Les ministres des finances, les présidents des institutions régionales et les gouverneurs des banques centrales de la zone franc se sont réunis le lundi 8 octobre 2018 à Paris, sous la présidence de M. Bruno le Maire ministre de l’économie et des finances de la République française. Bruno le Maire préside la réunion@eo
Dans un contexte économique marqué par une reprise de la croissance à l’échelle du continent africain, les ministres des finances, les présidents des institutions régionales et les gouverneurs des banques centrales ont rappelé leur souhait d’œuvrer pour le développement de la zone franc et de mettre en œuvre des politiques économiques soutenables axées autour du renforcement de la mobilisation des ressources domestiques et de la diversification, afin de limiter les risques de dépendance économique et financière extérieure. Ils ont réitéré leur volonté de continuer à faire de la zone franc un espace de coordination active des politiques publiques, en lien avec les principaux bailleurs et institutions. Un tel espace, qui revêt une dimension unique en Afrique, reste un facteur de stabilité et de développement.
Les participants à la réunion ont relevé une légère amélioration de la convergence nominale, qui reste cependant en-deçà des résultats escomptés. Ils ont en particulier noté les risques découlant d’un ré-endettement rapide et d’importants déficits publics, qui sont susceptibles de remettre en cause les équilibres internes et externes des Etats concernés, et rappelé l’importance d’améliorer rapidement et fortement la mobilisation des ressources intérieures. Pour garantir le bon fonctionnement des unions monétaires et préserver la soutenabilité des trajectoires de développement, les ministres des Finances, les présidents des institutions régionales et les gouverneurs des banques centrales se sont accordés sur la nécessité d’une approche coordonnée. Dans ce contexte, les participants ont souligné la nécessité de poursuivre la mise en œuvre des mesures permettant de renforcer cette intégration régionale, facteur de résilience et de solidarité des Etats de la zone franc face aux chocs exogènes négatifs dans un environnement économique international particulièrement incertain actuellement. A ce titre, les participants réitèrent l’importance de continuer à mettre en œuvre le suivi régulier des recommandations adoptées lors des réunions des ministres de la zone franc. @eo
Les participants ont noté qu’une grande majorité de pays de la zone continue à mettre en œuvre un programme avec le FMI et bénéficie de soutiens financiers notamment de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement, de l’Union européenne et de la France. Les ministres des Finances, les présidents des institutions régionales et les gouverneurs des banques centrales ont cependant insisté sur la nécessité de mettre en œuvre de façon concrète les plans de réformes structurelles agréés dans le cadre de ces programmes afin d’améliorer la situation macroéconomique et retrouver le chemin d’une croissance inclusive et soutenable.
Dans le prolongement de la réunion des ministres de la zone franc d’avril 2018 à Brazzaville, les ministres des finances, les présidents des institutions régionales et les gouverneurs des banques centrales ont poursuivi leurs échanges sur les enjeux de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme -LBC/FT-. Ils remercient l’ensemble des acteurs dont le GIABA, le GABAC, le CLAB et la Banque mondiale pour la co-production d’un rapport. Ils se sont accordés sur un plan d’action précis et un calendrier tirés de ce rapport et invitent les autorités nationales et régionales compétentes à le mettre en œuvre dans les délais suggérés par ce plan. Un point sur l’avancée de la mise en œuvre de ces mesures, comme sur d’autres mesures discutées lors des RMZF précédentes -notamment en matière de mobilisation des ressources domestiques-, sera fait lors de chacune des réunions ultérieures.
Lors du déjeuner, les administrateurs représentant la France et les pays d’Afrique francophone à la Banque mondiale et au FMI ont évoqué la tenue prochaine des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, qui se tiendront à Bali du 12 au 14 octobre 2018.
Ils ont enfin chaleureusement remercié les autorités françaises pour l’organisation de cette réunion de la zone franc, ainsi que pour l’accueil réservé aux participants. Résolution des ministres
Les ministres chargés des finances des pays de la zone franc réunis à Paris le 8 octobre 2018 :
1) Constatent que dans un contexte de reprise de l’activité économique mondiale en 2017 -croissance de 3,7% contre 3,2% en 2016-, les performances des pays de la zone franc continuent d’être fortement contrastées, en lien avec l’impact différencié du contre-choc pétrolier de 2014 sur ces pays.
La croissance est restée soutenue dans l’UEMOA, avec un taux qui s’est situé à 6,7% en 2017, après 6,5% en 2016, grâce à la bonne tenue de l’ensemble des secteurs. Dans la CEMAC, le taux de croissance a été - 0,1 % en 2017 comme en 2016, en liaison avec les contreperformances du secteur pétrolier dans tous les pays producteurs, à l’exception du Congo. Dans le même temps la croissance du secteur non pétrolier s’est repliée à +0,3 %, contre +1,3 % en 2016, en rapport essentiellement avec le ralentissement observé dans les branches agriculture et BTP. Aux Comores, la croissance a accéléré, de 2,2% en 2016 à 3,0% en 2017, grâce, entre autres, à un contexte plus porteur à la suite de la crise énergétique, la relance de la demande et la reprise des investissements publics.
2) Prennent acte de l’état de la convergence des politiques macroéconomiques en 2017, marquée par une amélioration des performances, qui restent néanmoins en deçà des attentes.
Seuls 3 pays de la zone respectent tous les critères de premier rang en 2017, alors qu’aucun ne les respectait en 2016. Ils étaient cependant 7 à les avoir respectés en 2014. Dans l’UEMOA, la Guinée-Bissau, le Mali et le Sénégal respectent les 3 critères de premier rang, le Togo respecte les 2 critères liés à l’inflation et au solde budgétaire global, les autres pays respectent les 2 critères liés à l’inflation et à l’endettement.
Dans la CEMAC, 2 pays, la Guinée équatoriale et le Tchad, respectent 3 critères de convergence de premier rang en 2017. Le Cameroun et le Gabon respectent les critères relatifs à l’inflation et à l’endettement, tandis que le Centrafrique respecte aussi 2 critères, ceux afférant au solde budgétaire et à l’endettement.
Le Congo respecte également 2 critères, ceux portant sur l’inflation et le solde budgétaire. Les Comores respectent quant à elles 2 critères sur quatre, ceux de l’inflation et de la dette publique.
Le critère du solde budgétaire est respecté par 8 pays de la zone franc en 2017 : il s’agit de la Guinée-Bissau, du Mali, du Sénégal et du Togo dans l’UEMOA et du Centrafrique, de la Guinée équatoriale, du Congo et du Tchad dans la CEMAC.
Dans l’UEMOA, le déficit budgétaire global -dons inclus- est resté stable en 2017 à -4,3% du PIB contre - 4,2% du PIB en 2016.
Dans la CEMAC, le solde budgétaire de référence, nouvellement introduit, est au seuil de la norme communautaire -1,5% du PIB. Aux Comores, la cible de solde budgétaire de base n’est pas respectée malgré une réduction du déficit du solde budgétaire 4% du PIB en 2017 contre 7,7% en 2016-.
14 pays de la zone franc ont respecté le critère lié à l’inflation en 2017. Au niveau de l’UEMOA, le taux d’inflation s’est élevé à 0,8% en 2017, après 0,3% en 2016. Cette évolution est principalement liée à la hausse des prix des produits alimentaires. Tous les Etats de l’UEMOA ont ainsi affiché un taux d’inflation inférieur au plafond communautaire fixé à 3%. Dans la CEMAC, le taux d’inflation a reculé à 0,9% en 2017 contre 1,2% en 2016, en raison essentiellement de la faiblesse de la demande intérieure et de l’amélioration de l’offre des produits vivriers et céréaliers dans les principaux bassins de production.
Tous les pays de la CEMAC ont respecté ce critère de convergence, à l’exception du Centrafrique pour laquel le taux d’inflation s’est élevé à 4,2% en lien avec l’insécurité sur les voies d’approvisionnement. Aux Comores, le taux d’inflation ralentit pour atteindre 1% après un taux de 1,9% en 2016. Ce ralentissement s’explique par le recul des prix des fonctions "Logement, eau, électricité, gaz et autres combustibles", " Transport" et "Communication", qui constituent une part conséquente du panier du ménage comorien. Le critère d’endettement public a été respecté par l’ensemble des Etats de la zone franc à l’exception du Togo et du Congo.
Au sein de l’UEMOA, le ratio de l’encours de dette intérieure et extérieure sur le PIB nominal a progressé, passant de 43,8% en 2016 à 44,1% en 2017. Dans la CEMAC, l’endettement public a diminué, passant de 51,6 % du PIB en 2016 à 49,5% du PIB en 2017.
Dans l’Union des Comores, le niveau d’endettement a baissé passant de 31,7% du PIB en 2016 à 28,4% du PIB en 2017. Par ailleurs, le poids du service de la dette est particulièrement élevé dans de nombreux pays. Tous les pays de la CEMAC ont accumulé des arriérés extérieurs ou intérieurs en 2017 en raison des difficultés budgétaires et de trésorerie induites par la dégradation de la situation macroéconomique. Aux Comores, des arriérés sur le service de la dette extérieure ont également été observés en 2017.
3) Relèvent que les prévisions macroéconomiques pour 2018 demeurent contrastées entre les régions de la zone franc et conviennent dans ce contexte de tout mettre en œuvre pour renforcer la convergence.
Dans l’UEMOA, la croissance pourrait atteindre 6,8% en 2018, portée par une amélioration des performances dans la plupart des secteurs. Les déficits budgétaires devraient se réduire en 2018 : le solde budgétaire global passerait ainsi de -4,2% du PIB en 2017 à -3,9% du PIB en 2018 sous l’effet d’une importante hausse des recettes fiscales de 13,4%. De la même façon, l’endettement public augmenterait pour s’établir à 44,7% du PIB, contre 44,1% en 2017. L’inflation devrait rester modérée, ce au regard des perspectives de production du secteur agricole et de l’évolution à la baisse des cours sur le marché international.
Dans la CEMAC, les perspectives pour l’année 2018 sont plus favorables, grâce principalement à l’amélioration des termes de l’échange, la mise en œuvre des réformes prévues dans le cadre du programme des réformes économiques et financières de la CEMAC -PREF-CEMAC-, et la poursuite de la mise en œuvre des programmes conclus par les pays avec le FMI. Ainsi, la croissance repartirait à la hausse pour atteindre 1,7 % en 2018 en relation avec le dynamisme du secteur pétrolier au Congo et au Tchad et des branches agriculture, industries et services marchands dans bon nombre de pays. L’inflation resterait faible à 1,6%, sous le seuil communautaire. La résorption du déficit budgétaire, base engagement, hors dons, se poursuivrait. Le solde budgétaire global hors dons pourrait même être positif à +0,2 % du PIB après avoir été négatif en 2017 soit -3,7 % du PIB. Enfin, aux Comores, la croissance devrait continuer d’évoluer à la hausse et dépasser les 3% en 2018 grâce notamment à un vaste programme d’investissements, une relance de la consommation privée et une bonne tenue des produits de rentes.
Des risques pèsent sur ces perspectives : aléas climatiques compte tenu de la prépondérance du secteur primaire dans l’activité économique des États membres, risque de dégradation de l’environnement international, de la conjoncture économique du Nigéria et risque sécuritaire.
Si les déficits budgétaires au niveau de l’ensemble de la zone franc se sont réduits, ils se sont néanmoins creusés dans certains Etats, les dettes publiques ont progressé et certains pays ont accumulé des arriérés de paiement. Des mesures contribuant à résorber ces déséquilibres sont indispensables, et leur mise en œuvre urgente, pour renforcer la stabilité financière de la zone franc et contribuer à la convergence budgétaire nécessaire au bon fonctionnement des unions économiques et monétaires, en tenant compte de la situation sécuritaire des Etats.
Le 8 octobre 2018