Mathias Dzon et le collectif des partis de l’opposition

Mathias Dzon et le collectif des partis de l’opposition interpellent le pouvoir de Brazzaville sur la crise qui bloque le pays

Déclaration:

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Distingués invités en vos titres et distinctions,

Mesdames et Messieurs les journalistes,

Cadres et militants du Collectif,

La présente conférence de presse a pour thème structurant majeur, l’intense et brûlante actualité nationale, et tout particulièrement, la guerre du Pool, la crise financière gravissime que traverse le Congo et les conséquences sociales dramatiques qu’elle génère pour l’écrasante majorité des Congolais, la crise électorale, la crise politique d’une profondeur sans précédent.

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

La guerre du Pool, déclenchée depuis le 4 avril 2016 s’aggrave chaque jour davantage, causant des casses humaines et matérielles incommensurables : bombardements par hélicoptères des zones d’habitation, pertes en vies humaines massives, destructions de près de 392 villages, exil intérieur pour près de 98 000 déplacés qui se sont réfugiés dans les forêts constamment bombardées ou dans des abris de fortune, dévastation des champs et des élevages, destruction de ponts sur la voie ferrée, arrêt du trafic sur le chemin de fer Congo-Océan (CFCO), poumon économique du Congo et même sur la route nationale n°1, fermeture de plusieurs écoles des cycles primaire et secondaire, souffrances extrêmes pour les populations, interdiction formelle d’accès à la zone de conflit pour les ONG humanitaires et les observateurs internationaux, violations massives des droits de l’homme à huis clos, refus systématique par le pouvoir de tout dialogue pour faire taire les armes et trouver une solution politique.

Chaque jour apporte son lot de morts, comme ces derniers temps à Missafou, Kibouendé, Ngampoko, etc. C’est ainsi que les journées de samedi 21, lundi 22 et mercredi 23 mai 2017, ont été consacrées à l’enterrement des nombreux agents de la force publique tombés dans le Pool. Curieusement, au lieu de se préoccuper d’apporter une réponse urgente et appropriée à ce drame, le pouvoir vient de décider d’organiser des élections législatives et locales le 16 juillet 2017. Etalant au grand jour le peu de cas qu’il fait de la vie humaine et pour le calvaire que le peuple congolais vit aujourd’hui, il a fixé à 1 500 100 Fcfa, le montant de la caution pour chaque candidat à la députation et à 500 000 Fcfa, pour chaque liste par district aux élections locales. Comme le nombre des députés est fixé à 151, cela revient à dire qu’un parti politique qui présente un candidat dans chaque circonscription électorale doit verser 226 515 100 Fcfa pour la députation et 45 000 000 Fcfa au titre des élections locales, soit au total 271 515 100 Fcfa, compte non tenu des frais de campagne électorale.

Par les temps de disette qui courent, quel est le parti politique capable de satisfaire à ces folles exigences ? Il s’agit purement et simplement pour le pouvoir de procéder à l’élimination par l’argent et de réduire ainsi la participation aux prochaines élections aux seuls partis de la famille régnante qui puisent dans le Trésor public et aux partis satellites, financés par le pouvoir. Comment peut-on dans la conjoncture financière critique que traverse le Congo, envisager d’engloutir 80 milliards de Fcfa dans l’organisation des élections législatives et locales, alors que l’Etat est en cessation paiement ?

Il faut signaler que les élections législatives et locales programmées pour le 16 juillet 2017 constituent assurément dans le contexte d’aujourd’hui, un défi lancé au peuple congolais. En effet, non seulement le pouvoir se propose de les organiser au moment où le pays vit un désastre insupportable avec la guerre dévastatrice du Pool et la situation sociale dramatique des populations, mais encore, il refuse obstinément de refonder le système électoral frauduleux à l’œuvre depuis 2002 : malgré la mascarade de concertation de Ouesso, la loi électorale, le corps électoral, la commission d’organisation des élections, l’administration électorale demeurent exactement les mêmes que par le passé. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il va s’en dire que les prochaines élections organisées sous l’empire de la gouvernance électorale à l’œuvre depuis 2002, seront à n’en pas douter, frauduleuses et trafiquées au profit du pouvoir comme à l’accoutumée. Tout est déjà plié. En définitive, les conditions ne sont pas réunies pour l’organisation de ces élections maintenant.

Au niveau financier, la situation est alarmante. Lors de ses deux dernières missions au Congo, le FMI n’a pas manqué de tirer la sonnette d’alarme. La mission de novembre 2016 a recommandé le recadrage de la politique budgétaire, parce que l’évolution des principaux paramètres économiques et financiers laissaient déjà apparaître le risque d’une banqueroute si des mesures appropriées de recadrage n’étaient pas prises. La deuxième mission, effectuée du 20 février au 08 mars 2017 à la suite du sommet de la CEMAC du 23 décembre 2016, a confirmé ce diagnostic de novembre 2016 et constaté que la situation économique et financière du Congo avait poursuivi sa chute libre. Elle a estimé le taux de croissance pour l’année 2016 à – 2,7%. Ce taux négatif a creusé davantage le déficit budgétaire qui atteint désormais 25,5% du PIB total, contrairement à la norme de 3%, édictée pour la zone CEMAC.

Ces différents paramètres économiques et financiers expliquent en partie l’érosion dramatique des réserves internationales de change du Congo qui ont baissé de 1380 milliards de Fcfa en 2015 à 519 milliards, ne couvrant plus à cette époque que deux mois d’importations. Elles ne seront que de 513 milliards de Fcfa en 2017. Elles pourraient être complètement épuisées dans les 12 prochains mois et le poids de la dette qui déjà atteint 77% du PIB, deviendrait rapidement insoutenable d’après le FMI. C’est un véritable drame pour le pays.

La liquidité générale de l’économie s’étiole dangereusement et les arriérés extérieurs et intérieurs s’accumulent. Selon le rapport de la deuxième mission du FMI, le gouvernement a accumulé des arriérés importants vis-à-vis de ses créanciers. Les arriérés extérieurs sont estimés à 56,2 milliards de Fcfa et sont dus à 5 créanciers bilatéraux, 4 multilatéraux et de nombreux créanciers commerciaux. Selon le même rapport, des arriérés intérieurs encore plus importants ont été accumulés en 2016.

Dans ce contexte, on comprend pourquoi le gouvernement attend avec une vive inquiétude la prochaine échéance de paiement, évaluée à 11 milliards de Fcfa au profit des opérateurs du Club de Londres, échéance fixée à la fin du mois de juin 2017. La liquidité des banques est mise à l’épreuve, à telle enseigne que ces dernières ne respectent plus les normes prudentielles définies par la BEAC, notamment avec une augmentation de 30% des créances en souffrance.

Pour l’année 2017, le FMI prévoit pour le secteur non pétrolier, un taux de croissance négatif, évalué à – 0,5%, voire davantage, car, à ce jour, le gouvernement congolais n’a pris aucune mesure d’ajustement. Les caisses du Trésor public sont désespérément vides. La fracture sociale est très profonde.

Du fait de cette crise financière aiguë, non seulement les arriérés extérieurs et intérieurs s’accumulent, mais l’Etat n’est plus en mesure d’assurer les paiements courants. Le paiement des salaires des fonctionnaires est désormais fractionné. On paie les fonctionnaires des grandes villes comme Brazzaville et Pointe-Noire, mais, on ne paie pas dans le même temps, les fonctionnaires des autres localités. De même, on paie les salaires des fonctionnaires domiciliés dans telle ou telle banque, mais on ne paie pas dans le même temps, les salaires des fonctionnaires domiciliés dans les autres banques. La stratégie adoptée par le pouvoir consiste à faire croire à l’opinion nationale et internationale que malgré la crise, le gouvernement paie régulièrement les salaires de la fonction publique, ce, aux fins de conjurer toute velléité d’explosion sociale.

Les fonctionnaires et les agents relevant des budgets de transfert (Université Marien Ngouabi, CHU, Hôpitaux et Dispensaires, Municipalités) doivent désormais attendre dans le meilleur des cas, 15 à 20 jours après la paie des autres fonctionnaires, le paiement de leurs traitements. Plus grave, les travailleurs des municipalités n’ont pas été payés depuis 5 à 8 mois, selon les localités. Les retraités qui émargent à la CRF accusent aujourd’hui selon les cas, 4 à 5 mois d’arriérés de pension. Les étudiants de l’Université Marien Ngouabi n’ont touché aucun mois de bourse au titre de l’année universitaire 2016-2017, les deux trimestres de bourse déjà perçus cette année, ce, après deux mois de grève, étant des arriérés de l’année 2015-2016. Par ailleurs, alors que l’on s’achemine vers la fin de l’année académique 2016-2017, la commission nationale d’attribution de bourses au titre de cette année ne s’est pas encore réunie.

Dans le même ordre d’idées, les enseignants vacataires de l’Université Marien Ngouabi n’ont touché aucun centime au titre des charges horaires qu’ils ont assurées pour l’année académique 2016-2017. Pourtant, le contrat qu’ils ont signé avec l’Université dispose que leurs prestations doivent leur être payées à la fin de chaque semestre. Dans la même veine, les enseignants de rang magistral, admis à la retraite, mais retenus par l’Université pour encadrer les formations doctorales n’ont pas touché leurs indemnités mensuelles depuis 5 mois. On pourrait multiplier à l’envie les exemples des corps professionnels dont l’Etat congolais n’assure plus le paiement des prestations de service.

Parallèlement aux salaires, pensions, bourses et prestations de service à l’Etat non payés, les pénuries des produits courants se multiplient, générant une flambée des prix. Les produits alimentaires de base, les carburants (essence, gazoil, kérozène, pétrole lampant) et le gaz de cuisine sont désormais devenus comme l’eau et l’électricité, des denrées rares, voire très rares.

Chaque jour, la crise s’aggrave et s’élargit et le Congo s’enfonce davantage dans la détresse générale. Curieusement, face aux immenses défis financiers et sociaux auxquels le pays est confronté, le pouvoir ne prend aucune mesure sérieuse, même pour ce qui paraît à sa portée comme par exemple : arrêter les pertes, gaspillages et détournements générés par une gestion chaotique de la SNPC et des unités connexes ; réduire le train de vie de l’Etat ; arrêter les désordres dans la passation des contrats de l’Etat ; supprimer les dépenses d’apparat et les investissements improductifs, etc. Il est temps de tout mettre en œuvre pour arrêter le désastre et corriger la trajectoire.

Des mesures d’urgence s’imposent. Nous en proposons sept (7) :

1) Le retour à la paix dans le pays qui passe nécessairement par :

-La cessation immédiate des hostilités, le retrait des troupes militaires et policières ainsi que leurs supplétifs engagés dans la région du Pool, ce qui permettrait de recréer un climat détendu propice à la reprise de la vie dans le Pool, des activités et des affaires de façon générale dans le pays et l’Etat économiserait les 100 millions journaliers que nécessite l’effort de guerre actuel et les affecterait à la réparation des dommages causés aux populations ;

-La libération immédiate et sans condition des nombreux prisonniers politiques qui croupissent au risque de leur vie dans les geôles du pouvoir ;

2) La réduction urgente du train de vie de l’Etat, à travers :

- La réduction du salaire du président de la République et de ses fonds politiques ;

- La baisse des salaires des ministres, des députés, des sénateurs, des membres des bureaux des autres institutions "constitutionnelles", des membres des bureaux des conseils départementaux et municipaux, des PDG et DG des entreprises publiques et parapubliques, du directeur de cabinet et des conseillers du président de la République ;

- La réduction du nombre des ministres, des députés, des sénateurs, des conseillers départementaux et municipaux ;

-La suppression des salaires fonctionnels indûment payés aux membres du bureau politique du PCT, aux responsables des autres organes dirigeants de ce parti et l’établissement d’un ordre de recettes à l’encontre des intéressés, en vue du remboursement par eux au Trésor public, des sommes illégalement perçues ;

- La dissolution du corps budgétivore des chefs de quartier et de village qui sont en fait des emplois fictifs pour intéresser les membres du PCT commis à la tricherie électorale ;

- Le report sine die de l’organisation de la 11e édition du Fespam programmée pour juillet 2017 ;

- La suppression de la mise en place des nouvelles institutions "constitutionnelles" budgétivores : Conseil national du dialogue social, Conseil national des sages, Conseil national de la jeunesse ;

- La réduction des missions extérieures au stricte nécessaire ;

- L’audit de la SNPC et de ses filiales, de la CCA, des Grands travaux, du Trésor, des Impôts, du Port autonome de Pointe-Noire, des marchés publics, des opérations de la municipalisation accélérée ;

3) Le report sine die des élections législatives, locales et sénatoriales et l’affectation des 80 milliards prévus pour leur organisation, à la résolution des urgences sociales. Ceci aussi pour privilégier la recherche d’un consensus national sur la refondation de la gouvernance électorale, préalable à tout scrutin ;

4) La suppression des exonérations fiscales exceptionnelles ou discrétionnaires qui font perdre à l’Etat des ressources importantes, ainsi que celle des dépenses non inscrites au budget de l’Etat ;

5) Le rapatriement immédiat des 14 000 milliards de Fcfa d’excédents budgétaires extériorisés de 2003 à 2014 et placés dans des comptes privés en Chine, à Panama, dans les pays du golfarabique et dans les autres paradis fiscaux ;

6) La résolution du conflit qui oppose depuis plusieurs années, l’Etat Suisse à l’Etat congolais à propos des mille milliards de Fcfa de vente du pétrole de l’Etat congolais à la société Gunvor, somme bloquée dans un compte privé appartenant à un membre du clan au pouvoir ;

7) Le paiement concomitant des salaires de tous les fonctionnaires, les pensions de tous les retraités -numéraires et ceux domiciliés dans les banques- et des bourses de tous les étudiants congolais, au Congo et à l’étranger.

En définitive, la mise en œuvre concrète et urgente de ces mesures efficaces permettra à l’Etat de réaliser des économies substantielles et de faire face aux différentes échéances de paiement. Le président de la République est placé devant des responsabilités historiques : sauver le Congo ou l’exposer à la banqueroute et à l’explosion. A lui de faire le bon choix. Nous ne le répéterons jamais assez. La sortie de la crise globale qui mine le Congo exige l’apport fécond de toutes les filles et de tous les fils du Congo et un climat de paix qui ne peut être promu dans les conditions d’aujourd’hui que par la construction intelligente d’un compromis politique entre le pouvoir et l’opposition. C’est pourquoi, nous appelons une fois de plus, le président de la République, à bien vouloir convoquer sans délais, un dialogue national inclusif, seule vraie solution de sortie de crise.

Les mascarades de retrouvailles entre les partisans du pouvoir comme celle organisée à Ouesso en mars dernier, en vue de la préparation des élections législatives, locales et sénatoriales sous l’empire du système électoral frauduleux à l’œuvre depuis 2002, ne peuvent constituer que des facteurs de conflit. D’ailleurs, la fameuse rencontre de Ouesso n’a rien résolu. Bien mieux, elle a constitué un véritable recul par rapport aux autres monologues organisés par le pouvoir à Brazzaville en 2009, à Ewo en 2011, à Dolisie en 2013 et à Sibiti en 2015.

Aujourd’hui, la construction d’un compromis politique au cours d’un vrai dialogue national inclusif constitue la seule porte de sortie.

Saisissons cette opportunité avant qu’il ne soit trop tard. Sauvons le Congo.

Fait à Brazzaville, le 27 mai 2017

Pour le Collectif des partis de l’opposition congolaise

Le Collège des Présidents

18697979 1028580357244521 7720226270658261579 n

une partie de l'assistance à la conférence de presse organisée au domicile de Mathias Dzon à Brazzaville@md