La sphère politique française est en ébullition depuis deux semaines c’est-à-dire dans de perpétuels rebondissements sur le scandale d’Etat du sieur Benalla qui a vacillé le pouvoir français.
Il s’agit en effet d’une vidéo compromettante postée sur les réseaux sociaux incriminant un proche collaborateur du président de la République entrain de frapper un manifestant lors d’une manifestation du 1er mai. Le personnage incriminé dans cette fameuse vidéo n’est autre que l’ancien agent de sécurité privé de l’actuel président de la République au moment des campagnes électorales.
Après le verdict des urnes ce dernier a été embauché par l’Elysée comme conseiller à la présidence avec des avantages et privilèges exorbitants. Pour perfectionner sa mission, ce dernier a bénéficié d’une mission d’observation, d’immersion avec déguisement adapté pour assister la police au maintien de l’ordre. Il est important de rappeler que suite à l’indignation de la classe politique toute entière, le procureur de la république a ouvert une information judiciaire, ensuite on a assisté au licenciement c’est-à-dire la radiation de l’agresseur de l’effectif de l’Élysée, le ministre de l’intérieur, certaines personnalités de la présidence et de la police nationale ont été auditionnés par l’assemblée nationale et même une motion de censure avait été déposée contre le gouvernement.
Il faut rappeler que les agitations des fous du roi n’est pas une exclusivité ou l’apanage de la démocratie française mais ce fléau est planétaire. Ces genres de personnages troubles se retrouvent généralement au cœur de chaque pouvoir et se croient tout permis. En l’absence de la détermination et de l’intransigeance de leur leader pour les encadrer, ils deviennent intouchables et se voient au-dessus de la loi. En Centrafrique, l’affaire Kossimatchi illustre à suffisance ce phénomène qui met à nu les dysfonctionnements qu’on peut rencontrer dans les cercles du pouvoir et même dans les grandes démocraties.
En effet, le "Benalla" centrafricain, fonctionnaire du ministère de l’éducation nationale de son statut, a profité de sa proximité et soi-disant association de soutien au chef de l’Etat pour convoquer une conférence de presse au cours de laquelle il porte des accusations graves et troubles à l’endroit des hauts dignitaires du pays y compris le président de l’Assemblée nationale. Ce dernier a appelé sans qualité la population à marcher sur l’Assemblée nationale en vue de le pousser à la démission…bref ! Une incitation aux troubles publiques.
Les sorts et traitements différents réservés à ces deux affaires identiques interpellent le citoyen lambda qui s’interroge :
- Pourquoi l’affaire Benalla est qualifiée de "scandale d’Etat" en France alors qu’en Centrafrique l’affaire Kossimatchi est passée inaperçue ?
- Analogiquement, pourquoi la même pipe fume des tabacs différents ?
- En d’autres termes, pourquoi des faits analogues produisent des réactions et effets différents ?
- Pourquoi cette affaire qui a vacillé la République française a fait ni chaud ni froid en Centrafrique ?
- Dans le contexte centrafricain, personne n’est responsable…mais qui avait autorisé cette conférence de presse ?
- Le cabinet et l’entourage du président de la République ont-ils été auditionnés ?
- Quelles sont les leçons à tirer de ces deux affaires ?
- Quel rôle notre fonctionnaire joue-t-il dans le cercle du pouvoir pour museler la classe politique et ainsi bénéficier d’une totale impunité ?
- Quelle fonction ce dernier occupe-t-il dans la pyramide présidentielle pour convoquer une conférence de presse au nom et au profit du chef de l’état ?
- Si l’affaire Kossimatchi était transférée en France, quel allait être le sort de ce dernier ?
- Par ailleurs, pensez-vous que les parlementaires centrafricains doivent se recycler ou bénéficier d’un stage au palais Bourbon pour réagir comme leurs homologues français devant de tel scandale ?
Il est hyper important de rappeler que ces deux scandales républicains avec des réactions et effets différents relancent le débat sur le statut des collaborateurs et surtout des personnages qui gravitent autour du président de la république, des personnalités qui agissent à son nom ou à son profit.
Visiblement, le perturbateur de l’ordre public centrafricain est loin de subir les mêmes traitements médiatiques, politiques et judiciaires qu’en France. Personne dans le cercle du pouvoir n’a osé demander sa démission ni une excuse publique alors que la Centrafrique, ancienne colonie française a tout calqué et sans exception sur le modèle français.
Devant ce cas d’école, nous espérons qu’à l’avenir le pouvoir saura combler son ignorance à travers cette jurisprudence.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Bernard Selemby-Doudou, juriste, administrateur des élections
Paris le 27 juillet 2018