Depuis décembre 2018, des sociétés minières chinoises exploitent des chantiers d’or dans la préfecture de l’Ouham Pendé au nord-ouest de la République centrafricaine.
L’ancien Premier ministre Mathieu Simplice Sarandji ainsi que le ministre des mines et de la géologie, Léopold Mboli Fatrane s’étaient d’ailleurs déplacés en personne à Bozoum, au début décembre 2018 et fin janvier 2019, officiellement pour l’inauguration du bâtiment de la Brigade des mines, réhabilité par l’une de ces sociétés.
Ces sociétés ont d’abord formulé des promesses aux populations locales des localités de Kpari et de Boyele en évoquant la construction d’un poste de santé et d’une école en présence du Préfet et du sous-préfet et du Maire de Kouazo. Il faut aussi noter que la somme d’un million de Fcfa a été remise à la communauté locale de Boyele.
Des camions citernes ont alors commencé à venir régulièrement depuis la raffinerie de Limbe, au Cameroun pour approvisionner en essence des engins excavateurs et des machines utilisées pour tamiser le gravier. Plus d’une soixantaine employés chinois côtoyant moins d’une quinzaine de centrafricains, originaires pour la plupart de localité situées sur l’axe Gallo-Bouar travaillent ainsi sur 9 sites d’exploitation d’or, situé sur les axes suivants :
- Bozoum - Bouar (proche du village Kpari, à 10 kilomètres de Bozoum),
- Bozoum - Paoua (autour du pont sur l’Ouham, à la sortie de Bozoum jusqu’à la localité de Boyele),
- Bozoum - Bossangoa (zone de Ouham Bac, à une centaine de kilomètres de Bozoum),
- Bocaranga - Bouar (au niveau du fleuve Pendé).
L’or est ensuite amené, une fois par semaine, à Garoua-Boulaï au Cameroun, en passant par Bouar passant la frontière sans qu’aucun contrôle ne soit effectué…
Ces sites miniers chinois sont protégés par 27 militaires et gendarmes centrafricains payés 10 000 Fcfa par jour soit 300 000 Fcfa par mois. Il à ce titre étonnant de constater que les autorités centrafricaines qui se plaignent régulièrement de ne pas avoir les moyens nécessaires pour protéger la population civile en proie à l’insécurité sur de larges portions du territoire mettent ainsi à dispositions de sociétés étrangères des hommes armés pour protéger ces sites d’extractions d’or…
Malgré les promesses formulées aux populations locales, aucun poste de santé ni aucune école n’ont été construites. La moitié du million de Fcfa remis à la communauté de Boyele a finalement été récupéré par le Préfet et le Maire de Kouazo …
Les conséquences écologiques de cette exploitation sur l’environnement sont désastreuses avec des dégradations importantes des berges et du lit de la rivière Ouham. L’entreprise laisse les sites à l’état brut avec des trous importants dans les sols ou créant des montagnes de terre tamisée. Il est aussi fait usage sur ces sites de mercure pour extraire plus facilement l’or ce qui a un impact direct sur les eaux de l’Ouham, la vie animale et humaine locale. On constate ainsi des poissons morts sur les berges et il est fort à parier que les populations locales qui lavent et boivent ces eaux sont touchées sans que l’on puisse encore en mesurer les conséquences… Il faut souligner que ces sociétés ont dévié une partie du fleuve Ouham de son cours naturel dans plusieurs endroits, pour tamiser la terre et le sable du fond avec des conséquences visibles très impressionnantes sur sites.
Le ministre des mines et de la géologie a signé, le 25 mars 2019, une fécision qui impose la suspension immédiate des activités d’exploitation de 4 sociétés minières chinoises à Bozoum pour “manquement aux obligations relatives à la protection de l’environnement”.
Malgré cette décision du ministre, les travaux se poursuivent aujourd’hui en toute impunité de jour comme de nuit. On observe ainsi toujours à quelques kilomètres de Bozoum des excavateurs et des véhicules en activité sur site.
- Les promesses faites aux populations locales (construction d’un poste de santé, d’une école à Boyele, remise en ordre le lit du fleuve) seront-elles tenues ?
- Les impôts miniers, les taxes liées à la vente d’or, celles régulant l’achat et l’importation de carburant sont-elles respectées ?
- Quel est l’impact d’utilisation du mercure sur pour la santé humaine mais aussi pour la faune locale ?
- Dans quelle mesure les eaux du fleuve Ouham ont-elles été polluées par cette exploitation anarchique ?
- Quel est l’impact du l’environnement du fait que le lit de ce fleuve ait ainsi été dragué et détourné de son cours ?
Autant de questions qui resteront probablement sans réponse dans ces localités livrées à leur triste sort face à l’appétit dévorant d’intérêts privés tout-puissants…