groupe de travail des experts et validé avec adjonction de quelques orientations par le conseil des ministres a fait l’objet d’examen et d’adoption par les parlementaires.
Cette réforme attendue pour répondre aux déficits du processus électoral a été adopté avec amendements par 126 députés sur 140.
Animé par le souci de tripatouiller et de torturer le processus électoral, le pouvoir avait unilatéralement inséré des mesures discriminatoires et inégalitaires en augmentant de manière exorbitante et démesurée le montant de la caution pour être éligible aux prochaines échéances électorales. Cette hausse démesurée de la caution considérée comme un piège du pouvoir à attirer toutes les attentions dans l’hémicycle au point d’occulter les autres volets du code électoral. Bernard Selemby-Doudou@bsd
concernant le mode de scrutin, les conditions d’éligibilité, les incompatibilités, la campagne électorale, les opérations de vote et le contentieux. Il est important de rappeler que pour faire avaler la couleuvre aux parlementaires, le pouvoir a fait recours à sa vieille méthode de prédilection qui consiste à inviter les billets de banque dans l’arène pour arbitrer en sa faveur. Il semblerait que contrairement à la destitution de l’ancien président de l’Assemblée nationale, la maudite somme proposée assimilable au mépris n’avait pas convaincu les parlementaires même issus de la majorité présidentielle. A plus forte raison, le ministre qui a présenté n’était pas convaincant.
Avec cette résistance, les parlementaires ont ainsi retrouvé le rôle de représentants et défenseurs des intérêts du peuple en discutant pendant 9 heures lors des plénières, ce qui explique et confirme le caractère houleux des débats. Par ce vote, les élus de la Nation ont mis fin à la récréation politique.
Cette farouche résistance au hold-up, au braquage du pouvoir contre le code électoral met un terme à la chosification, à l’infantilisation des parlementaires qui voient souvent leur rôle abaissé par le pouvoir. Nous assistons par ce geste à la phase d’un renouveau pouvoir législatif qui doit jouer pleinement leur rôle dans l’ordonnancement juridique de séparation de pouvoirs initié par Montesquieu. La résistance du pouvoir parlementaire face aux mesures controversées du pouvoir interpelle le citoyen lambda qui s’interroge :
- Qu’est-ce qui justifie l’augmentation du montant de la caution dans un pays où le revenu minimum est insignifiant ?
- En dehors de toutes manipulations politiques, était-il une bonne idée d’augmenter de façon vertigineuse le montant de la caution ?
- Cette hausse fantaisiste avait-elle pris en compte ou intégré le coût de la campagne électorale ?
- Les parlementaires ont résisté à cette hausse parce qu’ils sont les premiers concernés ?
- Quelles sont les innovations contenues dans le nouveau code électoral ?
- Ces différentes innovations constituent-elles une avancée démocratique ?
- Qu’en est-il de la célèbre notion de parité proposée par le nouveau code électoral ?
De toutes les étapes de la réforme électorale c’est à dire de l’initiative de la loi, du dépôt, de l’examen, de l’adoption en plénière jusqu’à la promulgation, on note de façon spectaculaire la victoire éclatante des parlementaires qui semblent sortir de leur réserve car ce n’est pas à moins de 2 ans d’une élection qu’on peut changer ou modifier sensiblement les règles du jeu électoral.
Logiquement, les prochaines échéances électorales devraient s’organiser sur la base de l’ancien code électoral et une réforme de cette envergure devrait être faite au début du mandat du nouveau président de la république. Ainsi, se confirme l’exercice du droit citoyen d’être éligible équitablement au lieu de se focaliser sur l’exhibition de sa fortune.
S’agissant des innovations du code électoral, nous saluons la prise en compte du niveau intellectuel des candidats aux législatives car un député doit au minimum être capable de lire et d’interpréter les textes de loi avant de voter. A défaut, le parlement serait transformé en une chambre d’enregistrement des caprices du gouvernement.
S’agissant de la notion de parité, une loi a été votée en ce sens mais très vite tombée en désuétude. En dépit de la mise en place des dispositions légales contraignantes pour favoriser la parité homme/femme, les résultats restent contrastés et insuffisants dans les institutions étatiques.
La Centrafrique est ainsi en retard sur les autres états de la sous-région pour la reconnaissance des droits de la femme. On ne peut pas parler de parité dans les fonctions électives comme celles des députés. Autrement dit, il faut nommer les députés, ce qui serait une totale aberration car dans les fonctions électives c’est l’électeur qui décide. Par contre, les partis et mouvements politiques peuvent s’engager à désigner des candidats de sexe féminin pour les législatives et imposer que les suppléants soient de sexe opposé. En outre, le remboursement des dépenses de campagne au prorata du pourcentage et la démission du président de la République quelques mois avant l’ouverture des campagnes électorales sont des avancées remarquables.
Par ailleurs, la tentative récurrente de corruption des parlementaires pose la problématique fondamentale de l’indépendance, de l’autonomie financière de l’Assemblée nationale.
Depuis toujours, l’assemblée nationale dépend financièrement du gouvernement plus précisément du ministère des finances pour réaliser leur projet. A titre d’illustration, le président de l’Assemblée nationale vient de faire les frais des caprices gouvernementaux car le ministre des finances n’a pas honoré sa demande de décaissement de frais de mission le privant ainsi d’une importante rencontre parlementaire au pays des hommes intègres.
Au chapitre des regrets, le nouveau code électoral a royalement ignoré un volet très important qui perturbe de façon récurrente et jurisprudentielle l’équilibre des forces parlementaires. Il s’agit de déterminer un cadre juridique assorti de sanctions pour règlementer le débauchage, la défection et la transhumance des députés en cours de mandat.
Pour finir, et contrairement aux accords de paix de Khartoum, nous invitons le gouvernement et les parlementaires de vulgariser, sensibiliser et de mettre à disposition le nouveau code électoral pour une meilleure compréhension du peuple.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 26 avril 2019
Bernard Selemby-Doudou
Juriste, Administrateur des élections