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Centrafrique : "la descente aux enfers des FACA continue"
Le point de vue sans concession d’un haut gradé des forces armées centrafricaines à la retraite...@ema
La nomination du colonel Mamadou Zéphirin promu général au poste de chef d’Etat-major consacre la promotion de la médiocrité au détriment du mérite et augure des lendemains obscurs pour nos forces. Loin de voir Zephirin comme la cause du malheur des FACA, c’est plutôt la perpétuation d’un système injuste fait à dessein instauré depuis belle lurette par la classe sortante de nos généraux tendant à devenir la règle au sein des FACA. En effet, la plupart de nos chefs d’Etat-major généraux ont été toujours choisis pour la plupart parmi les techniciens terme générique pour designer ceux qui soutiennent ou nous appuient.
Une malédiction qui poursuit inlassablement les fantassins depuis la nuit des temps où un certain Jean-Bedel Bokassa eut la malencontreuse idée de culbuter le président Dacko du haut de son piédestal. Depuis ce jour la méfiance s’est installée et le politique n’a eu de cesse de se torturer quand il s’agit de fils légitime à qui confier leur armée.
Ainsi se sont succédés à la tête de l’armée centrafricaine, des cadres militaires certes compétents dans leur domaine de responsabilité mais cependant destinés aux taches secondaires et pas nécessairement outillés pour prendre en mains les destinées d’une armée. L’une de nos graves tares disons congénitales provient de là.
L’histoire commence avant, mais il est plus formalisé au temps du général André Kolingba de l’arme des transmissions qui s’est adjoint le général Mantion pour gérer ce qu’il ne savait pas faire : l’Armée.
Il convient ici de souligner qu’il n’est pas le seul d’ailleurs et ils sont en fait plus nombreux qu’on ne le pense. On comprendra qu’au sortir des années Bokassa, la plupart des officiers fantassins compétents ont subi une purge de la part de ce dictateur, décimant les rangs des FACA de ressources humaines nécessaires à la continuité de notre armée.
Ainsi en l’absence de menaces réelles à nos frontières ou à l’intérieur du temps de Kolingba, le pays vivait dans une quiétude relative ponctuée par les escarmouches entre les FACA et les "codo Mbakaras" dans le Nord, menace que le RMI et le RDOT à l’époque avait sertie sans risque de débordement. Donc le contexte ne favorisait pas la nécessité de levée d’une armée en tant que telle, et ainsi cette entité s’est transformée et a servi de réservoir à cadres où on puisait les ressources pour pallier aux carences de l’administration civile. C’était l’époque du concept " Armée-Nation" développé à l’issue de la détente entre les blocs Pacte de Varsovie et l’OTAN amenant un calme relatif sur les fronts européen, l’imminence du rouleau compresseur russe descendant dans les plaines européennes s’estompant. Les armées n’ayant plus rien à faire, était utilisé à des taches communautaires au profit de la population. C’est ce concept cher au défunt général Kassa de l’arme du Génie qui secondait dans les fonctions d’adjoint au CEMA, sortant fraichement de l’Ecole de Guerre qu’il a voulu matérialisé dans la transformation de "l’Escadron monté"-en référence à la cavalerie montée- en paillote "Armée-Nation" où l’orchestre Commando Jazz jouait tous les week-ends.
Pêle-mêle se succèderont dans cette fonction beaucoup d’officiers techniciens mais peu d’opérationnels -infanterie comme en aurait du être l’usage- et cette pratique s’est pérennisée jusqu’à de nos jours.
Ainsi tous les CEMA successifs n’ont pas dérogé à la règle depuis Ange-Félix Patassé :
- Le chef d'état-major des armées centrafricaines, le colonel Maurice Regonessa est de l’arme des transmissions
- Le général de brigade Ernest Bétibangui, longtemps mis hors cadre des FACA au profit des eaux et forêts est désigné chef d'état-major des armées sous Patassé,
- Le colonel Antoine Gambi de l’administration, ayant occupé précédemment la fonction de directeur général de l'intendance militaire, est nommé chef d'Etat-major général des FACA en remplacement du général Ernest Bétibangui décédé en décembre dernier.
- Le général de division François Bozizé le remplace, un transfuge de l’Armée de terre parachuté à l’Armée de l’air,
- Le général Abrou qui lui succède est aussi de l’arme des transmissions et passe CEMA au temps de Patassé. Il sera tué par la suite par les Banyamulengué.
- Le général Bozizé revient encore et succède au général Abrou.
- Le général Gambi revient une seconde fois comme CEMA de Patassé jusqu’à l’éviction de celui par Bozizé.
Bozizé ayant pris le pouvoir par la force, reconduit le général Gambi comme CEMA -cet officier général est promotionnaire de Bozizé à l’ESFOA.
- Puis est nommé le général Jules Bernard Ouandé comme CEMA,
- Puis le général Guillaume Lapo chef d'Etat-major pour remplacer, commissaire une branche de trésorerie des FACA.
- Le général Ouandé revient en force pour remplacer le général Lapo
Puis le pouvoir revient entre les mains Djotodjia qui a evincé Bozizé pour nommer le général Jean-Pierre Dollé-Waya qui serait evincé le 10 septembre 2013 au lendemain de la reprise des combats entre l’armée et des soldats partisans du président déchu François Bozizé.
Le général Ferdinand Bombayéké est désormais le nouveau chef d'état-major des armées, en remplacement du général Dollé-Waya. Ce général à la retraite sous-officier mécanicien d’aviation a gravi les échelons à une vitesse vertigineuse jusqu’à occuper le commandement de la garde présidentielle de l'ancien président Ange-Félix Patassé qui l’a généreusement bombardé général.
Lors de la transition cahoteuse de Samba-Panza, les fonctions de CEMA reviennent alors à un officier de génie rapidement monté en grade, à savoir le désormais général Bouba Jérôme qui n’a tenu que très peu et remplacé au sommet de l’armée par un tout autre fantoche le général de brigade André Bonaventure Lenanguy qui n’est ni de l’armée de terre car à l’armée de l’air où il est envoyé, il est fortement contesté étant des leurs. Il restera bien souffrant pendant son exercice.
Touadera élu, ce dernier porta son choix sur le jeune général de brigade Ngaifé, qui le moins que l’on puisse dire est, qu’il est compètent pour occuper ce poste. Mais très vite ses frasques et son comportement irréconciliable ont commencé à déplaire à son mentor qui lui a désespérément cherché remplaçant jusqu’au jour où la ministre de Défense Koyara lui proposa son neveu Zéphirin Mamadou, un autre des transmissions, tout aussi fantoche que les autres, peut-être même plus.
Vous constaterez que, de tous les chefs d’Etat-major ayant eu la destinée de l’Armée entre leurs mains, il n’y a presque pas de fantassin à l’exception de deux.
Son installé dans cette logique et pour aller jusqu’au bout il reste à nommer aussi les médecins, les aumôniers et pourquoi pas un responsable du personnel civil pour être CEMA du moment qu’ils y sont, car tout compte fait tous ces personnels sont du soutien et ce n’est pas la tenue militaire qu’ils portent qui feront d’eux de vrais militaires. Mais solidaires qu’ils étaient, les anciens de la "Spéciale" - Ecole Spéciale Formation Officiers d’Active- ne pouvaient tolérer en leur sein des intrus qui pouvait menacer de ravir leur pain.
En dehors du choix politique qui a ses raisons que la raison ignore, la nomination de Mamadou pose problème et elle est lourde de conséquences sur l'avenir de nos forces. Cet acte doit être dénoncé pour le bien de notre outil de défense. Dénoncé parce que, ce mode de désignation de CEMA qui a été mis en place par l’ancienne avant-garde sortante, qui tend à se perpétuer à la nouvelle génération, cette pratique qui était à l’origine une exception et qui est devenue la règle, doit cesser car elle est porteuse de germes de ségrégation et de nature à porter gravement atteinte au bon fonctionnement des FACA.
De par ses responsabilités, la fonction de CEMA dans toutes les armées du monde est dévolue aux fantassins. D’ailleurs en France et dans les pays de l’alliance OTAN, on assiste à une standardisation des concepts et le chef d'État-major des armées a des responsabilités et autorité similaires même s’il y a quelques spécificités propres à quelques-unes.
Prenant l’exemple de la France qui sert de modèle pour notre jeune armée, le CEMA assiste le ministre des Armées ou de la Défense dans ses attributions relatives à l’emploi des forces. Il est responsable de l’emploi opérationnel des forces.
Sous l’autorité du président de la République et du gouvernement, et sous réserve des dispositions particulières relatives à la dissuasion, le chef d’État-major des armées assure le commandement des opérations militaires. Il est le conseiller militaire du gouvernement.
Sous l'autorité du ministre de la Défense, le chef d’État-major des armées est responsable :
1. De l’organisation interarmées et de l’organisation générale des armées,
2. De l’expression du besoin en matière de ressources humaines civiles et militaires des armées et des organismes interarmées,
3. De la définition du format d’ensemble des armées et de leur cohérence capacitaire,
4. De la préparation et de la mise en condition d’emploi des armées. Il définit les objectifs de leur préparation et contrôle leur aptitude à remplir leurs missions. Il élabore les doctrines et concepts d’emploi des équipements et des forces,
5. Du soutien des armées. Il en fixe l’organisation générale et les objectifs. Il assure le maintien en condition opérationnelle des équipements,
6. Du renseignement d’intérêt militaire. Il assure la direction générale de la recherche et de l’exploitation du renseignement militaire et a autorité sur la direction du renseignement militaire - DRM-,
7. Des relations internationales militaires.
Les risques
Une perception du soldat biaisée par rapport à son chef.
Le soldat même s’il ne doit pas aimer son chef, doit quand même l’estimer pour ses qualités intrinsèques. Ainsi sur la base d’une confiance et d’un respect mérités, il pourrait mener la troupe et obtenir de ses éléments, obéissance et discipline. Les nominations fantoches de ce type sont perçues par beaucoup de soldats comme un abandon de leur sort entre les mains d’ incapables qui les ameneront à l’abattoir. Demander à un soldat de mourir n’est possible que, s’il sait son chef capable aussi d’un tel acte et on ne peut demander ce genre de choses assis dans un bureau loin du théâtre des opérations, déconnecté de la réalité. "L'exemple n'est pas le meilleur moyen de convaincre, c'est le seul" Gandhi.
Les soldats de nos jours sont très sensibles au népotisme et arrive à détecter l’immixtion du politique dans la vie militaire, et le politique doit savoir que c’est à ceux-là que vous récompensez si mal, sont les mêmes à qui vous demanderez le sacrifice suprême le moment. Les soldats ont une mémoire d’éléphant. Ils se rappelleront le moment venu. Et c’est eux les fantassins. Ceux à qui on a l’habitude de demander le meilleur d’eux-mêmes allant parfois jusqu’au sacrifice suprême, qui mouillent leurs maillots suant, puant, pestant pour le bien-être de nos populations.
Alors quand on dit que "qui peut le mieux, peut le moins" pourquoi ne pas aussi réserver sur la base de ce même principe, le poste de CEMA et réserver à ceux qui peuvent le moins des fonctions subordonnées complémentaires au lieu du contraire. C’est là où se trouve le paradoxe.
Une situation qui doit changer le plus tôt possible.
Ce ras le bol qui ne date d’aujourd’hui doit bouger dans ses lignes pour le bien de notre l’armée centrafricaine. Ainsi depuis des lustres, la fonction de CEMA est devenue la chasse gardée des bras cassés consacrant ainsi la mainmise des incapables sur les compétents. Le système est perfectionné à tel point que pour pallier aux carences des leurs, ils leur adjoignent d’autres cadres plus compétents qu’eux pour s’occuper de la planification et de la conception des plans d’opérations. Ceux désignés comme roue de secours le savent dorénavant, et ne manifestent que de peu d’engouement pour le travail ce qui est tout à fait compréhensible mais préjudiciable pour la réussite des opérations.
C’est comme si les fantassins sont dévolus aux basses besognes et être fantassin se résume à être assujetti par ceux qui ont fait le choix d'une carrière facile de bureaucrates pendant qu'aux autres leurs est réclamé le sang et la sueur, confinant souvent les fantassins à l'image de muscles mais pas de cerveaux.
Or quand on voit les exemples des autres pays, ce qui est paradoxal en France et aux États-Unis, les meilleurs de St-cyr et des académies américaines choisissent les corps de mêlée, les troupes de marines parce qu'ils veulent participer à la victoire en tant qu'acteurs et non spectateurs. Quand vous entendez des noms de chef d'Etat-major des armées de ces pays ils ont tous en commun le fait de participer au combat même s'ils sont marins ou aviateurs.
Alors il faut que cesse cette discrimination et cet avilissement qui consiste à reléguer le fantassin au rang de moins, que cesse cette primauté et mainmise de ces techniciens aussi incapables les uns que les autres, sur les instruments de notre défense car la finalité de toute armée c'est non seulement pas de combattre mais surtout de gagner. Et que si les conditions d’un meilleur traitement de la part de nos autorités ne sont pas établies on continuera à subir des écueils dans toutes nos campagnes. Et d’ailleurs pendant que vous y êtes pourquoi ne pas aller au bout de votre logique, à savoir à ce que les médecins et aumônier militaires soient aussi promus chef d'Etat-major des armées car ce sont des techniciens au même titre que les logisticiens, ceux du soutien, les militaires de génie, des transmissions du transport etc... qui concourent à la réussite des missions mais qui concourent à la réussite des missions mais qui n'y participent pas directement d'où la notion de front. -1er échelon etc...-
Des conséquences très lourdes
Les conséquences seront très lourdes pour notre armée avec cette manière de prendre des raccourcis, à vouloir faire la promotion de minables et incapables. On risque la désaffection du métier noble du fantassin, de celui qui demande la mort au combat comme consécration. Oui car il faut bien encourager les jeunes à choisir ce métier car la guerre veut dire morts d’hommes et elle ne se fait pas sans des hommes qui ont fait le choix de mourir. La victoire finale ne sera emportée que par le fantassin, vaille que vaille, baïonnette au canon s’il le faut et jusqu’au bout, même si on a de milliers de techniciens.
Dans ce sens il faut que les soldats soient bien formés et éduqués à ce titre. N’est ce pas que Magin Piart disait : "il n'y a pas de plus meilleurs professeurs que l'ennemi, mais ces leçons coûtent cher " continuez à buller dans vos salons en ignorant la maxime célèbre pour tout militaire "la sueur épargne le sang ".
Continuez à berner les politiques pour vous nommer, tout se saura le moment venu.
A bon entendeur, salut.
Le 1 aout 2018