Le long et balbutiant processus de destitution de l’ancien président de l’assemblée nationale avait pour corollaire la mise en place d’une structure politique pour soutenir les actions politiques du président de la république en vue des prochaines échéances électorales de 2021. C’est ainsi que le chef du gouvernement, en grand stratège de cette initiative a organisé une assemblée générale constitutive du 8 au 10 novembre 2018 soit trois jours au stade omnisports de la capitale centrafricaine.
À l’occasion, les statuts du nouveau mouvement ont été adoptés et un bureau provisoire a été mis en place. Sans surprise, la messe des affamés communément appelée le "mercato" était animée car le mouvement a créé une vague inégalable de transhumance politique dans l’arène.
Il est important de rappeler de façon liminaire que d’importants deniers publics ainsi que des moyens matériels, humains et logistiques de l’Etat ont été mobilisés sans gêne pour ses assises. Ce pouvoir caractérisé par une carence notoire de résultats sur le plan sécuritaire, de la cohésion sociale et de la réconciliation nationale a inversé la pyramide des intérêts car ceux des dirigeants sont prioritaires au détriment des intérêts du peuple. Bernard Selemby-Doudou@bsd
C’est dans ce contexte calamiteux qu’on se préoccupe d’inventer une machine de reconquête et de conservation du pouvoir nonobstant ce constat manifeste d’échecs. Le dernier né des structures politiques s’autoproclame "centriste, démocratique, laïque et fédérateur".
L’agencement incohérent des concepts et idéologies crée un flou sociologique en prédisposant un sentiment du "déjà vu". Perturbé par ce catalogue mal agencé de concepts et idéologies, le citoyen lambda s’interroge :
- La mise en place budgétivore de ce mouvement était-elle opportune par rapport aux besoins primaires du peuple ?
- Quelles sont les apports innovants de ce mouvement au paysage politique et plus particulièrement à la crise qui perdure ?
- L’avènement de ce mouvement constitue-t-il un gage irréfutable de réélection en 2021 ?
- Quelles nuances faites-vous entre un mouvement politique, un parti politique ou plus simplement un "mouvement-parti" au point de créer un flou lexical dans les tendances idéologiques ?
- Pensez-vous que l’allégeance au centrisme aura un impact sur le modèle dictatorial, monarchique et oligarchique de ce pouvoir ?
- Pensez-vous que le premier ministre, tête pensante de ce cirque démissionnera-t-il au profit du nouveau mouvement pour préparer les échéances électorales de 2021 ?
- Comme de tradition, un nouveau gouvernement de remerciement autour des tenants et de ceux qui ont fait allégeance au mouvement sera-t-il mis en place ?
- Excité par un rêve victorieux en 2021, le pouvoir ne sera-t-il pas tenté d’initier un nouveau projet ou une révision constitutionnelle taillée sur mesure ?
- Étant donné que le président de la république demeure juridiquement le deuxième vice-président du KNK, ce mouvement est-il un KNK bis ou un KNK rénové ?
- La sécurité et la reconquête du territoire sont-elles troquées contre les objectifs du nouveau mouvement ?
- L’exercice de pouvoir du professeur de la "rupture" est-il compatible au centrisme ?
- A la démocratie ?
- A la laïcité ?
- A un esprit fédérateur ?
- Pourquoi vanter des concepts qui ne riment pas avec la vision politique du pouvoir ?
Le centrisme par théorie suppose une idéologie médiane, intermédiaire et modérée c’est à dire une idéologie entre les deux extrêmes. Tandis que l’esprit fédérateur suppose une convergence, une organisation collective. L’union renvoie à la notion du partage du pouvoir en acceptant la contradiction même farouche alors que dans les faits, le pouvoir contrôle l’exécutif, le législatif et le judiciaire.
Cette concentration inédite de pouvoir au 21e siècle écarte de facto la notion de démocratie voulue par Montesquieu et Alexis de Tocqueville car aucun de ses attributs -séparation de pouvoirs, indépendance de la justice, respect des libertés fondamentales etc…- ne se retrouve dans leur pratique quotidienne du pouvoir.
En définitive, nous constatons avec amertume et regret qu’aucun de ses concepts utilisés abusivement n’est compatible à la vision politique du président de la république. Ce mouvement ou parti politique hybride est visiblement construit sur l’exclusion et le communautarisme qui prépare le lit de la division et de la haine synonyme d’enlisement durable de la crise. Nous vous rappelons in fine qu’on ne trompe pas indéfiniment le peuple. Ce dernier n’est pas dupe mais lucide pour juger au moment venu en fonction de la réalisation des promesses électorales.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Le 16 novembre 2018
Bernard Selemby-Doudou