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Le désastre de Stalingrad, en février 1943, provoqua un vaste repli allemand en Russie méridionale. Il fallut une puissante contre-offensive de Manstein pour stabiliser le front à l'est de Kharkov, en mars 1943. Au centre du front germano-russe, le secteur de Koursk finit par faire saillie dans le front allemand. Ce fut à cet endroit, qu'en avril 1943, Hitler décida de lancer sa 3e offensive d'été à l'Est. Bien que d'une nature plus limitée que les offensives de 1941 et 1942, l'opération, baptisée "Citadelle", mit en oeuvre de considérables forces allemandes. Le plan prévoyait deux attaques, au nord et au sud, mais les allemands retardèrent le déclenchement de leur offensive jusqu'en juillet ce dont les soviétiques, prévenus par leur réseau d’espionnage, profitèrent pour aménager un système défensif d'une profondeur de 80 kilomètres.
Les forces allemandes engagées au nord du saillant étaient constituées de la 9e armée de Model, soit 6 divisions blindées, 2 divisions de Panzergrenadières, 8 divisions d'infanterie et 730 avions. Les soviétiques leur opposèrent le front central de Rokossovski, fort de 5 000 pièces d'artillerie, de 1 120 blindés et de 5 armées d'infanterie dotées d'impressionnantes réserves.
Hitler déclencha l'offensive le 5 juillet 1943. Prévenus de l'attaque par leurs services de renseignements, les soviétiques bombardèrent les lignes allemandes la veille. Model attaqua le front de Rokossovski suivant le plan initial et perça la première ligne de défense mais les Soviétiques se replièrent sur une seconde ligne. Au soir du 6 juillet, Model avait progressé de quelques kilomètres mais au prix de 25 000 hommes et 200 chars. Sa 9e armée poursuivit son offensive face à des contre-attaques acharnées jusqu'au 11 juillet, date à laquelle les assauts de Model s'enrayèrent. carte@ema/eo
Le rapport des forces
Le principal assaut allemand, dans le cadre de "Citadelle", vint du sud. Manstein avait rassemblé une force puissante composée de la 4e armée de Hoth soit 5 divisions blindées, 3 divisions de Panzergrenadière et 1 division d'infanterie- et du groupe opérationnel Kempf soit 3 divisions Panzer et 3 divisions d'infanterie. Manstein engagea 94 blindés Tiger et 200 Panther flambants neufs et soutenus par 1 100 avions.
Face à Manstein, le front de Voronej, dirigé par Vatounine, déploya 5 armées d'infanterie soutenues par 6 000 canons et 1 500 chars.
Le 5 juillet, l'assaut de Manstein débuta dans le secteur d'Oboian. Le lendemain, les allemands repoussèrent les soviétiques sur 6 kilomètres mais Vatoutine engagea de nombreuses réserves dont de grandes quantités de blindés. Dans les premiers jours, les blindés de Manstein n'en poursuivirent pas moins leur progression.
Le 10 juillet, les allemands s'approchèrent d'Oboian mais les russes lancèrent une puissante contre-offensive.
A l'aube du 12 juillet, la 4e armée blindée allemande et la 5e armée soviétique des gardes s'affrontèrent en une terrible bataille de chars qui engagea plusieurs centaines de blindés. A midi, les premières vagues soviétiques avaient été laminées mais les allemands avaient perdu 350 blindés. Les allemands baptisèrent cet affrontement blindé "Blutmuhle von Belgorod", le bain de sang de Belgorod. Dans les heures qui suivirent, Manstein se retrouva bloqué par des défenses inexpugnables. Le lendemain, l'évolution de la situation militaire sur d'autres fronts -débarquements alliés en Sicile,- poussa Hitler à mettre un terme à l'offensive et à redéployer des unités initialement prévues pour "Citadelle".
La bataille décisive à l'Est
Les 18 jours d'affrontement de juillet 1943 furent ceux des superlatifs. Ils virent se dérouler la plus grande bataille de chars de la seconde guerre mondiale. La bataille mit aux prises 2 millions d'hommes, 4 000 blindés et 4 000 avions. Elle mit surtout un terme aux succès militaires allemands. Après la bataille de Koursk, les armées d’Hitler ne cesseront de battre en retraite. Huit lignes de défense soviétiques protégeaient le saillant ; jamais ailleurs les allemands ne se heurtèrent à un tel déploiement défensif. De fait, l'offensive allemande était vouée à l'échec bien avant son déclenchement. Les russes connaissaient les projets nazis grâce à leur réseau d'espionnage "Lucy", qui opérait en Suisse. Par ailleurs, les effectifs, tant humains que blindés, étaient en faveur des soviétiques... Le 12 juillet, l'Armée Rouge contre-attaqua sur les flancs du saillant, repoussant en 11 jours les allemands sur leur ligne de départ. A la fin juillet, le rouleau compresseur russe se mit en marche à l'Est. Les forces de Kluge, chassées de l'Orel, durent se replier sur la ligne Hagen, le 23 août. Le lendemain, Manstein en fut réduit à évacuer Kharkov et, désobéissant à Hitler qui avait prescrit de tenir jusqu'au dernier homme, à reculer vers le fleuve Dniepr. Les Allemands, qui avaient espéré des gains importants, subirent à Koursk des pertes désastreuses et y perdirent l'initiative à l'Est... Au final, les pertes allemandes à Koursk s'élevèrent à 500 000 tués et blessés et à 980 chars. Victorieux, les Soviétiques souffrirent de pertes plus lourdes : 607 737 tués, blessés et disparus, 1 500 chars détruits, 1 000 avions abattus...
"Soldats du Reich ! Vous allez aujourd'hui prendre part à une offensive d'une telle importance que le sort de toute la guerre pourrait dépendre de son issue. " Adolf Hitler, 5 juillet 1943
"La bataille de Koursk, la poussée sur le Dniepr et la libération de Kiev furent une véritable catastrophe pour l'Allemagne hitlérienne." Général Vassili Tchouikov, Commandant de la 8e Armée de la Garde
D’après l’écho du champ de bataille, quelques enseignements :
• L’OKW décide de ne pas suivre la doctrine de défense élastique de Manstein qui a remporté des succès à Kharkov considérant que le terrain n’est pas favorable à une défense mobile mais planifie mal les objectifs d’une offensive limitée.
• Le facteur climatique n’est pas pris en compte alors qu’il aura un effet sur les mouvements et le moral des troupes.
• La Wehrmacht perd l’initiative et sa liberté d’action en attaquant en premier et en prenant pour objectif le point fort soviétique qui peut ainsi réagir avec anticipation.
• Les efforts de guerre psychologique -opération Silberstreif- avec près d’un milliard de tracts largués sur les soviétiques et l’appui de déserteurs russes a été inefficace -moins de 10 000 combattants retournés-.
• Le renseignement notamment électromagnétique allemand surclasse les moyens de Staline mais les informations acquises ne sont pas exploitées ou font l’objet de rapports faux -force soviétique sous-estimée-.
• De leur côté, les russes accumulent le renseignement avec 600 sorties d’avions de reconnaissance et près de 2 500 raids de forces spéciales.
• La Wehrmacht réalise une mauvaise économie des moyens et déséquilibre les deux armées chargées de l’attaque. Ainsi, au nord, les divisions sont faiblement équipées en chars -moins de 250- et n’a pas la priorité de l’appui aérien.
• Le temps consenti pour permettre l’arrivée de nouveaux équipements et singulièrement des chars permet aux soviétiques de se fortifier, de renforcer les défenses et d’accumuler des réserves.
• Les soviétiques maîtrisent l’art de la "Maskirovka", c'est-à-dire les capacités de dissimulation et de déception -chars en bois, faux PC-. Ainsi, deux armées de chars sont passées inaperçues 1 000 blindés et 9 000 véhicules pendant 2 mois, sauvegardant la surprise de la contre-attaque russe au nord, alors qu’au sud, une fausse activité a amené les allemands à concentrer leurs panzers.
• Compte tenus de son état technique et des avions nécessaires pour protéger l’Allemagne, la Luftwaffe dispose de moyens efficaces mais ne pourra pas maintenir son effort très longtemps. L’offensive doit être rapide sous peine de perdre l’avantage de l’appui air-sol.
• Malgré son échec, l’armée allemande a fait montre d’une remarquable maîtrise de la manœuvre logistique pour les ravitaillements comme pour le dépannage des engins sous le feu -sur 4 chars touchés, 2 sont remis en état dans les 4 jours-.
• Les allemands comptent uniquement sur la force blindée au détriment des divisions d’infanterie qui auraient pu assurer la sureté des panzers et conquérir les lignes fortifiées soviétiques.
• Les inimitiés des chefs de la Wehrmacht ne contribuent pas à une bonne coordination de la manœuvre, chacun voulant mener son action indépendamment de son rival. @ema/eo
Le 7 novembre 2018