Par Thierry Simbi
Ta lege wara ta kusara ti kota wakua ti tumba tene ti Dipanda
Jeunesse / formation académique.
Pierre-Faustin Maléombho est né à Grimari le 11 juillet 1926. Il est le condisciple d’Abel Goumba à l’école primaire de Grimari, d’Edouard Fatrane et Goumba au collège de Bambari. En 1942, il entre à l’école supérieure de Bangui de 1942, puis est reçu en même temps que Goumba en 1945 à l’école William Ponty de Dakar qu’il fréquentera jusqu’en octobre 1947 avant d’intégrer l’école des cadres de Brazzaville occuper le poste de commissaire greffier dans le corps judiciaire de l’AEF en 1954 à Fort Lamy au Tchad.
Entrée dans la vie politique 1957-1959
Secrétaire de la section du Mouvement pour l'évolution sociale de l'Afrique noire -MESAN- à Fort-Lamy, il est en contact régulier avec Boganda et organise en 1957 dans ce territoire, le bureau territorial et les premières sections du MESAN.
Il revient comme greffier à Bangui en 1958 et entre dans la vie politique. Ses connaissances juridiques et ses relations avec Boganda sur conseil de Goumba amènent sa désignation, en juillet 1958 comme ministre des Travaux Publics, des Transports et des Mines au Conseil de gouvernement de l’Oubangui-Chari, fonctions qu’il conservera après l’autonomie dans le premier gouvernement de la République centrafricaine présidé par Boganda
Le 1er décembre 1958, la République centrafricaine est proclamée, l’Assemblée territoriale devient constituante et législative, Barthélemy Boganda accède au poste de président du gouvernement. Le 6 décembre, son cabinet est formé : Abel Goumba est aux Finances, David Dacko à l’Intérieur, à l’économie et au commerce tandis que Pierre-Faustin Maléombho se voit confier le département des Travaux publics, des Transports et des Mines. Après la mort de Barthélemy Boganda le 29 mars 1959, Abel Goumba assure l’intérim de la présidence.
Présidence de l’Assemblée législative de RCA jusqu'à indépendance 1959-1960
Le 5 avril 1959, les élections législatives se déroulent sans incident, mais 45 % des électeurs s'abstiennent et le MESAN qui est seul parti à concourir remporte tous les sièges. Maléombho, alors 1er Vice-Président du MESAN -le Président du MESAN est alors Etienne Ngounio- entre à l’Assemblée législative et en sera élu Président le 15 avril 1959.
Alors que David Dacko posait sa candidature à la présidence du gouvernement, Goumba est farouchement combattu par l’administration coloniale qui redoutait son nationalisme et sa candidature subi alors un certain nombre d’oppositions. On peut ainsi citer Roger Guérillot -qui attribuait sa disgrâce à Goumba était alors bien résolu à se venger de lui-, celle de René Naud -président de la Chambre de commerce de Bangui, député qui siégeait à l’Assemblée, sénateur de la communauté, Premier adjoint au maire de la ville de Bangui-, celle de la veuve de Barthélémy Boganda, née Michelle Jourdain Président des Petites et Moyennes Entreprises, l’archevêque de Bangui Monseigneur Cucherousset, celle de Paul-Emile Bordier, Haut-Commissaire d’Oubangui-Chari Robert Olivier ou encore celle indirecte de Jacques Foccart, secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches.
Afin de ne pas semer la division au sein de l’Assemblée, Goumba s’incline devant la candidature de Dacko qui sera élu le 15 et investi le 30 avril 1959, président du gouvernement pour un mandat de 5 ans. Goumba acceptera malgré son éviction d’entrer au gouvernement Dacko, en qualité de ministre des finances et du plan. Maléombho a pris parti dans les dissensions qui éclatent au sein du MESAN pour désigner le successeur de Boganda à la tête du gouvernement. Juste après son investiture, Dacko cherchera à se débarrasser de Maléombho, toujours ministre des Travaux Publics, des Transports et des Mines du gouvernement.
Dès l’ouverture de la session parlementaire en mai 1959, Dacko demandait aux députés de lui accorder les pleins pouvoirs qui lui seront refusés. Réunissant alors le nombre de signatures exigées par la Constitution, le sénateur Ngounio, successeur de Boganda à la mairie de Bangui et à la tête du parti, déposait le 3 octobre 1959 une motion de censure contre le gouvernement portant le nom de Maleombho pour remplacer Dacko au poste de Président. Pour contrer cette manœuvre Dacko avec l’aide de transporteurs européens et de planteurs de sa région, faisait venir une foule de paysans et de manœuvres armés de sagaies et de machettes Ceux-ci entouraient le bâtiment de l’Assemblée. Soudoyés, un certain nombre de députés faisaient connaître qu’ils avaient, par erreur, signé la motion de censure.
Le 7 octobre, celle-ci était repoussée de justesse. Dacko faisait reporter sine die les élections prévues dans les collectivités rurales et il faisait préparer un projet de renforcement du pouvoir exécutif. Le 8 octobre 1959, Goumba en charge du portefeuille des Finances et du Plan démissionne du gouvernement.
Le 9 mai 1960, alors que le Président du MESAN Etienne Ngounio propose la reconduction de l’ancien bureau de l’Assemblée et notamment celle de Pierre-Faustin Maléombho en qualité de Président. Ngounio se heurte à Dacko qui entre temps est entré au comité directeur du MESAN en qualité de deuxième vice-président et de député. Dacko ne veut plus subir l’affront d’une deuxième motion de censure et entend placer un fidèle à la tête de l’Assemblée législative. Bien que chef de l’exécutif, Dacko se positionne alors contre la reconduction de Maléombho et soutient la candidature de Michel Adama-Tamboux à la tête de l’Assemblée législative de la RCA, marquant de fait une ingérence du chef de l’exécutif dans les affaires du législatif. Michel Adama-Tamboux sera finalement élu Président de l’Assemblée par 29 voix contre 16 et 1 abstention. Cet évènement achève de consommer les divisions au sein du MESAN.
En juin 1960, Maléombho fonde avec Abel Goumba le mouvement de l’évolution démocratique de l’Afrique Centrale -MEDAC-qui regroupe 16 députés à l’Assemblée législative. Maléombho en devient premier Vice-président tandis qu’Edouard Fatrane occupe le poste de secrétaire général. Le MEDAC se revendique non seulement garant de l’idéal et de l’héritage idéologique de Barthélémy Boganda mais se veut aussi nationaliste et aussi panafricain
Lorsque le Congo voisin proclame son indépendance à Léopoldville le 30 juin 1960, le président est Joseph Kasavubu et le premier ministre Patrice Lumumba. Le Congo est alors miné par les luttes intestines lorsque la sécession de la province minière du Katanga, le 11 juillet 1960, exacerbe un climat de crise ambiant. Des troupes belges et des Casques bleus de l'organisation des Nations-unies interviennent alors qu'un bras de fer s'engage entre Kasavubu et Lumumba. Les milieux coloniaux de l'Oubangui-Chari prennent peur vis-à-vis d’un processus d’accession à l’indépendance trop libéral et voient nécessaire de renforcer le pouvoir de Dacko et d’éteindre les velléités d’opposition au sein de la jeune République centrafricaine pour éviter un "désordre" à la congolaise.
L’Assemblée législative centrafricaine est convoquée en session extraordinaire, du 18 au 21 juillet 1960, en vue de se prononcer sur la ratification des accords signés à Paris par la France et la RCA entre que sur la date de l'indépendance centrafricaine et portant sur le transfert des compétences de la communauté à la RCA et sur la détermination de certaines dispositions en matière de justice, de défense, de monnaie, etc. Le MEDAC s’opposera lors de ce vote affirmant sa volonté aux transferts de compétences et à l’indépendance mais son opposition aux accords de coopération avec la métropole.
C’est dans ce contexte très particulier de division entre les fils du pays que la RCA proclame son indépendance le 13 août 1960 alors que Goumba proteste à l’Assemblée contre les conditions dans lesquelles est octroyée cette indépendance…
Sous Dacko 1960-1965
Le 17 novembre 1960, les députés se réunissent pour se prononcer sur cinq projets de loi modifiant la constitution renforçant les pouvoirs de l’exécutif, prévoyant la possibilité de dissoudre les partis politiques, syndicats, associations ou organisations troublant l’ordre public et permettant d’assigner à résidence les personnes accusés de troubles à la sécurité publique ou d’écrits subversifs. Le MEDAC s’oppose vigoureusement appelant notamment par tracts la population à manifester dans le calme et la dignité. 300 manifestants qui se réunissent ainsi autour de l’Assemblée seront dispersés par la gendarmerie. Le MEDAC dépose 13 amendements contre le projet de loi qui sera au final malgré cela adopté...
Le 15 décembre 1960, Abel Goumba se rend à Brazzaville où se tient la conférence des chefs d'Etat de l'Afrique noire francophone et leur remet un mémorandum sur la violation des libertés en République centrafricaine.
Le 24 décembre 1960. Goumba, Maléombho, Fatrane et Fidèle Metté sont mis en examen pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Il leur est reproché la remise à la conférence de Brazzaville et à Lumumba d’un texte jugé calomnieux par l’exécutif. Il leur était aussi reproché l’organisation d’une manifestation sur la voie publique interdite par les autorités municipales le 17 novembre lors du vote à l’Assemblée sur réforme constitutionnelle. L’opposition parlementaire est ainsi brisée. Abel Goumba est assigné à résidence et placé sous surveillance policière tandis que le 27 décembre, Dacko signe un décret qui dissout le M.E.D.A.C.
Le 2 février 1961, Pierre-Faustin Maléombho conduit par la gendarmerie à Nola où il est assigné à résidence tandis qu’Abel Goumba est lui conduit et assigné à Boda et Fatrane à Ndélé avant d’être tout trois regroupés à Bossembélé en décembre 1961. Entre temps, leur immunité parlementaire est levée afin que l’instruction dont ils font l’objet se poursuive.
Le 26 janvier 1962, s’ouvre le procès de Goumba, Maléombho, Fatrane et Mette qui sera qualifié par la défense "le procès de la honte". La première audience est d’ores et déjà renvoyée au 9 Février 1962, leur avocat français maître Manville étant bloqué à Marseille par les autorités françaises et que les autorités centrafricaines l’avaient interdit de séjour en RCA…Finalement, le tribunal rendra son verdict le 22 février.
Goumba, Maléombho, Fatrane seront condamnés à 6 mois d’emprisonnement pour intelligence avec une puissance étrangère et 1 mois pour provocation à attroupement. Goumba et Maléombho sont en sus déchus de leur mandat parlementaire. Maléombho fut finalement réintégré dans les cadres fin 1964.
Sous Bokassa 1966-1976
Après le coup d’Etat de la Saint-Sylvestre, Maléombho est nommé magistrat et affecté successivement aux tribunaux de Bouar, Berbérati, Bambari et, en 1975, de Bangui où il devient conseiller à la Cour d’appel.
Maléombho sera accusé de complicité dans l’attentat perpétré par Fidèle Obrou le 3 février 1976 pour assassiner Bokassa. Le 13 février 1976, il est jugé par le tribunal militaire permanent avec les autres accusés au stade omnisports puis condamné à mort pour complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat et tentative d’assassinat. Il sera fusillé le 14 février 1976, au champ de tir au-dessus du camp Kassaï.
Thierry Simbi @ @ @ @ @
Le 18 janvier 2018