Le projet de loi portant code électoral a été préparé par un groupe technique de travail composé de représentants de l’Assemblée nationale, de l’agence nationale des élections -ANE-, de la société civile, du haut conseil de la communication -HCC-, du vonseil constitutionnel et de la cour de cassation. Bernard Selemby-Doudou@bsd
Le travail hautement scientifique des experts du groupe technique de travail a été validé par le gouvernement en conseil des ministres en apportant de modifications sensibles qui dénaturent substantiellement le précieux et méticuleux travail des experts.
Ces modifications qui constituent un insolent mépris au travail des experts se cristallisent autour des articles 112 et 145 du projet du code électoral qui multiplient par 10 le montant respectif de caution des élections présidentielles et législatives.
Par nécessité de réformer le code électoral en vue de faire échec aux candidatures fantaisistes, le groupe de travail des experts avait unanimement proposé une augmentation raisonnable de la caution de 5 millions Fcfa à 15 millions Fcfa pour les présidentielles et de 100 000 Fcfa à 200 000 Fcfa pour les législatives. Ce projet de loi qui constitue à plusieurs égards une innovation régressive fait actuellement l’objet d’un débat à bâtons rompus et contradictoire à l’assemblée nationale mais ne fait pas l’unanimité même dans la majorité présidentielle.
Dans ce genre de confusion, de doutes et d’hésitations, le pouvoir tente toujours de recourir à sa traditionnelle méthode de passage en force qui consiste à inviter les billets de banque dans l’arène pour un arbitrage en sa faveur.
Dans ce contexte, les représentants du peuple doivent comprendre que la corruption pour laisser passer la loi servira certes à un besoin ponctuel mais ne résoudra pas sensiblement vos quotidiens d’où la nécessite de penser à la génération future.
Cette mauvaise habitude des parlementaires sensés défendre les intérêts du peuple interpelle l’opinion nationale et les internautes en vue de moraliser les élus du peuple sur l’importance d’un cadre juridique dans le processus électoral.
Force est de constater qu’avec ce projet de loi à l’état, ces coupures de banque feront le premier tri sélectif des candidatures synonyme d’une exclusion de citoyens porteurs de projets crédibles qui répondent aux aspirations du peuple.
Cette nouvelle république des riches inventée par les nouvelles autorités est anti-démocratique et porte outrageusement atteinte au principe d’égalité prôné par le préambule de la constitution du 30 mars 2016. Conscient que l’issue d’un processus électoral crédible, transparent et équitable dépendra de ce nouveau code électoral, le citoyen lambda qui ne manque d’inspiration s’interroge :
- Quelles sont les réelles plus-values de cette réforme électorale ?
- Existait-il une nécessité urgente de réformer substantiellement le code électoral ?
- Le code qui a permis l’élection du président de la République avait-il besoin d’un grand toilettage à moins de 2 ans de la prochaine élection ?
- Cette augmentation drastique du montant de caution n’est-elle pas un moyen d’inviter les lobbies mafieuses et crapuleuses dans la cour de la République ?
- Cette augmentation répond - elle de façon adaptée à la problématique de la réforme ?
- L’adoption de ce projet de loi n’est-elle pas génératrice de polémiques synonymes susceptibles de provoquer un glissement de calendrier électoral ?
En tout état de cause et considérant l’adhésion de notre nation au respect des valeurs démocratiques, un candidat à une compétition électorale doit être apprécié sur la base de son projet de société, de sa capacité morale, technique, intellectuelle à gérer et non sur des considérations qui servent d’autres intérêts que ceux du peuple. C’est vraiment indécent de maintenir cette hausse mal adaptée à la problématique alors que le pays est très pauvre avec un produit intérieur brut -PIB- et un revenu minimum des citoyens en dessous de la moyenne africaine.
Nos autorités établies ont voulu copier sur le modèle des Etats de la sous-région mais elles ignorent qu’économiquement nos données statistiques actuelles sont ridicules. Pour finir, il urge de moraliser nos parlementaires sur l’importance de leur mission qu’ils semblent ignorer et de leur rappeler qu’au moment où les députés maliens ont pris leur responsabilité devant l’histoire en mettant la pression par voie de motion de censure au point d’obtenir la démission du chef du gouvernement, leurs homologues centrafricains doivent penser à la souffrance du peuple et d’adopter ce projet de loi en âme et conscience.
A défaut de courage politique, les parlementaires louperont une nouvelle fois l’occasion de se réconcilier avec son électorat et ils seront seuls responsables de la sombre histoire de notre chère nation.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 19 avril 2019
Bernard Selemby-Doudou
Juriste, administrateur des élections