A l’occasion des fêtes de fin d’année et à l’instar de ses paires à travers le monde, le président de la République s’est prêté à l’exercice du traditionnel discours de présentation de vœux à la nation centrafricaine. Cette épreuve tant redoutée par les pouvoirs successifs est l’inévitable occasion de grande communion avec le peuple où le pouvoir fait l’inventaire de ses réalisations ainsi que les grandes orientations politiques sans oublier les défis pour la nouvelle année. Bernard Selemby-Doudou@bsd
À travers un long discours creux, transparent, sans conviction et évasif le président de la République a eu l’audace et la probité de reconnaître la complexité de la crise avec les multiples acteurs y compris des mercenaires étrangers. Par la même occasion, le locataire du palais de la renaissance a fait un aveu d’impuissance et d’incompétence en reconnaissant de grands retards dans le dialogue politique et le grand chantier du DDRR -Désarmement, Démobilisation, Réinsertion, Rapatriement-.
Le pouvoir a relevé à travers l’adresse du président de la république à la nation des événements malheureux et heureux qui ont émaillé l’année 2018. Une grande place a été réservée aux événements heureux, outils de propagande du pouvoir nonobstant les béantes douleurs du peuple. Il est important de rappeler qu’à travers le parcours synoptique du message à la nation, on constate que le pouvoir insiste à s’enliser dans sa politique d’autosatisfaction privant la population de la vérité à travers une démagogie institutionnalisée.
La démagogie par définition est une notion politique selon laquelle les dirigeants mènent le peuple en le manipulant pour s’attirer des faveurs et surtout en utilisant des discours flatteurs. C’est vrai que la vérité n’est pas bonne à dire mais on ne peut pas priver tout un peuple de la vérité. La vérité n’a pas été dite au peuple sur les réalités socio-politiques du pays. Ayant vécu la souffrance et les atrocités infligées au peuple centrafricain, le citoyen lambda s’interroge :
- Pourquoi les autorités centrafricaines ne disent pas la vérité sur la situation socio-politique du pays ?
- Qu’a fait ce peuple très hospitalier et docile pour mériter ce traitement démagogique ?
- En quoi cette adresse à la nation qui s’apparente à un discours-bilan d’autosatisfaction se différencie t-elle de celle de l’année dernière ?
- Pourquoi le volet sécuritaire de la crise a été abandonné au profit de la MINUSCA au lieu d’une gestion conjointe et coordonnée avec nos forces de défense ?
- Les discours démagogiques qui frôlent le ridicule ne constituent-il pas un déni de vérité ou une violation du serment ?
- Pourquoi prendre en otage ses propres électeurs qui vous ont fait roi ?
- La démagogie pousse le président de la République à décréter chaque année "de charnière et déterminante" dans le processus de la crise, quelle sera la véritable année décisive ?
- Pourquoi ce pouvoir s’évertue à rendre responsable de leurs déboires et par voie de propagande l’ancienne puissance coloniale ?
- Pourquoi institutionnaliser cette psychose de coup d’état à relent viral et préjudiciable au bon fonctionnement des institutions ?
Contrairement aux affirmations démagogiques du discours, la vérité du terrain est que notre diplomatie est moribonde caractérisée par notre isolement au niveau sous régional voire africain. Le pouvoir semble rejeter l’initiative de l’union africaine en faisant diversion avec le processus parallèle de Khartoum initié par les russes. Sur le plan sécuritaire, la situation s’est empirée par rapport à la période de transition.
S’agissant de l’économie, des efforts considérables sont fait malgré l’économie de guerre parallèle malheureusement qu’ils ne sont pas ressentis dans le quotidien de la ménagère. Concernant le social, la cohésion et la réconciliation nationale sont en panne. Les salaires des fonctionnaires sont gelés depuis des décennies alors que les caisses noires des hauts dignitaires ne cessent de multiplier tandis que les infrastructures de base sont inexistantes.
Tout ce constat est tributaire de la mauvaise gouvernance, de méthodes et stratégies désuètes ou obsolètes voire non adaptées aux réalités socio-politiques actuelles, de la volonté de gérer seul en excluant systématiquement l’opposition démocratique et la société civile.
Pour finir, nous tenons à rappeler singulièrement que nul n’est prophète dans son propre pays…par projection orthogonale, nous pouvons affirmer que "de la même manière le pouvoir a terminé l’année, c’est ainsi qu’il terminera la nouvelle année".
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 4 janvier 2019
Bernard Selemby-Doudou
Juriste, Administrateur des élections