Débuté en mai 2015, et après 3 années d'enquête concernant l'acquisition catastrophique pour AREVA d'URAMIN une compagnie minière du Canada, les juges se concentrent sur les intermédiaires, hommes d'affaires, conseillers de l'ombre ou autres dirigeants et responsables africains. L'ancien fleuron du nucléaire de la France en Afrique, retient plus que jamais l'attention de la justice française sur fond de suspicions de corruption et de rétro-commissions.
Pour mémoire en juin 2007 AREVA cherche à diversifier ses sources d'approvisionnement en uranium, et débourse 1,8 milliard d'euros pour acheter URAMIN, propriétaire de 3 mines présentées comme très avantageuses en Afrique du Sud, Centrafrique et Namibie.
Ce sont plus d'un milliard d'euros supplémentaires qui seront investis pour développer le gisement en Namibie. Au fils des semaines et des mois, il s'avère que l'exploitation des sites montrera d'énormes difficultés, transformant cette opération en un géant gouffre financier. AREVA est en 2011 controlée par l'Etat et contraint de passer 1,5 milliard d'euros de dépréciations sur URAMIN dans sa comptabilité. Ainsi au mois de mai 2015, l'affaire est au centre de 2 informations judiciaires.
Une enquête comptable ou Anne Lauvergeon ancien dirigeante du groupe AREVA entre 2001 et 2011,a été mise en examen ainsi que deux anciens responsables, suspectés d'avoir présenté des faux comptes pour cacher l'effondrement de la valeur d'URAMIN.
Une seconde enquête relative aux soupçons de corruption en amont et en aval de l'achat de la société URAMIN.
D'autre part plusieurs opérations du groupe AREVA sont au centre de multiples investigations. Il est évoqué des versements mensuels en 2008 et 2009 de 10 000 dollars au ministre du commerce et de l'industrie de la Namibie et actuel président Hage-Geingob.
En 2009 et 2010 d'autres versements apparaissent pour un montant global de 6,9 millions de dollars au groupe United Africa Group -UAG- de la Namibie, avec à sa tête Haddis Tilahun, puissant homme d'affaires. Son épouse Martha a des liens étroits avec le pouvoir de la Namibie.
Entre temps AREVA baptisé depuis ORANO, indique "avoir pensé un partenariat avec UAG afin de construire une usine de dessalement pour sa mine de Trekkopje située en Namibie. Ce projet n'a jamais vu le jour et l'argent n'a jamais été décaissé par UAG.
Les juges d'instruction suspectent "la mise en place d'un schéma corruptif": AREVA aurait versé des commissions en contre-partie de l'obtention des licences minières d'exploitation et d'un statut fiscal avantageux pour Trekkopje, licences et statut accordés en 2009 par le pouvoir de la Nambie. De plus certaines investigations auraient révélé d'éventuelles rétro-commissions avantageant des hauts cadres d'AREVA.
Sébastien de Montessus, ancien patron de la division "mines" d'AREVA, est soupçonné d'avoir bénéficié de rétro-commissions par le biais d'une société Tulip, basée aux Emirats arabes Unis -EAU- Un virement de 750 000 euros de M. Tilahun à M. de Montessus à titre d'acompte sur l'achat d'un yacht, Cape Arrow, est évoqué et poserait un souci.
Sébastien de Montessus a été mis en examen le 29 mars pour "corruption". Il a contesté devant les magistrats "tout lien financier" avec UAG "directement ou indirectement". Sébastien de Montessus@sni
En 2006 Daniel Wouters, un ancien banquier belge entre dans le groupe nucléaire AREVA et aurait bénéficier de rétro-commissions par le biais de 2 virements pour un global de 500 000 dollars d'UAG à la société SWALA. Daniel Wouters détenait une participation dans cette société.
Daniel Wouters a reconnu en mars 2018 lors de son audition par la police "ne pas avoir informé" AREVA de l'investissement d'Haddis Tilahun dans SWALA. Il a indiqué "Cela ne m'aurait rien coûté de le dire, mais je n'y ai pas pensé".
Convoqué en mai par les juges d'instruction, il a été mis en examen "pour complicité des délits de corruption d'agent public étranger, d'abus de confiance et de corruption privée" son une source judiciaire.
Daniel Wouters se retrouve au centre de l'enquête car au premier plan en tant qu'ancien banquier lors des négociations sur l'achat d'URAMIN, est lié à James Mellon et Stéphen Dattels actionnaires majeurs de la société canadienne qui ont investi en 2008 dans SWALA. Certains évoquent d'éventuels conflits d'intérêts.
En mars 2017, Anne Lauvergeon a expliqué aux enqueteurs que c'était Olivier Fric son époux, qui lui avait communiqué le CV de Daniel Wouters, soulignant que ni elle ni son mari ne connaissait Daniel Wouters avant son embauche.
En Centrafrique, AREVA s'est aidé sur un intermédiaire, Georges Forrest, présenté par Patrick Balkany député-maire de Levallois-Perret pour trouver une solution à son litige avec François Bozizé alors président de la République centrafricaine qui contestait son permis d'exploiter la mine de Bakouma.
En Afrique du Sud, véritable clé de voute, Sam Jonah natif du Ghana et co-fondateur d'URAMIN est décrit comme membre du 1er cercle de Thabo Mbeki alors président de la République.
En mars 2017 Anne Lauvergeon est de nouveau auditionnée et a réconnu qu'AREVA "avait été sollicitée" pour remettre des commissions en Afrique du Sud mais "que nous avions refusé". Sur ce volet de l'enquête Anne Lauvergeon n'est pas mise en examen, mais placée sous le statut plus favorable de témoin assisté.
Olivier Fric, époux d'Anne Lauvergeron est par contre poursuivi pour "délit d'initiés" et "suspecté d'avoir profité d'informations privilégiées pour spéculer sur la valeur d'URAMIN."
Olivier Fric et Anne Lauvergeron lors d'un diner officiel au palais de l'Elysée@sni
A suivre...
Le 1er juin 2018