Comment expliquer et prouver que l’on aime son pays en se passant de sa culture, de son art, de ses traditions, de sa musique, sa peinture, sa sculpture, bref, de tout ce qui constitue l’âme d’une nation, tout ce qui fait la grandeur d’un peuple à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire?
Lorsque les dirigeants de la RCA, refusent délibérément de promouvoir les talents et de reconnaître la valeur des artistes, aussi bien de leur vivant, que le jour de leur mort, à quoi faut-il penser ? Que peut-on encore espérer et attendre de plus de la part de tels dirigeants, en matière d’art et de culture ?
DONGO BEMA DIEUDONNÉ alias Trésor, est mort accidentellement le 17 juin 2018. Avec lui, s’est éteinte à jamais la plus grande voix encore vivante de Centrafrique. Celle qui aura doté le pays d’un répertoire musical unique. Celle qui a fait danser des générations entières, éclairé nos nuits sombres, éveillé nos jours de mélancolie, bercé de sa belle mélodie nos cœurs blessés, aidé nos blessures intimes et profondes à se cicatriser.
Une voix qui a su souvent nous accompagner et nous redonner le sourire pour caresser le temps qui passe !
Dongo Bema Dieudonné alias Trésor, a été conduit à sa dernière demeure le 26 juin 2018. Sans la présence du président de la République. En l’absence du président de l’Assemblée nationale. Sans le Premier ministre, ni son ministre de l’inculture et de la pourriture !
Faut-il être Papa Wemba pour que Joseph Kabila en RDC, ait rendu un vibrant hommage national à la vedette africaine tant adulée ?
Faut-il avoir l’éclat et l’aura internationale d’un Johnny Hallyday, pour que le président Emmanuel Macron en France, ait fait don de sa personne, et rehaussé par sa présence la cérémonie d’adieu à cet immense artiste?
La RCA n’est pas la RDC ni la France. Et ce n’est faire injure à personne, de reconnaître que ces pays mieux nantis que la Centrafrique, ont su par-dessus tout, conserver et développer une grande tradition culturelle et artistique.
Mais à la dimension de la RCA, Trésor, vaut bien, sinon plus que Papa Wemba, Koffi Olomide, Johnny Halliday, Michael Jackson et d’autres encore.
Mort dans la fleur de l’âge, Trésor était déjà, et demeurera à jamais un monument, un baobab de la musique centrafricaine. Comme tous ceux qui l’ont précédé, il a vécu dans un dénuement qui n’était pas à la mesure de son talent. Pire, il est mort et enterré sans hommage officiel, sans la moindre médaille de reconnaissance pour tous les services rendus à la Nation.
Merci au Vice-président de l’Assemblée Nationale Symphorien Mapenzi, au président Alexandre-Ferdinand Nguendet, aux honorables députés Bertin Béa et Martin Ziguélé, qui ont bien voulu par leur présence, et au-delà de la personne même de notre artiste musicien de regretté mémoire, témoigner et reconnaître ainsi, ce que la culture et l’art ont de plus noble pour un pays.
Dongo Bema Dieudonné alias Trésor l’artiste ! Il y’a dans l’insolence de l’absence de reconnaissance officielle de ton art et de tout ce que tu auras apporté à ce pays, comme une très grande injustice que l’Histoire se chargera tôt ou tard de réparer. Le peuple centrafricain qui n’est pas sans mémoire, sans aucun doute, fera boire le moment venu, la coupe de la honte à ceux qui ont osé ignorer qui tu étais, qui tu restes, et tout ce que tu as fait. Ce même peuple qui, ce 26 juin fatidique, t’a accompagné de toute sa ferveur jusqu’à ta dernière demeure, n’oubliera pas de faire payer le juste prix qu’ils méritent, à tous les dirigeants incultes : celui du mépris souverain.
Être artiste ne veut pas dire être imbécile ou un rebut de la société !
Comment expliquer à nos dirigeants, que la RCA éternelle, la RCA qui ne périra jamais, la RCA que nous aimons dans toute sa beauté, dans toute sa grandeur et sa splendeur, est celle des artistes à la créativité débordante et des mécènes ?
La RCA que nous aimons et qui survivra, est celle des artistes musiciens : Jimmy Zachari, Joachim Vomitiende, Prosper Mayelé dit Prince Mayos, Rodolphe Bekpa, Dominique Eboma, Jean Magalet, Judes Bodeze, Bovic Gazoulema, Thierry Yezo, Charlie Perrière, Aggas Zokoko, Dr Wech, José Ferreira, Domingo Salséro, Baba Bhy Gao, Princesse Léonie Kangala, Laeticia Zonzambe, Théo Mobanza, Vadjot Somosita, BB Matou, Laskino Ngomatchek…
La RCA que nous aimons et qui survivra est celle des artistes créateurs, comédiens, peintres, sculpteurs : Vincent Mambachaka, Idylle Mamba, Prudence Maidou, Michel Ouabanga, Didier Kassai, Baba Kpion et les membres de la troupe théâtrale Les perroquets de Bangui...
La RCA que nous aimons et qui survivra est celle des artistes écrivains, romanciers, poètes et essayistes : Pierre Makombo Bambote, Pierre Sammy-Mackfoy, Raphaël Nzabakomada-Yakoma, Etienne Goyemide, Blaise N'Djehoya, Cyriaque Robert Yavoucko, Jean Paul Ngoupandé Pandé, Adrienne Yabouza, Gabriel Danzi, Adolphe, Pakoua, Alain Lamessi, Jean François Akandji, Agba Georges, Amaye Maurice, Bally-Kenguet Sopke Romain, Benam Pierre…
La RCA que nous aimons et qui survivra est celle des artistes de la Fédération centrafricaine de danse traditionnelle avec ses groupes tel que : Réveil de l’est, Yangba Bolo,Ngbake Sabanga d'Ippy- Ouaka, Yangbabolo....
La RCA que nous aimons et qui survivra, est celle des musées, des bibliothèques, des maisons de la culture et des jeunes, qui ont disparu et dont personne ne s’en soucie.
La RCA que nous aimons et qui survivra, est celle de tous ces artistes dont les immenses œuvres sont couvertes de la poussière de désespérance, et finiront malheureusement par disparaître à tout jamais, faute d’une véritable politique de promotion de la culture et des arts.
D’ailleurs, avez-vous remarqué que depuis des années, le Ministère dédié aux œuvres de l’esprit, est l’apanage d’anciens rebelles au crâne marécageux, et autres brillants incultes qui savent à peine écrire et parler, moins encore définir ce qu’est la culture ?
Et sans verser dans des allusions injurieuses, la culture, Messieurs les incultivés, est ce qui peut apporter davantage à l’image d’un pays, que tous ces passeports diplomatiques que vous distribuer pour quelques miettes à des bandits de renommée internationale, et à tous ces vandales qui détruisent et salissent l’honneur du peuple centrafricain.
"Le développement requiert aussi de la culture, et la liberté, comme la démocratie, est une affaire de grande culture". Aussi, un brillant éditorialiste - qui doit le regretter amèrement aujourd'hui -, écrivait il y’a un peu plus de deux ans à propos de la Centrafrique :
"Faustin-Archange Touadera, est parfaitement outillé, intellectuellement parlant, pour ne pas craindre ceux qui seraient aussi bons, ou même meilleurs que lui. C’est une chance considérable, pour un dirigeant comme lui, de pouvoir disposer de toutes les intelligences d’une nation, pour rebâtir, éduquer. L’ancien recteur de l’Université de Bangui sait, mieux que quiconque, que l'instruction et la culture sont des armes efficaces pour mettre une nation à l'abri des divisions et d'une haine aussi violente que celle qui vient de traumatiser si profondement le peuple centrafricain"
Chiche ! Pour son compte, le peuple a aujourd’hui tout ce qu’il ne mérite pas.
Mais désormais, les centrafricains sont en droit d’exiger de leurs désespérants dirigeants, ce qu’ils ne peuvent plus accepter d’eux. Dans le domaine de la culture et de l’art, s’entend.
Et quand sonnera la trompette, chacun devra se souvenir avant de faire parler son bulletin de vote!
GJK-Guy José Kossa
Le 28 juin 2018