Une grande figure de l'ombre : Mme Florence Yagbaou
Par Félix Yepassis-Zembrou
Marie-Florence Yagbaou - Yagbao en gbanziri - épouse Dacko, a été la 1ère Dame du Centrafrique de 1959 à 1962. Marie-Florence Yagbaou@famille Dacko & Ounda
Elle a marqué les cœurs et les esprits tant par son intelligence - elle fut l’une des premières élites féminines du pays - que par son humanisme, son élégance et son dynamisme au service de la nation notamment pour la promotion de la femme.
Née le 26 février 1934 à Bimbo - Ombella-Mpoko-, elle n’a pas connu son père Michel Lingoula décédé pendant la grossesse de sa mère Émilie Grassangou. Celle-ci mourut à son tour peu de temps après, au moment où elle allaitait encore son bébé de 9 mois.
La petite orpheline est recueillie par un oncle instituteur, Paul Raphaël Ounda - père d’Adelaïde Yaloumale Ounda épouse Dondra, la maman d’Edwige Zoe Dondra- qui l’a élevée ainsi que sa grande sœur Ginette Geneviève Yasse, épouse Bangalo et son cousin Jean Tubind.
Cette double tragédie loin de l’affecter a au contraire forgé en elle la rage de vaincre grâce à une détermination farouche et un travail opiniâtre aux côtés de ses cousins et cousines de l’ethnie gbanziri à savoir Kibanda, Nguerengou, Maidou, Matongo, Sokambi, Walouma... dont la vocation tournée vers l’enseignement avait pour mot d’ordre : réussir.
Mme Marie-Florence Yagbaou et son oncle Paul Raphaël Ounda@famille Dacko &Ounda
Ainsi elle est envoyée par le gouverneur de l’époque en France pour une formation d’institutrice en compagnie de sa cousine, Marthe Matongo, son aînée d’un an. 
Mme Marie Florence Yagbaou@famille Dacko&Ounda
Cette dernière devenue Madame Ayandho sera la première femme élue députée - Ombella-Mpoko- à l’Assemblée nationale le 15 mars 1964 sous Michel Adama-Tamboux.
Mme Marthe Ayandho née Matongo, 1ère femme députée du Centrafrique@famille Dacko & Ounda
Les deux cousines rentrent au pays encore sous administration coloniale française dans les années 50.
Florence Yagbaou enseignera à l’école Route 37 -actuelle école Koudoukou- en même temps que David Dacko. Puis ce dernier sera affecté en 1956-57 à l’école Lakouanga dont il partagera la direction avec un autre enseignant, Antonio Franck. Dans la foulée, un jeune cadre de la santé, Dr Abel Goumba originaire de Kouango -Ouaka- est épris d’elle.
L’oncle s’y opposa farouchement évoquant les liens de parenté. Tous deux appartenant à l’ethnie gbanziri de Kouango. Goumba part étudier à Brazzaville. Et Dacko obtient après lui, la main de Florence avec la bénédiction de l’oncle. Depuis lors, la blessure avait dû mal à cicatriser.
David Dacko habitait au quartier Lakouanga avec sa femme Florence et leur fils Bruno né le 2 novembre 1952, à côté de la maison de son cousin, enseignant comme lui, Jean Madiabola et de leur neveu, Faustin Niamolo.
Dans la même rue, résidaient les familles Kirimat, Gbianza, Fanga et Teya dont l’une des filles, Brigitte, deviendra plus tard la 1ere Dame de Centrafrique. Marie -Florence Yagbou@famille Dacko & Ounda
David Dacko, président de la République centrafricaine, à 29 ans@famille Dacko&Ounda
En 1957, Dacko est nommé ministre de l’Agriculture puis ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Barthélémy Boganda. Prosper Mounoumbaye était son garde du corps. D’ailleurs l’une des filles Mounoumbaye portera le prénom de Marie-Florence.Le 1er decembre 1958, l’Oubangui-Chari change de statut sous l’appellation de République centrafricaine.
Le 5 mai 1959, David Dacko devient à 29 ans, président de la République à la mort de Barthélémy Boganda. Le plus jeune, sans doute le plus beau de la sous-région comme en témoigne une chanson populaire que les jeunes filles chantaient en dansant le "Gba-Gba" la nuit au clair de lune :
Dacko dit ministre
Dacko e dit ministre
Dacko a anda Mbi na bière ...
Abel Goumba alors leader du MEDAC -Mouvement de l’évolution démocratique en Afrique centrale- est jeté en prison ainsi que quelques uns de ses compagnons. Son parti est ensuite dissous le 23 décembre 1960.
Mais l’on sait qu’au delà des querelles politiques, une rivalité personnelle liée à une affaire de cœur a opposé les deux hommes pendant des décennies jusqu’à leur réconciliation en octobre 2003, à l’occasion du dialogue politique national, co-présidé par Catherine Samba-Panza. Ce fut un événement historique de portée nationale salué par toute la classe politique.
Signalons qu’en février 1960, Madame Florence Yagbaou a mis en place une association des femmes dénommée "Mode Égalité". Dans cette optique elle a créé avec son binôme des Affaires sociales, Madame Marie-Joseph Franck, l’UFCA -Union des femmes centrafricaines-. Sa cousine Marthe Matongo, épouse Ayandho en sera la secrétaire générale. Elle a par ailleurs donné le nom "Mbi Ye" au bar-dancing dont son mari était propriétaire au quartier Lakouanga.
L’orchestre Negro Band de Max Massengo du Congo Brazzaville, lors de son passage à Bangui a dédié une chanson à cette formation féminine.
Ko denda na kati-kati ya bango... Ko denda
Florence mokonzi
Ko denda na kati-kati ya bango... Ko denda
Madame Gbokou e
Ko denda na kati-kati ya bango... Ko denda.
Marthe Matongo ...
En 1962, Florence Yagbaou se sépare de son mari, soit trois ans avant le coup d’Etat de la Saint-Sylvestre qui portera le cousin de Dacko, le colonel Jean-Bedel Bokassa au pouvoir. Signalons que quelques années auparavant, en 1958, le couple présidentiel avait hébergé l’épouse vietnamienne de Bokassa, Jacqueline Nguyen Thi Than - mère de Jean-Charles, Saint-Cyr et Nicole- arrivée en France sur le même bateau que la famille Mayanga avant de rejoindre Bangui via Brazzaville. Celle-ci était devenue la meilleure amie et confidente de la 1ère Dame.
Jacqueline Nguyen Thi Than, mère de Jean-Charles et StCyr Bokassa@famille Dacko&Ounda
Madame Florence Yagbaou avait su conquérir les cœurs de tous les centrafricains par sa simplicité et sa générosité débordante. On l’appelait affectueusement par son nom et son prénom car elle était plus proche de ses concitoyens. En son temps, le palais de la Renaissance, considéré comme la maison du peuple était ouvert à tous, principalement à la gent féminine. Les dames s’y retrouvaient régulièrement pour des réunions ou des soirées entre femmes. D’ailleurs, nous autres jeunes y étions souvent invités par nos camarades de classe notamment les frères et sœurs du président, Jérôme Gaza et Elisabeth Doboko. Il arrivait même que parfois l’un d’entre nous, en l’occurrence Jean-Pierre Kibanda -JPK-, neveu de la 1ère Dame, jouait au baby-foot dans les jardins du palais avec le chef de l’Etat.
Madame Marie-Florence Yagbaou est retournée vivre dans la maison familiale à Lakouanga -deux rues goudronnées- auprès des siens jusqu’à sa mort le 18 janvier 1992, laissant derrière elle son fils unique, Bruno Dacko. Elle avait 58 ans. 
Bruno Dacko et sa tante Adélaïde Yaloumale Ounda, épouse Dondra@familleDacko&Ounda
1ère Dame Florence Dacko née Yagbaou tenant entre ses mains, un cadeau destiné au Général Charles De Gaulle.@famille Dacko&Ounda
1ère Dame Florence Dacko née Yagbaou tenant entre ses mains, un cadeau destiné au Général Charles De Gaulle.@famille Dacko&OundaLe 16 août 2020