Le processus de retour à l’ordre constitutionnel en Centrafrique a été lent et parsemé d’embûches. La témérité de la communauté internationale et la volonté d’un peuple meurtri de recouvrir la paix ont permis la tenue d’une élection couplée sur l’ensemble du territoire national.
Entre les deux tours des présidentielles, des alliances contre nature ou diaboliques ont été scellées nonobstant la diversité des idéologies contradictoires. Ces alliances n’ont pas été formalisées pour partager la vision politique de l’éminent élu de la nation mais pour se faire une place au soleil au détriment des attentes du peuple. L’un des candidats malheureux aux dernières présidentielles et l’un des premiers soutiens au désormais élu de la nation, le ministre de l’administration du territoire, du haut de ses 6% récoltés aux présidentielles a été récompensé au poste stratégique et régalien de ministre de l’intérieur chargé de la sécurité publique et de l’administration du territoire. Bernard Selemby-Doudou@bsd
À ce stade, tout est rose mais les négociations qui ont abouti à la conclusion de ces différentes alliances n’ont pas défini la durée et /ou la déchéance de ces accords. Est-ce un fait délibéré ?
Faire de la politique, c’est avoir la capacité de donner des coups mais aussi d’en recevoir.
Progressivement, certains membres du gouvernement commencent à se démarquer au point de voler la vedette ou de faire de l’ombre au président de la république. Inquiet et préoccupé prioritairement par le renouvellement de leur mandat en 2021 au détriment des priorités nationales, le pouvoir instaure un dispositif comparable à un rouleau compresseur pour étouffer les appétits des potentiels candidats à la prochaine présidentielle. Ainsi des membres de l’opposition radicale, le président de l’assemblée nationale ainsi que quelques membres du gouvernement qui se reconnaîtront sont dans les viseurs de cette unité spéciale. Mais peut-on être dans le viseur du pouvoir et exercer efficacement comme ministre ?
Cette cohabitation venimeuse et suicidaire est de nature à détruire sa marque de fabrique et par voie de conséquence hypothéquer ses chances d’avenir. L’ultime option politique crédible et plausible demeure la démission en vue de sauvegarder son capital confiance. Honte au pouvoir qui contredit et viole sans gêne la célèbre maxime de Gandhi qui disait je cite: "Il n’est pas nécessaire d’éteindre la lumière de l’autre pour que la nôtre brille".
Ce pouvoir de rupture est caractérisé par une obsession maladive d’anéantir ses adversaires -accusations de coup d’état par exemple-. Fort de ce qui précède, le citoyen lambda qui ne cesse de constater l’absence de démission dans la culture politique centrafricaine s’interroge :
- Comment peut-on travailler efficacement dans un environnement pollué et malsain ?
- Le ministre de l’administration du territoire est-il victime de son propre succès ?
- A-t-il volé la vedette à l’illustre élu de la nation ?
- Être un brillant ministre dans un gouvernement est-il une faute politique ou professionnelle ?
- Le pouvoir craint-il sa probable capacité de nuisance en 2021 ?
- Les autorités de Bangui peuvent-elles renouveler leur mandat en 2021 si elles s’évertuent à fabriquer artificiellement des opposants l’organisation d’une réunion publique du pouvoir avec les autorités locales -sous-prefets, maires, chefs de quartier etc…- a l’insu du ministre de tutelle est-elle synonyme de reniement ou de récusation ?
- Si tel est le cas, qu’ont-ils fait de la logique administrative et de la solidarité gouvernementale ?
- Le ministre de l’administration du territoire préfère-il en dehors de la démission jouer la prolongation en attendant 2021 histoire d’amasser de l’argent et/ou de racketter un peu ?
- Craint-il des poursuites judiciaires légales ou fabriquées artificiellement après sa démission ?
- Pourquoi les présidents centrafricains rêvent-ils toujours d’un deuxième mandat avant l’évaluation et surtout la fin du premier ?
- Ailleurs ces genres de déboires conduisent naturellement à la démission pour divergence idéologique mais pourquoi pas en Centrafrique ?
A titre de rappel, la démission est par définition un acte par lequel on renonce à une fonction ou à un mandat. Pour qu’elle soit valable, la volonté de mettre fin à la fonction doit être manifestement claire et sans équivoque. Nous insistons sur le fait qu’une absence injustifiée même de façon prolongée ni un abandon de poste comme l’actuel ministre de l’administration du territoire avait fait par le passé ne peuvent constituer une démission.
De toute les façons, les carottes sont cuites et l’issue devient inévitable: démissionner d’un gouvernement qui lui est hostile le grandira. De toute évidence et même si l’intéressé n’ose démissionner, il ne fera certainement pas parti de la prochaine aventure gouvernementale qui se profile en filigrane.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 16 février 2018
Bernard Selemby-Doudou - juriste, administrateur des élections.