Selon la lecture de la communauté internationale, l’organisation des élections couplées -présidentielle et législative- dans de conditions peu crédibles ou peu transparentes était le scénario irréversible de sortie de crise. Le retour à l’ordre constitutionnel a permis la mise en place de la quasi-totalité des institutions républicaines prévues par la constitution du 30 mars 2016.
Deux jours après l’investiture de l’élu de la nation, un chef de gouvernement était désigné suivi de la constitution du gouvernement. Les tensions sociales, politiques et militaires se sont apaisées et l’espoir renaît au sein d’une population meurtrie, rêvant d’un avenir meilleur. Les héritiers du pouvoir ont très vite ignoré qu’il s’agissait d’un pays d’exception, d’un pays en lambeaux où tout est à reconstruire avec des indicateurs de développement aux voyants rouges et que cela nécessite des investissements assortis de sacrifices de toutes les compétences nationales.
La mauvaise gouvernance reprochée aux pouvoirs précédents s’est invitée avec des conséquences sociales, politiques et sécuritaires catastrophiques offrant ainsi le sentiment de regretter le régime de transition. L’absence de résultats surtout sécuritaire décrédibilise les ambitieux projets de "rupture" du président de la République. Bernard Selemby-Doudou@bsd
La normalisation et la légitimité obtenues par les urnes n’ont pu régler la crise. Le gouvernement n’a plus de méthodes ni de stratégie dans sa caisse à outils pour proposer au peuple et ce dernier ne sait comment freiner ni résoudre la crise. En conséquence de ce qui précède et par analogie à une équipe de football, lorsqu’on ne remplit pas la mission telle que prévue par le cahier des charges, on sanctionne par un remaniement ou carrément un changement.
Étant républicain et respectueux des valeurs démocratiques, nous ne pouvons-nous permettre le luxe de réclamer la démission du président de la république car ce dernier est la résultante de la volonté souveraine du peuple qui s’est exprimé massivement lors des dernières échéances électorales. Ce qui revient à dire que le locataire du palais de la renaissance sera comptable et défendra son bilan devant le peuple au moment opportun.
Par contre, le chef du gouvernement qui n’est pas l’émanation du peuple mais le fruit du choix du président de la République conformément aux dispositions de l’alinéa 6 de l’article 33 de la constitution peut être sacrifié pour donner du sang neuf ou renouveler les énergies du pouvoir. Visiblement, ce pouvoir est lessivé et atteint par l’usure. Face à cet immobilisme chronique qui risque d’accompagner le mandat jusqu’à échéance, le citoyen lambda s’interroge :
- Comment peut-on continuer à faire confiance à un premier ministre qui a montré ses limites dans tous les domaines surtout sécuritaires ?
- Pourquoi conserver un chef de gouvernement impoli, arrogant et insolent qui constitue un blocus à tout processus de négociations ?
- Le premier ministre accompagnera-t-il le président de la République pendant la mandature comme il l’a servi durant les 5 années à la primature ?
- Si tel est le cas, assistera-t-on à un nouveau gouvernement Sarandji 3 dans les jours à venir ?
- Si le président de la république envisage d’assumer ses responsabilités c’est à dire conserver son chef de gouvernement, quel bilan défendra-t-il en 2021 ?
- Pourquoi au-delà du mi-mandat le problème de fond demeure ?
- Pourquoi le pouvoir traite-t-il les conséquences sans tenter d’extirper les causes de la crise ?
- Devant la passivité de la MINUSCA et les médiations nationales ou internationales qui n’aboutissent pas, allons-nous toujours demeurer indifférents ou inactifs au massacre organisé du peuple ?
- Quelle thérapie en dehors du limogeage du premier ministre pour endiguer la crise ?
- En dépit de la visite du pape et du secrétaire général de l’ONU, quelle entité autre que les centrafricains eux-mêmes pour résoudre la crise ?
Il est notoire que le gouvernement et la mission de l’ONU sont fragilisés par le cours des événements car les tensions communautaires qui balkanisent le pays ne cessent de croître…l’espoir d’un retour de la paix et de la sécurité est finalement improbable. Fort de ce constat, il est évident qu’un diagnostic nécessite une thérapie biochimique pour anéantir le virus. Nous constatons avec rigueur que le processus thérapeutique commence inévitablement par la démission, le limogeage par voie présidentielle ou parlementaire d’un premier ministre en perdition et en perte de repères méthodologiques et stratégiques.
Pour ce faire, un gouvernement d’union nationale sera en conséquence mis en place avec une représentation visible des grands partis politiques d’opposition, le recours aux compétences nationales dispersées à travers le monde pour enclencher une transition politique vers le dénouement définitif et durable de la crise. Cette large ouverture servira bien évidemment d’équilibre car les pouvoirs législatif et judiciaire sont acquis au pouvoir. Ce phénomène est contraire à la pensée de Montesquieu sur la notion de séparation de pouvoirs.
Nous vous rappelons in fine qu’une telle concentration de pouvoirs entre les mains d’un seul guide fait peur aux partenaires politiques, décourage les investisseurs et donateurs.
Attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 7 décembre 2018
Bernard Selemby-Doudou
juriste, administrateur des élections