Il est des hommes dont la vie change le cours de milliers d’autres. Louis Lareng était de ceux-là. L’inventeur du SAMU, ce service d’aide médicale urgente qui, depuis sa création il y a plus d’un demi-siècle, a sauvé tant de vies, s’est éteint. La Nation perd un monument de la santé publique. Les Français un de leurs plus sûrs bienfaiteurs. Louis Lareng en mai 2013@an
Louis Lareng est un destin républicain. "Petit paysan" comme il aimait à se définir, orphelin dès l’âge de deux ans, ce fils d’Ayzac-Ost, un village des Hautes-Pyrénées, dut toute son ascension à l’école de la République. Repéré par son instituteur, il obtint une bourse qui lui permit de poursuivre ses études au lycée à Toulouse, avant d’entamer des études de médecine. Se révélant à l’internat une passion pour l’anesthésie-réanimation, il gravit un à un les échelons jusqu’à devenir l’un des premiers professeurs spécialisés dans cette discipline alors en plein essor.
Dans ces responsabilités où il se familiarisa avec les opérations d’urgence, celles où tout peut basculer pour seulement quelques secondes, Louis Lareng se forgea la conviction qu’il fallait "amener le médecin au pied de l’arbre" en créant en France un service de médecine d’urgence permettant une prise en charge rapide des patients sur le lieu-même des accidents quels que soient leur nature. L’idée du SAMU était née.
En un temps où la loi interdisait au médecin de sortir de l’hôpital, le professeur Louis Lareng expérimenta sa méthode en toute discrétion se rendant, avec quelques collègues, sur les lieux des accidents de la route, où il intervenait souvent à la lueur des gyrophares. Peu à peu, les résultats obtenus et les vies sauvées levèrent les réticences de la communauté médicale face à ce qui était alors perçu comme une révolution copernicienne. En 1968, une circulaire mettait en place un service expérimental de réanimation d’urgence à Toulouse. En juillet 1972, la loi le reconnaissait officiellement. En 1979, un texte porté par la ministre Simone Veil créait les "centres 15" qui concrétisaient cette idée encore fondamentale aujourd’hui que les appels d’urgence devaient être régulés par des médecins. Et en 1986, les SAMU étaient enfin généralisés à l’ensemble du pays, grâce à une loi défendue par Louis Lareng, devenu en 1981 député de Haute-Garonne.
L’héritage de Louis Lareng ne se limite toutefois pas à ce legs incomparable, qui a essaimé bien au-delà de l’hexagone - le sigle SAMU se conjugue aujourd’hui dans de nombreuses langues. Le combat du SAMU emporté, le grand humaniste qu’il était ne cessa en effet de repousser les frontières et d’innover pour sauver toujours davantage de vies. Dès 1989, il fondit en visionnaire l’Institut de télémédecine, persuadé que les technologies qui ne se nommaient pas encore "numériques" pouvaient permettre à chaque citoyen de bénéficier, où qu’il habitât, du meilleur de la médecine et de la recherche. En 1991, Louis Lareng devint président de la Fédération nationale de protection civile, une association à la tête de laquelle il mit tout en œuvre pour former le plus grand nombre de français aux premiers secours. Encore récemment, le professeur Lareng était engagé, à l’agence régionale de santé d’Occitanie, dans la mise en place de l’espace numérique de santé. La passion du progrès et le goût des autres ne quittèrent jamais celui qui, jusqu’au crépuscule de sa vie, mettait un point d’honneur à se lever à 5 heures du matin et à quitter le bureau après 20 heures, tout simplement parce que le service public était sa vocation.
Connu et reconnu partout dans le monde, salué à la hauteur de son talent et de son dévouement par de multiples distinctions, Louis Lareng était un enraciné, qui n’oublia pourtant jamais ses terres d’origine. Engagé en politique, la grande fierté de celui qui fut député, conseiller régional, conseiller municipal de Toulouse et qui refusa à plusieurs reprises le ministère de la santé, était d’avoir été maire de sa commune natale d’Ayzac-Ost et de ses quelques centaines d’âmes. Géant de la médecine, il était aussi ce médecin de famille capable de soigner à l’improviste un proche ou un ami, avec cet accent bigourdan qui ne le quittait jamais.
Toutes celles et ceux qui une nuit d’automne, un matin d’hiver, ou un soir d’été, ont vu la vie d’un être cher sauvée grâce à l’intervention rapide du SAMU, celles et ceux qui, plus encore, ont été eux-mêmes sauvées par ce service que nous envie le monde, savent ce qu’ils doivent à Louis Lareng. A ce grand humaniste, ce grand médecin, ce grand français. A cette vie toute entière dévouée au service des autres.
Le président de la République adresse à la famille et aux proches de Louis Lareng ses condoléances attristée.
Le 4 novembre 2019