Ce lundi 2 janvier 2017 voit s’ouvrir au tribunal de grande instance de Paris – TGI de Paris – le 1er procès en France dans l’affaire dite des biens mal acquis.
Agé de 47 ans, Teodorin Obiang Nguema Mbasogo, le fils du président de Guinée équatoriale, est poursuivi, notamment pour détournement de fonds publics et corruption.
Teodorin Obiang Nguema Mbasogo, vice-président de la Guinée équatoriale, est accusé de s’être constitué, en France, un patrimoine colossal en détournant l’argent public de la Guinée équatoriale.
L'affaire dite des "biens mal acquis" touche notamment : Angola, Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon et République démocratique du Congo depuis 10 années.
C’est en 2007 que l'affaire des biens mal acquis débute. L'organisation CCFD-Terre Solidaire rend public un rapport explosif dans lequel est listé les avoirs présumés, détournés par plus de 30 dirigeants de pays en développement ou par leurs proches.
En mars 2007, les associations Sherpa, Survie et la fédération des congolais de la diaspora déposent plainte devant le procureur contre les familles dirigeantes de l’Angola, du Burkina, du Congo-Brazzaville, de Guinée équatoriale et du Gabon.Le parquet dépendant du ministère de la justice classe l'affaire sans suite. Les associations estiment qu’il s’agit d’une manœuvre politique. La France ne veut pas mettre en difficulté ses partenaires africains.
En 2008, Sherpa et Transparency International adoptent une nouvelle stratégie en se constituant parties civiles. En clair : elles estiment avoir subi un préjudice. Les ONG veulent que l'affaire soit désormais gérée par un juge d'instruction, censé être indépendant. L'enjeu est de savoir si elles sont compétentes pour déposer une plainte en matière de corruption. L'affaire va jusqu'en Cour de cassation.
En novembre 2010, pour la première fois, les juges estiment qu'une association luttant contre la corruption peut faire une action en justice au nom de cette lutte. Voici ! les enquêtes commencent. Des biens appartenant aux clans Obiang Nguema Mbasogo, Bongo Ondimba ou encore Sassou-Nguesso sont saisis au fil des années.
Le procès du vice-président de la Guinée équatoriale est une conséquence directe de cet arrêt de 2010 qualifié d'historique par les associations. Depuis, Teodorin Obiang Nguema Mbasogo a multiplié les actions pour échapper à la justice de la république française, invoquant son statut de vice-président de la Guinée équatoriale et l'immunité qui en découle.
Il s'est même tourné vers la cour pénale internationale, -CPI- invoquant que ses biens en France relevaient du "patrimoine diplomatique" de la Guinée équatoriale. La décision ne sera rendue que dans plusieurs mois. Mais c'est à titre personnel qu'il est accusé de s'être constitué son patrimoine.
Un hôtel particulier de 4 000 m² avenue Foch dans le 16e arrondissement de Paris avec robinets couverts de feuilles d'or et une collection de 17 voitures de luxe. "On est très loin des locaux d'une ambassade. On est plutôt dans un lieu, certains disent de débauche" a déclaré Maitre William Bourdon.
A la lecture des réquisitions du parquet de Paris, 110 millions d'euros sont venus créditer le compte de Teodorin Obiang, en provenance du Trésor public de la Guinée équatoriale entre 2004 et 2011. Teodorin Obiang Nguema Mbasogo devra répondre d'abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics, d'abus de confiance et de corruption. Un procès pour l'exemple car il y a très peu de chance pour que Teodorin Obiang Nguema Mbasogo se présente physiquement à l'audience. Son avocat, Me Emmanuel Marsigny, argue que sa fortune a été acquise tout à fait légalement. Et il soutient que la justice française n'a pas qualité à agir et dénonce une "ingérence".
"La souveraineté d'un Etat, ce n'est pas l'irresponsabilité juridique de ses dirigeants, de ses ministres et des membres du clan qui se vautrent dans la mangeoire ouverte du fait de ces détournements", réplique pour sa part Maitre William Bourdon.
Vers un procès du clan Sassou-Nguesso ?
C'est le premier procès français dans l'affaire des biens mal acquis. Actuellement 3 présidents africains sont donc visés par des enquêtes en cours. En septembre 2015, deux propriétés du clan de Denis Sassou-Nguesso, président de la république du Congo Brazzaville, avaient été saisies. Maître William Bourdon, avocat de Transparency International et président de Sherpa croit qu'un procès est possible dans cette affaire. "Les choses devraient connaître techniquement une évolution dans les prochains mois".
Il y a eu une première phase d'identification des biens en France, ensuite la détermination du fait que pour partie, ces biens ont été financés par des flux douteux voire illicites. Les mesures de saisies sont en train de s'achever. Donc la séquence qui doit suivre ce doit être évidemment de demander des explications aux personnes qui auraient bénéficiaires de ces financements et ça peut conduire à des auditions dans les prochains mois. Evidemment, il y aura des batailles menées par les avocats pour essayer de retarder, de paralyser, d'étirer la procédure jusqu'à la nausée. Donc un procès du clan Sassou-Nguesso me paraît envisageable dans la perspective de deux ou trois ans".
Pour sa part Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, l'avocat de l'Etat du Congo, on est encore loin du procès. "L'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel précise que les chefs d'Etat sont exclus de toute poursuite", explique-t-il. Ensuite Me Jean-Pierre Versini-Campinchi souligne, que les perquisitions qui ont eu lieu font état "d’un appartement classique à Paris ou d'une maison en grande banlieue parisienne. Ça n'a aucun rapport avec la liste des achats qu'ont pu faire Obiang ! On est dans un autre monde".
En clair "Obiang Nguema Mbasogo et Sassou-Nguesso ne jouent pas dans la même cour" Affaire à suivre….
Le 2 janvier 2017