Mais au fait qui a assassiné le président Marien Ngouabi ?
Trente-trois ans après, les congolais en sont encore à s’interroger sur ce qui s’est réellement passé, ce 18 mars 1977. L’enquête a-t-elle piétinée, on le pense le moins. Les pistes se sont toujours refermées, chaque fois que l’on a voulu démasquer les commanditaires. Marien Ngouabi@eo
La thèse la plus plausible, la plus avancée et donc probable, conduit à une élimination vicieusement préparée par l’élite militaire, chapeautée par ceux-là même que le commandant Ngouabi aura pistonné l’ascension, et considérait comme ses frères. Tous ceux qui ont essayé ou tenté de faire jaillir la vérité, sont morts, dans des circonstances souvent mystérieuses. Son fils aîné, Marien Ngouabi JR y compris. Quelques jours à peine après avoir livré des détails troublants, corroborant ainsi la thèse de l’assassinat hors de la résidence présidentielle. Même Albert Roger Massema, le président de la commission assassinats à la conférence nationale souveraine n’a pas échappé à la saga. Inouïe.
L’ancienne résidence présidentielle comme mausolée n’a pas calmé les esprits. Même la couleuvre du "martyre" n’a pas fait mouche.
Ngouabi était un homme de bonnes manières, simple, un peu naïf et sincère, surtout courageux. Il a toujours expliqué sa démarche en public, les meetings c’est là qu’il échangeait avec le peuple. Il n’accordait pas trop d’intérêt au matériel.
Sa silhouette frêle, sa petite taille enfilait régulièrement un training pour faire le jogging dans les rues de Brazzaville, saluant au passage ceux qu’il rencontrait. Il n’était d’ailleurs pas rare d’apercevoir sa petite silhouette sur un terrain de foot. Il était un président à part, très loin de ces nouveaux milliardaires des tropiques. Aussi, les congolais s’impatientent toujours de connaître les circonstances de sa tragique disparition.
On célébrait à grand frais l’anniversaire de la mort de Ngouabi, jusqu’à ce que la conférence nationale souveraine organisée en 1991 batte le rappel à la modération et réhabilite les autres chefs de d’État. C’est le soir du culte. Plus de sirènes à longueur de minutes, chaque 18 mars. Comme quatorze ans auparavant. Aujourd’hui, le musée Marien Ngouabi est comme à l’abandon. L’endroit n’est plus comme du temps du mythe du "martyre". D’ailleurs d’autres macchabées, 3 précisément y ont fait leurs entrées. Et le commun des congolais de murmurer que le maître des céans a certainement été transféré nuitamment vers une autre destination. Improbable mais, en tout cas, pas impossible.
Les 11 du Comité Militaire du Parti
Début mars 1977, soit exactement 9 ans après son accession au pouvoir, les promesses faites n’ont pas été réalisées. Marien Ngouabi commence a pensé qu’il a peut être parlé un peu vite. Les mutations promises doivent attendre. D’autre part, des écarts dans son entourage le chagrinent.
Il n’ose pas en parler. Il pense même qu’on en veut à sa personne, son accident en hélicoptère l’aura fait mûrement réfléchir. Il en est presque sûr.
Sa petite phrase "Lorsque ton pays est sale et manque de paix durable, tu ne peux lui rendre sa propreté et son unité qu’en le lavant avec ton sang" , prononcée au cours d’un meeting de l’union révolutionnaire des femmes du Congo -URFC-, se révèle une manière de convaincre ses conspirateurs qu’il est au courant de leur macabre projet.
Personne n’a jamais cru que Ngouabi allait briser le silence. C’était une mise en garde. Mais elle avait aussi son revers. Sur le fond, c’est certain, il venait de signer son arrêt de mort, il le savait. Les ennemis étaient ses compagnons d’armes, des apparatchiks du parti congolais du travail -PCT- qui venaient d’essuyer des uppercuts à travers le discours du chef de l’exécutif. Des militaires qui avaient perdu son oreille et son estime. La conspiration et la curée contre lui allaient continuer, certainement plus qu’auparavant. Ses frères, les militaires nordistes avaient fini par comprendre que le commandant Ngouabi s’apprêtait à leur tourner le dos, à leur faire résistance. Le président Ngouabi n’était pas prêt à faire machine arrière. Le pouvoir pour la famille et le clan, il ne voulait plus le favoriser.
Et lorsque son prédécesseur Alphonse Massamba-Débat qui le sait en danger, le prévient, il comprend la gravité de la situation. Il est même surpris par cette marque d’attention de la part de celui qui l’avait, 8 ans auparavant fait mettre aux arrêts et rétrograder soldat deuxième classe, celui qu’il considérait comme un ennemi. Dès lors, Ngouabi se confie au doyen. Il lui fait part de ses craintes, de ses rêves et de ses pressentiments. Massamba-Débat propose alors de l’aider par la prière. Il insiste même pour que le chef de l’Etat se donne la peine d’assister him-self à ladite séance de prière, à Bacongo, dans le deuxième arrondissement de Brazzaville. Le hic, Ngouabi est marxiste, il ne peut se rendre à une séance de prière, de surcroît dans une église. Mais son prédécesseur insiste et parvient à l’en convaincre. Une solution est vite trouvée. Ce sera non pas à l’église mais au domicile de Massamba-Débat. Pour éviter que la nouvelle sur cette séance d’imposition des mains ne s’ébruite, il envisage d’y aller seul. Finalement, ils conviennent qu’une escorte lui soit envoyée. Ce sera donc des hommes de Massamba-Débat, précisément le capitaine Barthélemy Kikadidi. Ngouabi le connaît, il donne son accord. Il promet même de laisser des consignes au palais pour leur faciliter l’entrée.
Conspiration, trahison et menaces de déballage…
De ce qui précède, on comprend que l’assassinat de Marien Ngouabi le 18 mars 1977, est un crime crapuleux. Qui aura également coûté leurs vies à des innocents qui ont eu le malheur de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment: l’ancien président Alphonse Massamba Débat, le cardinal Émile Biayenda, le capitaine Barthélemy Kikadidi et tant d’autres. La pièce essentielle de l’énigme, c’est la junte militaire qui a assuré l’ordre à sa disparition, le comité militaire du parti -CMP-. Pour un mouvement monté à l’improviste, les rôles étaient plutôt mieux repartis. Par ailleurs, les enquêteurs agissent vite, mieux qu’au cinéma.
Massamba-Débat la tête à claques en prend pour son compte. Sur la charrette 44 autres personnes. La scène du crime, tel que le rapporte la version officielle ne tient pas debout. L’inculpation de Massamba-Débat a été vite déterminée. A croire que le CMP était pressé de clore le dossier. On aurait pourtant pu, puisqu’un chef d’Etat en fonction venait d’être assassiné, organiser un procès public. Pour permettre à l’opinion de connaître la vérité et le mobile de ce crime. Des négligences qui confirment la mort programmée et sans aucun doute, qui laissent penser à l’accusation d’innocents.
Comment, en effet croire qu’un commando qui veut éliminer un chef d’État en fonction, se rende au su de tout le monde au palais, se fasse installer au salon, si rendez-vous n’avait pas été pris. Et comment, donc le président Ngouabi pouvait donner son accord pour rencontrer ce commando? Il y a anguille sous roche.
A la vérité, la vraie-fausse culpabilité de Alphonse Massamba Débat n’est que le fruit d’une conspiration de la haute hiérarchie militaire de l’époque. Un moyen détourné de cacher un petit meurtre entre amis. Le coupable devait venir du voisinage. Dès le début de l’enquête, et mieux que dans les polars du cinéma hollywoodien, les "fins" limiers de la criminologie congolaise, avancent les noms des coupables. Sans qu’aucune preuve tangible de l’implication des coupables ne soit fournie. Magie !
On pensait résoudre l’énigme à la conférence nationale souveraine. Mais, les surprises ont été au rendez-vous. D’abord des auditions à huit clos au lieu de la plénière. Au finish, Monsieur le président de la république, Denis Sassou Nguesso qui, comme jésus avait pris les pêchés du monde, a fait le mea-culpa avec son fameux "j’assume". Quelques sourires, des claques amicaux aux conférenciers les plus remontés, des photos souvenirs avec tout le monde. Même avec le président de la commission assassinats, qui décédera quelques temps plus tard. On lave les mains, et le tour était joué. Le décor planté. Vous avez dit, réconciliation !
En 2006, la question de la refondation de l’ex-parti unique, le PCT est sur toutes les lèvres. Un dur du régime, poussé à bout, le bouillant Lekoundzou, s’entête à tenir un congrès, contre le gré de Mpila, la résidence privée de Sassou érigée en présidence. Il y laisse des plumes, la garden-party est boycottée. Il n’a pas aimé. C’est justement ce qui fait ressurgir le fantôme de Marien Ngouabi.
Une association "Marien Ngouabi éthique", 30 ans après ?
Et pourquoi, diantre, Lekoundzou, celui-là même qui aura occupé la plupart des postes clés du gouvernement, dès après l’assassinat de Marien Ngouabi est-il soudain devenu un "rebelle" au sein même du PCT ? Un poil à gratter. La mèche est lâchée. De quel héritage, Lekoundzou croit-il berner les gens? En réalité, Lekoundzou croit tenir Sassou-Nguesso en joue.
" Marien Ngouabi éthique" n’est en fait qu’un chantage, l’arbre qui cache la foret. La piste qui mène à la reconstitution de la mort de Marien Ngouabi. C’est un rappel, celui des gratifications promises aux personnes qui avaient, de loin ou de près participé à la mort de Ngouabi.
En décembre 1997, Me Massengo-Tiassé constatant le tombeau vide de Marien Ngouabi au mausolée. Son corps transféré clandestinement à Owando.
Lekoundzou itihi Ossetoumba
Et là, la légende du commando conduit par le capitaine Barthélemy Kikadidi qui entre librement au palais, tue le président sans s’emparer du pouvoir, s’évapore. Quand il s’est senti lésé, au profit de jeunes loups, Lekoundzou itihi Ossetoumba a menacé de déballer le dossier noir du Congo avec son "Marien Ngouabi éthique". Mais il a vite déchanté. Pour le reste, on parle de descentes des forces de l’ordre au domicile de Marion Madimba Ehouango, le SG de "Marien Ngouabi éthique".
Lekoundzou, le parrain de ladite s’est retrouvé client régulier des toubibs. Et son entourage de rouspéter l’empoissonnement. Evacué en France, il est resté plusieurs mois sous traitement. On a signalé son retour au Congo en fauteuil roulant. Depuis, Chat échaudé craint l’eau froide. Et on dirait même qu’il a perdu sa langue.
On a fait un très mauvais procès à Alphonse Massamba Débat et à tous les autres. Les assassins, les véritables se font fait la guerre. Il y a d’une part la race des "élus" heureux et des "exclus" mécontents, d’autre part. Certains sont morts, pour avoir menacé de passer aux aveux. D’autres sont vivants, ils font du grenouillage, en vain. Ils revendiquent leur participation au complot contre Ngouabi, mais celui qui a le plus profité du crime, les ignore complètement. Il sait une chose, ils sont tous poings et mains liés, ils couleront ensemble. Au nom de l’éclatement de la vérité et du sang innocent qui a coulé.
L’assassinat de Marien Ngouabi, les exécutions de Massamba-Débat et du Cardinal Émile Biayenda et autres, représentent une conspiration sans précédent qui ne doit pas rester impuni. Ils ont surtout, contribué, si certains l’ignorent à cristalliser les haines au Congo Brazzaville, entre le nord et le sud. Ils ont détruit le Congo. D’où donc la nécessité de reconstituer ce puzzle pour détendre la haine accrue. Nul n’est au-dessus de la loi.
dacpresse mars 2012