Un témoin et acteur majeur de la création de l'armée centrafricaine

Général de corps d’armée François Sylvestre Sana

8 septembre 1934 - 31 juillet 2008

François Sylvestre Sana est né le 8 septembre 1934 à Bangassou. Il est le fils d’Hélène Ifolo et d’Albert Yamissi, originaire de l’Ombella M’Poko précisément Bossélé sur la route de Sibut.

Après ses études primaires, il entre en 1948 à l’âge de 14 ans à l’école des enfants de troupe Général Leclerc à Brazzaville et y fait ses études secondaires jusqu’à la 4e. Il s’engage ensuite à 18 ans dans l’armée française comme tirailleur de 2e classe le 24 septembre 1952. Il débute cette carrière par les fonctions d’instructeur des jeunes recrues de son unité avant d’être promu caporal en avril, puis caporal-chef en juillet 1953 et sergent en mars 1954. Volontaire pour l’Indochine, il quitte Douala en mars 1954 pour la France.

  • En juin 1954, il quitte Marseille pour finalement débarquer à Saigon au Sud Vietnam où il sera chef de poste radio de campagne.
  • En avril 1955, il est rapatrié pour la France afin d’être hospitalisé à l'hôpital militaire Michel-Lévy à Marseille.
  • En juillet 1955, il bénéficie d’un congé de fin de campagne et embarque depuis Marseille pour un périple qui le ramènera en Oubangui-Chari.
  • En novembre 1955, le sergent Sana est instructeur radio à la compagnie du commandement et des services du détachement motorisé autonome de l’Oubangui-Chari à Bouar.

 

Nommé sergent-chef en février 1957, il est admis en juillet à un stage à la compagnie mixte des télégraphistes à Brazzaville où il obtient un brevet de chef de section d’infanterie et d’exploitation radio en septembre 1957. Il est désigné commandant du 4e RCIA à Bouar en octobre 1957 et sera ensuite admis à l’école de Fréjus la formation des officiers des Territoires d’Outre-mer -EFORTOM- après avoir réussi le concours d’entrée en septembre 1958. Après deux ans de travail laborieux, il est nommé sous-lieutenant en septembre 1960 puis est admis à l’école d’application des transmissions de Montargis en France jusqu’en juin 1961, date à laquelle il rentrera à Bangui.

Transféré à l’armée centrafricaine en formation en septembre 1961 comme Officier des transmissions du 1er bataillon d’infanterie, il est nommé capitaine en janvier 1962. Le président Dacko lui confie le 1er octobre 1962 le commandement du 1er et 2e commando de la compagnie du génie. En étant responsable du génie militaire, il supervise la construction de routes et de ponts pour le désenclavement des villages et villes de province.

En 1963, le capitaine Sana occupe le deuxième poste de commandement le plus important pour un officier centrafricain derrière le commandant Bokassa qui est chef d’Etat-major de l’armée, devant les sous-lieutenants Mandé et Bandio. En décembre 1963, Sana devient le premier officier centrafricain à prendre le commandement du 1er bataillon d’infanterie de République centrafricaine, succédant au commandant français Michel Bataille qui devient son conseiller. Il faut comprendre l’importance stratégique de ce 1er bataillon d’infanterie basé au camp Kassaï qui constitue alors le gros des troupes centrafricaines. Le chef d’Etat-major Bokassa cherchait à reprendre le commandement de ce 1er bataillon d’infanterie des mains de ce fidèle du président Dacko attaché au respect des institutions de la République. Bokassa sachant bien que Sana ne pouvait pas s’associer à son projet de coup d’Etat lui adjoint le lieutenant Banza, jusqu’alors chargé des bâtiments et des matériels puis écarta Sana au camp de Roux. Sana fut nommé en mars 1965, chef du bureau d’étude et d’organisation de l’action pionnière à l’Etat-major de la Défense nationale.

Pour les préparatifs du réveillon "fête de la Saint Sylvestre", les officiers ont tenu une réunion au cours de laquelle ils décidèrent d’acheter beaucoup d’alcool dont une caisse de whisky -et très peu de jus- pour bien arroser cette soirée de fin d’année. En tant que président de la Croix bleue -luttant contre l’alcoolisme et le tabagisme-, le commandant Sana sorti furieux de cette réunion et pour marquer sa réprobation décida de ne pas assister à la soirée. C’est ainsi qu’en cette fameuse soirée de la Saint Sylvestre, lui et son épouse alors enceinte d’une leur fille sont partis raccompagner des parents venant leur souhaiter les vœux du nouvel an et sa fête -son deuxième prénom étant Sylvestre-. Sana n’a donc pas participé à ce coup d’Etat et ne doit la vie sauve qu’à ses convictions de lutte contre l’alcoolisme. C’est en rentrant le soir au camp de roux où ils résidaient que leur véhicule fut pris au piège par les tirs.

Bokassa devenu Président le détache de l’armée et le nomme en avril 1966 inspecteur principal des télécommunications au ministère des Postes et des Télécommunications où il se singularisera par la supervision des premières tranchées pour les câbles de télécommunication.

En novembre 1967, Sana est muté à Bouar, le 1er bataillon d’infanterie étant transféré dans cette région. Peu après son installation, un matin de bonne heure, un frère d’arme cogna à sa porte pour lui demander de lui prêter son arme, ce dernier affirmant avoir oublié la sienne à Bangui. Il lui remit son arme, de marque allemande, achetée à la fin de sa formation à l’école des officiers. Ce geste fut interprété autrement et même déformé, de mauvaises langues affirmant qu’il avait fait venir beaucoup d’armes d’Allemagne dans le but de préparer un coup d’Etat contre Bokassa. Cet évènement lui valut d’être affecté en Yougoslavie en tant que 1er secrétaire auprès de l’ambassade de République centrafricaine: une sanction, humiliation pour un officier de ce rang. Les calomnies et les trahisons ont permis alors à cette époque à certains militaires d’avancer facilement en grade trouvant grâce auprès de Bokassa. Il est donc affecté en Yougoslavie (1968-1970) puis en Egypte comme premier conseiller (1970-73) et enfin ambassadeur en Irak en décembre 1973. Il faut préciser que Sana avait été nommé lieutenant-colonel en décembre 1971.

Quelques années après, en janvier 1979, le colonel Sana, alors ambassadeur en Irak est convoqué à Berengo sur ordres de Bokassa après une dénonciation calomnieuse. Il est placé en détention à Ngaragba, chaînes et menottes aux pieds, sans autre forme de procès.  En août 1979, il est assigné à résidence au village de son père à Bosselé dans l’Ombella M’Poko.

Le lendemain du retour de David Dacko au pouvoir, celui-ci envoie chercher Sana. Le colonel Sana accède alors au grade de général de brigade en novembre 1979 et devient chef d’Etat-major adjoint des FACA. En novembre 1980, il devient ministre délégué à la présidence de la République, chargé de la Défense nationale et sera nommé en avril 1981 ministre de la justice, Garde des Sceaux.

Après la prise de pouvoir du général Kolingba, il est de nouveau écarté de l’armée et nommé l’année suivante comme directeur de la société nationale des transports routiers -SNTR-, société quasiment en faillite qui sera dissoute en avril 1983. Après avoir été promu général de division en janvier 1984, Sana sera mis à la retraite d’office à 49 ans, une mesure qu’il a toujours considéré comme illégale car contrevenant  aux conditions d’âge pour son grade. Il sera néanmoins nommé à la Direction de l’Office National Conventionné des Anciens Combattants et Victimes de guerre, de janvier à octobre 1986.

Sous le régime de Patassé, Sana est rappelé et nommé le 4 novembre 1993 conseiller militaire à la Présidence pour une courte durée. De général de division depuis janvier 1984, il est promu général de corps d’armée en octobre 1996 avant sa réadmission en seconde section.

Il tira définitivement sa révérence le 31 juillet 2008 à l'approche de ses 74 ans à l’hôpital du camp de Roux à Bangui et repose désormais sur la terre de ses ancêtres au village de son père à Bosselé. Il laisse derrière lui une veuve, 24 enfants, 56 petits fils et 2 arrières petits fils.

Le général François Sylvestre Sana -qui pour l’anecdote a survécu à un crash d’avion à Marseille avec l’une de ses filles- est un des officier pionnier des forces armées centrafricaines. Il est l’un des rares officiers centrafricains à avoir non seulement servi au sein de l’armée française mais aussi survécu aux différents régimes qui se sont succédé en République centrafricaine.

10 ans après son décès, honorons la mémoire de ce témoin et acteur majeur de la création de l’armée centrafricaine…

Thierry Simbi

Le 31 juillet 2018


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                                                                                                                                                   @tsSana 2                                                                                                                                                       @tsSana 5
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                                                                                                                                                 @tsSana 1                                                                                                                                            @ts1967                                                                                                                                            @ts