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Centrafrique : Parcours de François Bozizé Yangouvonda jusqu’au putsch de mars 2003
Sommaire:
1. Une promotion éclair sous Bokassa qui continue au retour de Dacko.
2. L’opposition au régime Kolingba, les évènements du 3 mars 1982 et leurs conséquences.
3. Le retour au pays en 1993 et les conséquences du coup d’Etat manqué de mai 2001.
4. La rébellion jusqu’au coup d’Etat du 15 mars 2003.
François Bozizé Yangouvonda est né le 14 octobre 1946 à Mouila au Gabon. Il est le fils de Joseph Temgan Yangouvonda, qui a servi dans les forces coloniales au Gabon et à Bossangoa et de Martine Kofio. Bozizé a fréquenté l’école élémentaire à Tchibanga au Gabon puis à Bossangoa et ensuite au Lycée technique de Bangui.
1. Une promotion éclair sous Bokassa qui continue au retour de Dacko
Sous Bokassa, Bozizé rejoint les rangs de l’armée et entre à l’école spéciale de formation des officiers d’active -ESFOA- à Bouar en 1967 d’où il sortira avec le grade de Second Lieutenant en septembre 1969. Il entre ensuite au Centre national des commandos de Mont-Louis en France de 1969 à 1970.
Bozizé est promu Lieutenant en septembre 1970 puis reçoit une formation à l’Ecole d’application de l’artillerie de Chalons de 1973 à 1974 et au Centre Interarmées des sports à Fontainebleau en 1975. Il accède au rang de capitaine le 30 août 1976, à celui de major le 9 décembre 1976, lieutenant-colonel en le 1er janvier 1978, colonel le 14 août 1978, au sommet du règne de l’empereur Bokassa dont il fut après 1976 l’aide de camp et responsable de la sécurité personnelle.
Servant avec zèle le maréchal, il sera promu par Bokassa général de brigade le 31 août 1978 à l’âge de 32 ans, 17 jours à peine après avoir acquis le grade de colonel.
Responsable avec le général Joséphat Mayomokola des troupes de Bangui, il est chargé du maintien de l’ordre public lors des manifestations de lycéens du 15 au 20 janvier 1979, faisant plusieurs dizaines de morts parmi les élèves.
La responsabilité de Bozizé ne sera pas été formellement établie par la cour Spéciale qui a jugé beaucoup d’officiers incriminés à la chute de Bokassa. Le changement de régime n’arrête en rien son ascension puisqu’il devient chef d’Etat-major en septembre 1979 et ministre de la Défense du président David Dacko en octobre 1979 -il sera reconduit à ce poste en juillet 1980-. Son séjour à l’école supérieure de guerre en France en novembre 1980 l’obligera à quitter ses fonctions gouvernementales. Jean-Bedel Bokassa et François Bozizé@
2.L’opposition au régime Kolingba, les évènements du 3 mars 1982 et leurs conséquences
Bozizé est en France lorsqu’il apprend le 1er septembre 1981 la prise du pouvoir du général André Kolingba qui le nommera ministre de l’information et de la culture au sein du CMRN. Cependant, la tension monte nettement en fin d’année 1981 entre les officiers Mbaïkoua comme les commandants Alam -Intérieur-, Marboua -Economie et Finances- et encore Bozizé -Information- à cause de leur proximité avec Patassé. Rapidement, le courant ne passe plus entre Kolingba et le "numéro 2" du gouvernement Mbaïkoua. Certains réclament avec insistance un remaniement et l’éviction du clan Mbaïkoua et plusieurs scénarii sont échafaudés au cours de réunions secrètes rassemblant entre autres David Dacko, Christian Ayandho, Michel Gallin-Douathé, Alphonse Koyamba, Christophe Grélombé, Alphonse Konzi, François Pehoua ou encore Jacob Gbéti.
Le 27 février 1982, Ange-Félix Patassé débarque à Bangui après 5 mois passés en Europe accueilli par une foule en liesse évaluée entre 7.000 et 10.000 personnes sympathisants, massés devant l’aéroport et tout le long du parcours jusqu'à sa résidence du km 10.
Le 3 mars 1982, juste avant la fin des émissions programmée à minuit, le général Bozizé se rend à la radio, pour y lire une déclaration à 23h30 dénonçant le "projet du colonel Diallo", la "présence de mercenaires zaïrois" et la "trahison du général Kolingba". Il affirme qu’il a été informé d’un plan visant à l’élimination physique des officiers et des cadres de l’administration, ressortissants des régions du nord du pays et qu’il dénonce ce complot qui se tramerait avec l’intervention attendue de troupes zaïroises massées de l’autre côté du fleuve Oubangui : "Notre chef actuel, le général André Kolingba a trahi et vendu l’armée et la nation toutes entières. En effet, une nouvelle force étrangère se trouve basée sur le sol centrafricain. Il s’agit d’éléments de l’armée zaïroise installés à Bangui au quartier Ouango. Un coup d’Etat fantoche est préparé en ce moment par le commandant de la gendarmerie nationale. Je vous demande de sauver la République centrafricaine"
Pour expliquer cette prise de position, Bozizé rappellera dans l’édition du 3 mai 1983 du n°295 du magazine Afrique-Asie - voir article repris en annexe- les faits suivants qui auraient selon lui précédés cet épisode:
- 27 février 1982 : dans la matinée, 450 militaires zaïrois arrivent à Zongo. Dans l’après-midi, un important dispositif militaire de sécurité, commandé par le lieutenant-colonel Diallo est mis en place à l’aéroport de Bangui sans que cela ait été discuté auparavant en Conseil des Ministres.
- 28 février 1982 : dans la matinée, une séance secrète du gouvernement parallèle -car les grandes décisions se prennent ailleurs qu’au CMRN réduisant ce dernier au rôle de figurant- a lieu à Zongo. Etaient présents à cette séance les chefs d’Etat zaïrois et centrafricains ainsi que certaines autorités civiles et militaires telles que Ayandho, Pehoua, Gbeti, Diallo, Miango, Grelombe et Mokalo.
- 1er et 2 mars 1982 : 75 soldats zaïrois traversent de nuit en amont le fleuve Oubangui et s’organisent en cantonnement dans des pâturages à bœufs situes a Mboko dont Kolingba est propriétaire.
- 3 mars : tôt le matin, 75 éléments militaires zaïrois sont rassemblés dans la concession privée du général Kolingba au quartier Ouango où stationnent 12 véhicules militaires et 6 hors-bords. Vers 10h30, 4 officiers supérieurs zaïrois traversent discrètement le fleuve pour venir inspecter leurs éléments lesquels ont été vêtus de vieilles tenues centrafricaines. Vers 19h, une dernière réunion du gouvernement parallèle se tient dans le verger privé de Kolingba dans le quartier de Gbagouma à Bangui pour transmettre les dernières consignes avant l’opération -83 personnes étaient présentes à cette séance-. Le chef de l’Etat centrafricain, ministre de la Défense nationale et chef d’Etat-major avait consigné tous les quartiers militaires à l’exception du régiment d’intervention parachutiste du camp Kassaï qui, appuyé par un important contingent zaïrois arrivé 5 jours plus tôt à Zongo et par d’autres éléments zaïrois basés dans la concession privé du général Kolingba dans le quartier Ouango à Bangui devait procéder dans la nuit du 3 au 4 mars 1982 à l’arrestation et à l’élimination physique immédiate de responsables politiques gênants pour le régime.
Selon Bozizé, la déclaration du 3 mars de Bozizé à la radio avait "un but informationnel" et "un caractère de dénonciation, bien que le Président du CMRN se soit évertué à la présenter à l’opinion publique et aux milieux politiques étrangers comme constituant une tentative de coup d’Etat des généraux Bozizé et Mbaïkoua au profit d’un leader politique de l’opposition." Cette version de Bozizé qui bat en brèche la version officielle sera reprise dans la livre de Roger Delpey paru en 1985 "Affaires centrafricaines" soutient que cette histoire de "coup d’Etat radiophonique" a été montée de toute pièce pour démanteler l’opposition et en particulier du MLPC. On ne peut certes pas naïvement prendre pour argent comptant les affirmations de Bozizé et penser qu’aucun plan pour prendre le pouvoir par la force n’ait jamais été échafaudé.
- Mais,comment sérieusement penser que Patassé ait voulu prendre le pouvoir sans arme ni réelle logistique militaire au moyen d'un simple appel à l'insurrection formulé en nuit par Bozizé ?
- Comment penser que ce scénario ait été envisagé à la barbe de Jean-Claude Mantion, cet agent de la DGSE qui assurait alors non seulement la sécurité présidentielle de Kolingba et aussi veillait à la "stabilité de la Centrafrique" ?
Il faut souligner que la République centrafricaine avait en ce temps-là une importance stratégique car elle constituait une sortie de "base arrière" pour la France alors que la guerre faisait rage au Tchad. La DGSE soutenait alors activement la rébellion d’Hissène Habré qui prendra le pouvoir à Goukouni Oueddeï début juin 1982. C’est d’ailleurs à partir de la RCA que seront déployées, en août 1983, les forces françaises de "l’opération Manta". Cette volonté de conserver une "stabilité" en RCA se retrouve alors aussi chez autres pays frontaliers comme le Zaïre et le Gabon qui redoutent alors de voir s’instaurer à leurs frontières un quelconque système multipartiste. Cet appel radiophonique précipité de Bozizé donnera en tout cas un fabuleux prétexte à Kolingba pour démanteler l’opposition et renforcer pour longtemps son pouvoir en République centrafricaine...
Le lendemain -4 mars 1982-, en fin de matinée, une unité d’une centaine d’hommes se rend à la résidence du général Mbaïkoua dans le quartier Galabadja et fait usage des armes. Au cours de la fusillade, l’épouse du général Mbaïkoua, Agnès, son jeune fils Jérôme, Jean Mete-Yapendé et aussi un journaliste français de l’agence gamma Jérôme Chatin sont blessés par balles. Rotoloum, le frère de Mbaïkoua et chef du quartier sera tué au cours de cette intervention qui fera deux morts et une trentaine de blessés. Bozizé qui se cachait alors entre le plafond et le toit de la maison ne sera pas retrouvé lors de cette intervention. Il se refugiera après l’intervention au cantonnement de l’Elément Français de l’Assistance Opérationnelle -EFAO-. Pendant ce temps, Patassé et Mbaïkoua avaient trouvé refuge à la maison de formation des petites sœurs du cœur et par l’intermédiaire de la sœur supérieure, ils demandent asile et protection à la France. Au même moment, un conseil des Ministres est réuni par Kolingba au siège de l’état-major des armées. Les généraux Bozizé et Mbaïkoua introuvables font l’objet de mandats d’arrêts. Dans la soirée, l'éviction des conjurés du gouvernement militaire est présentée à la radio, comme un "léger remaniement ministériel". Outre les généraux Alphonse Mbaïkoua et François Bozizé, considérés comme les principaux investigateurs du coup d'État manqué, deux ministres, l'intendant militaire Timothée Marboua -économie et finances- et le lieutenant-colonel Martin Dokossi -commerce et industrie- quittent le gouvernement. Aucune référence aux évènements de la nuit n'est faite pendant vingt-quatre heures. Ce remaniement s’accompagne parallèlement de nombreuses arrestations -une centaine au total- de militants MLPC dont un certain nombre sont déférés devant le Tribunal Spécial, juridiction d’exception permanente compétente en matière de crimes et délits de nature politique. Sont aussi évincés de l’armée, de la gendarmerie et des administrations certaines personnes soupçonnées d’appartenir au MLPC et leur remplacement. Dans la nuit, le général Bozizé à qui la France refuse l’asile politique quitte le cantonnement de l’EFAO. Le 6 mars 1982, Madame Bozizé et son fils Jean-Françis -alors âgé de 12 ans- de même que Mesdames Patassé, Mbaïkoua et leurs enfants sont finalement faits prisonniers au camp Kassaï où ils resteront prisonniers pendant quasiment un an. Il faut signaler que le lieutenant Marc Gbenengaïna qui était l’aide de camp du général Bozizé était présent à la radio lorsque ce dernier pris la parole le soir du 3 mars 1982. Gbenengaïna fut arrêté à la suite de ces évènements et comparut devant le Tribunal Spécial en novembre 1983 et en juillet 1984 pour finalement être condamné à 8 ans d’emprisonnement pour atteinte à la sûreté de l’Etat.
Bozizé restera caché dans la capitale jusqu’au début de l’été 1982 avant de parvenir à s’enfuir vers le Tchad puis vers Paris puis Francfort où il rejoint un certain Iddi Lala. Il se rend plusieurs fois à Tripoli en Libye et dans d’autres pays africains -Congo, Bénin, Burkina Faso-. La plaque tournante de ses activités est Cotonou où il fonde le Parti Révolutionnaire Centrafricain -PRC- et devient membre de l’église du christianisme céleste de la Nouvelle Jérusalem, une branche d’un mouvement religieux apparu au Nigéria à l’issue de la Ière Guerre Mondiale empruntant à la fois au christianisme et aux traditions africaines. Bozizé sera finalement arrêté à Cotonou le 24 juillet 1989 et extradé vers la Centrafrique. Il ne bénéficiera pas de l'amnistie accordée à la fin avril 1991, par Kolingba alors que onze compagnons d'aventure étaient relâchés. Il restera en détention au camp Kassaï dans l'attente d’un procès reporté à plusieurs reprises et sera défendu par l’avocat Me Nicolas Tiangaye. Finalement, Bozizé ne comparaîtra devant la Haute Cour de justice que le 24 septembre 1991 après plus de deux ans d’emprisonnement, date à laquelle il sera acquitté. Cependant, la chambre d'accusation de la Cour d'Appel annonce le 10 octobre 1991, sa décision de maintenir le général contestataire en détention. Malgré cet acquittement en première instance et alors que le procureur avait déjà signé l'ordre de levée d'écrou, Bozizé reste inculpé de délits criminels la Cour criminelle. Après avoir été gracié par Kolingba 30 novembre 1991, Bozizé sera extradé en France. Jean-Jacques Demafouth, le general Ndjadder et François Bozizé@
3.Le retour au pays en 1993 et les conséquences du coup d’Etat manqué de mai 2001
En août 1993, Bozizé rentre en Centrafrique pour participer à l’élection présidentielle. Candidat sans étiquette, il obtiendra 1,59% des voix et ne se qualifiera donc pas au second tour qui consacrera l’élection de Patassé contre Goumba.
En parallèle de sa carrière militaire, Bozizé développe sous Patassé ses affaires gérant une station essence et une compagnie de bus entre Bangui et Bossangoa jusqu’aux mutineries de 1996. Bozizé est alors nommé en octobre 1996 inspecteur général des armées et chef du Comité mixte de désarmement en charge en juillet / août 1996, chargé de mener des commissions techniques en vue du forum de réconciliation nationale qui se déroula en août / septembre 1996 censé proposer des solutions aux maux qui gangrenaient alors les forces de défense et de sécurité centrafricaines. Lors de la 3e mutinerie fin 1996, il rétablit l’ordre public avec l'aide militaire de la France. Patassé le nomme alors chef d'Etat-major des armées centrafricaines en février 1997 puis lui donnera sa troisième étoile de général de division. Ange-Félix Patassé et François Bozizé@
Après la tentative de coup d’Etat de mai 2001, François Bozizé mène la contre-offensive contre les assaillants aux abords notamment du camp Kassaï. Malgré cela, Patassé devient suspicieux à l’égard de son chef d’état-major. Dans la foulée de ces évènements, il règne une atmosphère de règlement de comptes au sein de l'armée avec un degré de haine très important qui s’est ravivé depuis des mutineries de 1996-97. Les assassinats de François Ndjadder et du chef d'Etat-major de l'armée de terre, le colonel Abel Abrou, ont achevé d'échauffer les esprits au sein de la troupe. La télévision nationale diffuse des images des caisses d’armes estampillées du drapeau français découvertes chez Kolingba et le pouvoir accuse à mots plus ou moins couverts l’ambassadeur Simon d’avoir soutenu le coup d’État. Profitant d’un rapport de l’inspection générale des armées rédigé sous la direction du général Sylvestre Yangongo qui pointe notamment des détournements de fonds, de biens, de carburant, d’armes par Bozizé et ses proches, Patassé le démet de ses fonctions de chef d’Etat-major de l’armée le 27 octobre et le remplace par son ancien adjoint, le colonel Ernest Bétibangui. Le 1er novembre 2001, les autorités déclarent avoir saisi à Bangui "une importante quantité d'armes et munitions de guerre de tout calibre" sur la base d'informations faisant état d'actes de violences "imminents". Ces caches ont été découvertes lors de perquisitions menées dans trois domiciles privés de la capitale. Elles comprenaient notamment 48 fusils d'assaut AK47, des armes légères diverses, un lance-roquettes, des grenades et des caisses de munitions. Ces découvertes ont débouché sur la délivrance vendredi soir d'un mandat d'arrêt contre l'ancien chef d'état-major des armées centrafricaines le général François Bozizé, qui résistait par les armes avec un nombre indéterminé de partisans à son arrestation depuis sa résidence et la caserne qui la jouxte, à la sortie nord de Bangui.
Le 2 novembre 2001, un mandat d'amener est lancé contre lui. Dans la nuit du 2 au 3 novembre, Patassé envoie la troupe, soutenue par les soldats libyens pour mettre Bozizé aux arrêts. Les militaires se rendent au domicile du général Bozizé avec pour mission d'arrêter un homme qui était chef d'état-major des armées jusqu'au 26 octobre dernier se heurteront à une forte résistance. Soutenu par des militaires ralliés qui barrent l'accès à sa résidence au PK11, le général Bozizé refuse de se rendre. L'épreuve de force s'engage dans la nuit entre ses partisans et les forces loyalistes. Bozizé se retranche dans sa résidence pendant 4 jours refusant de répondre à la convocation si aucune garantie ne lui est donnée. Des tirs d'armes légères et lourdes commencent à retentir avant que des négociations s'engagent, par l'intermédiaire de Lamine Cissé, depuis peu représentant du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies -ONU- en Centrafrique. Un comité de sages, composé de notables des préfectures de l'Ouham, tente parallèlement de calmer le jeu.
Le 5 novembre 2001, des tirs nourris émanant d'un groupe de militaires dévouées au lieutenant-colonel Touaguendé, ancien chef d'Etat-major adjoint des armées, surveillée se font entendre à Boyrabe lorsque celui-ci échappe à sa résidence surveillée où il était assigné depuis le mois de juillet avant de se faire arrêter le lendemain. Le 6 novembre 2001, Bozizé prend la fuite direction le Tchad qui devient la base arrière de la rébellion.
4. La rébellion jusqu’au coup d’Etat du 15 mars 2003
Le 11 novembre 2001, Bozizé se rend aux autorités tchadiennes. Depuis Sarh au sud du Tchad, il constitue, par ralliements et recrutements, une rébellion d'environ 300 hommes composée en large majorité de militaires centrafricains qui ont déserté l’armée régulière et de tchadiens. Le 27 novembre 2001, des combats opposent l'armée gouvernementale après que les partisans de Bozizé aient pris le contrôle de Kabo et de Batangafo.
Les efforts de la Libye et du Gabon pour obtenir du Président Patassé une loi d'amnistie en faveur des putschistes de mai 2001 sont été vains. Les sommets de Khartoum -2-3 décembre 2001- et de Libreville -4-5 décembre 2001- ne peuvent infléchir la position de Patassé. Une demande d'arrestation et d'extradition de Bozizé et ses hommes est refusée par le Tchad qui oppose à la RCA le droit à l'asile politique. La tension se fait sentir dans les relations entre les deux Etats qui s'accusent mutuellement de mouvements de troupes à leurs frontières respectives.
Finalement, tout le monde se met d’accord sur le maintien de sa présence militaire à Bangui pour sécuriser le régime et une centaine d'hommes avec des armements lourds quadrillent la résidence présidentielle. Cela décrispe les positions du président Patassé et les poursuites contre Bozizé sont déclarées "inopportunes" par le Procureur général près la Cour d’Appel de Bangui.
Dans la nuit du 5 au 6 août 2002, de nouveaux affrontements armés à la frontière entre le Tchad et la RCA ont lieu. Une attaque orchestrée par des hommes d'Abdoulaye Miskine, supplétifs de l'armée centrafricaine et chargés spécialement par le président Patassé de sécuriser la frontière avec le Tchad se poursuit sur le sol tchadien, à Sido, occasionnant de nombreuses pertes humaines. En représailles, l'armée régulière tchadienne fait une percée sur le sol centrafricain sur une zone d'environ 15 Km. Le général Bozizé et 200 de ses éléments profitent de cette brèche pour occuper Kabo après le retrait des militaires du Président tchadien Idriss Deby. C'est de cette position stratégique que les hommes de Bozizé vont se préparer au coup de force contre le régime de Bangui d'octobre 2002.
Le 24 octobre 2002, les troupes de Bozizé prennent les villes de Kabo et Batangafo, attaquent les quartiers nord de Bangui. Le lendemain, environ 600 éléments investissent, au prix de sanglants combats, les quartiers de Boyrabe, Fou, Combattant, Galabadja 1,2,3, Miskine, Malimaka, Gobongo, l’Avenue des Martyrs entre PK 4 et PK12. Les assaillants atteignent la route principale desservant les résidences du Président et du Premier ministre ainsi que le siège du parti MLPC. Charles Beninga est tué et Prosper Ndouba, porte-parole de la présidence, est fait prisonnier. Les rebelles appuyés par des éléments tchadiens sont stoppés par les forces loyalistes, les Bayamulengués -rebelles du Mouvement de libération du Congo de Jean-Pierre Bemba-, les libyens -une centaine de militaires dotés notamment d’avions légers-, les éléments d'Abdoulaye Miskine et les barbouzes du capitaine Barril attachés à la sécurité de la personne de Patassé. Depuis Paris, François Bozizé annonce diriger les opérations. Deux jours plus tard, une violente contre-offensive menée par les forces loyales au président Patassé, dont un contingent de l'armée libyenne, stationné depuis un an dans la capitale centrafricaine. Des tirs à l'arme lourde sont effectués à partir des abords du palais présidentiel de Bangui en direction de quartiers nord de la ville tenus par les putschistes. Les quartiers nord de Bangui, contrôlé depuis l'offensive surprise des partisans de Bozizé sont repris par les forces loyales au président Patassé. Les rebelles du général Bozizé se replient ensuite à l'intérieur du pays, notamment dans la région nord, frontalière avec le Tchad. Les combats perdurent, de façon sporadique. Bozizé réclame la paternité de ce coup de force sur les ondes de RFI, avant de s'envoler "pour rejoindre ses troupes" via le Tchad.
Le 7 novembre, une quinzaine de militaires gabonais débarquent à Bangui, précurseurs de la future force CEMAC qui doit comporter 300 éléments gabonais, congolais, et Equato-Guinéens avec le soutien des éléments français de l’opération Boali. Dans le même temps, les troupes de la CEN-SAD entament leur retrait.
Le 2 novembre 2002, un plan est proposé lors d'un sommet des chefs d'Etats d'Afrique centrale à Libreville pour résoudre la crise entre Bangui et N'Djamena. Cet accord prévoit notamment le départ sans conditions du général Bozizé du Tchad vers Paris et celui d'Abdoulaye Miskine vers le Togo.
Le 26 novembre 2002, les troupes de Bozizé sont disposées sur une ligne de front est-ouest entre Bossembele - Damara - Sibut - Bambari - Bangassou. Leur objectif est d'encercler Bangui afin de couper toute source d'alimentation de la capitale : la stratégie de l'étouffement est favorisée par la mobilité des hommes de Bozizé disposant de nombreux véhicules volés aux civils lors des combats. Les routes du Tchad et du Soudan sont déjà coupées. La route de Bouar vers le Cameroun est dorénavant le théâtre des affrontements entre les rebelles et les forces loyalistes sur la zone des combats. La rébellion qui attaque et pille Bozoum. Les troupes de Bozizé occupent désormais une large partie du nord-ouest du territoire centrafricain. Début décembre, la ville de Bossembele a été reprise par les troupes de Patassé mais les combats continuent dans le nord du pays. La stratégie de l'encerclement est payante : les prix augmentent à Bangui de 20 à 30%. Le Programme Alimentaire Mondial -PAM- organise l'acheminement de 800 tonnes de vivres afin d'éviter une grave pénurie alimentaire. Le défaut d'approvisionnement en carburant commence à affaiblir les troupes loyalistes. Seule la République Démocratique du Congo, notamment l'aéroport de Zongo, permet d'éviter l'isolement de Bangui.
En janvier 2003, Bozizé déclare qu’il essaye de rassembler toutes tendances d’opposition au sein d’une Coordination des Patriotes Centrafricains -CPC- dirigée par Karim Meckassoua. La CPC affirme souhaiter ouvrir des négociations avec le pouvoir et qu’une amnistie générale soit octroyée pour les rebelles. Chacun fait semblant de chercher une solution politique à la crise et l’on met en place un dialogue national parrainé par Omar Bongo alors que Jean-Pierre Bemba annonce son intention de retirer ses miliciens. En réalité, il n’en est rien. En Février, une contre-offensive des forces loyalistes contre les rebelles a lieu à dans les localités de Bozoum, Kaga-Bandoro, Bossangoa, Sibut et Damara juste avant le sommet Afrique France s’ouvre à Paris le 20. Lors de ce sommet, la France décide de "baisser le pouce" ou du moins laisse faire la coordination régionale qui se met en place pour chasser le Patassé du pouvoir. Discrètement, François Bozizé quitte la France pour rejoindre ses troupes. Bien qu’Omar Bongo, au pied du mur, ne donne sa bénédiction à cette opération qu’au dernier moment, les fonds seront fournis par le Congo-Brazzaville, les armes livrées par le Congo Kinshasa et le renfort en hommes issu de la garde présidentielle d’Idriss Déby. Bozizé se rend au Tchad lancera les grandes opérations à partir du 10 mars. A ce moment, les forces loyalistes croient avoir définitivement repris le contrôle des zones stratégiques dans l’arrière-pays.
La situation sur le front semble confuse depuis le début du mois de mars 2003. Des combats sont signalés le 10 mars par des routiers sur la route stratégique reliant Bangui au Cameroun à environ 300 km au nord de la capitale. Au travers d’un message à la radio nationale le 14 mars, le ministre centrafricain de l'Intérieur, Jacquesson Mazette, assure les Banguissois que leur sécurité est garantie et qu'ils peuvent dormir tranquille en dépit des rumeurs. Le 13 mars 2003, Patassé s’envole pour le Niger afin prendre part au 5e sommet de la Communauté Economique des Etats Sub-Sahariens CEN-SAD.
Le 15 mars 2003, alors qu’une médiation est tentée à Niamey entre les présidents Patassé et Deby, les forces rebelles rentrent dans Bangui dans l’après-midi. Cette force composée d’officiers centrafricains qui gravitaient autour de Bozizé lorsqu’il était chef d’Etat-major -dont le plus gradé est un capitaine- et de mercenaires tchadiens s’emparent du palais présidentiel, de l'aéroport et des bâtiments de la radio-télévision. Des centaines de banguissois fuient les quartiers nord, pour se réfugier au sud et à l'ouest de la capitale. Plusieurs salves de tirs sur l'aéroport de Bangui Mpoko empêcheront l'avion du président revenant su sommet de la CEN-SAD d'atterrir. L’appareil effectue quelques tours au-dessus de l’aéroport et ne pouvant atterrir se dirige vers Yaoundé où il s’est réfugié en compagnie de son épouse et des membres de la délégation centrafricaine. En quelques heures, Bangui tombe entre les mains des rebelles. Les FACA restent l’arme au pied et refusent de défendre la résidence du président Patassé qui est pillée. Les FACA et la garde présidentielle fuient tout comme les miliciens du MLC qui traversent la rivière Oubangui. Quant à la force de la CEMAC, elle a reçu l’instruction de ne pas s’opposer à l’entrée en ville des partisans de Bozizé. L’ordre n’ayant pas pu être transmis au contingent congolais, les seuls combats et les seules pertes au sein de la force régionale ont été enregistrés à l’aéroport international, sous la garde du détachement venu de Brazzaville. Enfin, la France oppose une fin de non-recevoir à la requête formelle du président Patassé d’appliquer l’accord de défense qui la lie à la Centrafrique. Malgré les appels au calme lancés par les assaillants, la nuit est aussi marquée par des pillages alors que des tirs sporadiques sont toujours perceptibles au matin. François Bozizé et les offficiers FACA@
Le lendemain, alors que les pillages se poursuivent à Bangui, Radio Centrafrique diffuse la traditionnelle musique militaire de circonstance. Les rebelles contrôlent les points stratégiques de la capitale : palais présidentiel, aéroport, radio, télévision et grandes avenues. Dans la matinée, le porte-parole du général Bozizé, Parfait Mbaye, déclare que la prise du pouvoir est "un fait accompli". Peu après, ce dernier fait savoir au peuple centrafricain que le général Bozizé s'autoproclame président de la République. Un couvre-feu est instauré. A la radio nationale Bozizé annonce à 19h45 la suspension de la Constitution, la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée nationale pour une période de "transition consensuelle" dont la durée sera "définie ultérieurement" .
Thierry Simbi
Le 24 décembre 2019