Après de multiples refus au mépris des principes constitutionnels, la première manifestation autorisée de la plateforme de l’opposition dénommée "E Zingo Biani" a eu lieu sans heurts malgré le non-respect de l’itinéraire initial. Bernard Selemby Doudou@bsd
Cette manifestation pacifique garantit par l’alinéa 4 de l’article 15 de la constitution à été soldée par la remise au chef du gouvernement ainsi qu’au président de l’Assemblée nationale d’un mémorandum qui, non seulement rappelle les impasses politiques et sécuritaires avec de nombreuses violations de la constitution mais réclame la tenue urgente d’une conférence nationale souveraine.
La plateforme de l’opposition promet d’activer tous les leviers constitutionnels en vue d’aboutir à un consensus de gouvernance. Au stade où le pouvoir se nourrit d’illusions teintées d’autosatisfaction, ce mémorandum est bien légitime et justifié car elle lance une alerte citoyenne et républicaine, une crainte d’un nouvel embrasement à l’échelle nationale car la constitution donne droit à tout citoyen de défendre la nation.
Par définition, une conférence nationale est une large concertation des forces vives de la nation afin de définir collectivement un scénario plausible de sortie durable de la crise. Par contre le caractère "souverain" attribué à la conférence nationale suppose une table rase, une remise en cause fondamentale des institutions politiques ainsi que des acquis démocratiques.
Traditionnellement, les conférences nationales souveraines synonymes de grands déballages assortis d’intenses débats francs et contradictoires aboutissent systématiquement au départ sans condition du président de la République, à la rédaction ou adoption d’une nouvelle constitution, la mise en place d’un gouvernement de transition avec un premier ministre désigné par la conférence nationale souveraine, la mise en place d’un parlement de transition et éventuellement un nouveau calendrier électoral pour l’organisation un scrutin crédible et transparent…bref, une véritable rupture prônée par le président de la République.
La conférence nationale souveraine est ainsi perçue comme un instrument de transition démocratique, un coup d’Etat à défaut d’être militaire mais civil avec la réduction drastique des pouvoirs du Président de la république démocratiquement élu.
En conséquence de ce qui précède, la conférence nationale souveraine jette les bases d’une nouvelle société démocratique. Étonné par la démarche politique de la plateforme de l’opposition, le citoyen lambda s’interroge :
- Pensez-vous que l’initiative de la plateforme de l’opposition est l’idéale solution pour sortir définitivement la Centrafrique du bourbier ?
- Pourquoi remettre en cause maintenant la légitimité d’un président de la République élu souverainement par le peuple ?
- L’alinéa 2 de l’article 35 de la constitution définit la durée quinquennale du mandat présidentiel, pourquoi cette intention de violer les dispositions constitutionnelles en écourtant ou en réduisant le mandat du président de la République ?
- S’inscrivant dans la suite logique, qui sera le président de cette nouvelle transition ?
- Au-delà des intérêts égoïstes, quelle sera la valeur ajoutée de cette énième transition ?
- Quelle est la différence notable entre la conférence nationale souveraine réclamée par la plateforme de l’opposition et les recommandations du forum de Bangui ?
- Au moment où la capitale centrafricaine reçoit une visite de haut niveau des représentants de l’ONU, de l’Union européenne ainsi que de l’Union africaine, quel est le pourcentage d’aboutissement d’une telle entreprise ?
- À la veille des prochaines échéances électorales, avons-nous les moyens matériels, techniques et financiers pour convoquer une conférence nationale souveraine ?
Au-delà de toutes interrogations, il est important de rappeler que ni le pouvoir ni la plateforme de l’opposition ne dispose isolément de solutions idoines pour résoudre la béante et meurtrière crise centrafricaine. Les deux entités doivent conjuguer leurs efforts y compris les exilés en vue de définir une stratégie commune pour mettre la pression sur la MINUSCA et la communauté internationale. Ces derniers doivent appliquer à la lettre les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et faire cesser les innombrables violations des accords de Khartoum à l’instar du démantèlement des positions des groupes armés des 3R.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 4 octobre 2019
Bernard Selemby-Doudou
Juriste, Administrateur des élections