- Excellence Monsieur le Secrétaire Général de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement,
- Excellences, Distinguées Personnalités,
- Mesdames, Messieurs,
La ville de Genève nous accueille aujourd’hui pour célébrer les 10 ans du Forum Mondial pour l’Investissement, plateforme de haut niveau qui offre un cadre exceptionnel aux partenaires internationaux pour dialoguer et réfléchir ensemble sur la manière de rendre l’investissement toujours plus efficient et véritablement catalyseur de développement. Il nous est proposé de réfléchir ensemble sur un thème qui est de réelle actualité : Investir dans le développement durable. Nous sommes appelés à promouvoir "un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre à leurs propres besoins". Les objectifs fondamentaux du développement durable sont l’équité entre les nations, les générations et les individus, l’intégrité écologique et l’efficacité économique. Et, dans le contexte de cette ère nouvelle de globalisation et d’industrialisation, ce thème est un appel à une prise de conscience individuelle et collective des leaders que nous sommes dans un monde actuel qui vit une industrialisation fortement corrélée à la révolution technologique.
Le cadre global du développement durable, ce sont les 17 objectifs de développement durable -ODD- qui doivent contribuer à réduire les inégalités et à résorber les écarts qui nourrissent les tensions et les conflits tels que l’a vécu mon pays, la République centrafricaine. En effet, la RCA émerge d’un long cycle de crises marquées par des pics de violence qui ont ébranlé les fondements de L’État et détruit l’infrastructure économique. A ce jour, environ 80% de mes compatriotes vivent en dessous du seuil de pauvreté, 50% de la population a besoin d’assistance humanitaire, 1 centrafricain sur 5 est déplacé ou réfugié, plus de la moitié des structures de santé sont inopérantes, 2% des centrafricains ont accès à l’eau potable et près de trois-quarts d’entre eux sont en situation de chômage ou de sous-emplois.
Ainsi, pour nous, investir dans le développement durable en République centrafricaine, c’est assurer que la pauvreté recule, que la faim soit vaincue, que les soins de santé soient accessibles, que l’éducation ait la meilleure qualité possible, que l’accès à l’eau potable devienne une réalité pour le grand nombre, que les ressources naturelles soient rationnellement exploitées, que l’écosystème préserve son équilibre et que l’infrastructure économique soit protégée et développée pour produire davantage de richesses.
Naturellement, le socle de tous ces efforts reste l’engagement à renforcer la gouvernance, à consolider la paix, à soutenir la stabilisation et la résilience des communautés, à garantir une gestion durable des ressources naturelles. Cela requiert que nous veillions à l’efficacité des institutions publiques pour garantir les principes d’équité et de juste redistribution de la richesse nationale. C’est aussi de cette matière que nous pouvons être de réel attrait pour drainer des capitaux et les investissements directs étrangers -IDE- qui ne représentaient que 17 millions de dollars en 2017.
Mû par la triple ambition pour mon pays de gagner le pari de la paix et de la sécurité ; de réconcilier les centrafricains de tous les horizons et relancer la machine économique, les pays en développement sans littoral comme la RCA, sont traditionnellement des destinations marginales pour les investissements en raison de la petite taille de leurs marchés et des désavantages géographiques inhérents à leur localisation. Cette situation est souvent aggravée par la médiocrité des infrastructures, les coûts de transport élevés, les systèmes logistiques inefficaces et les faibles capacités institutionnelles. Mais je suis venu à Genève vous parler des opportunités d’investissements en RCA et dire que nos faiblesses peuvent être transformées en atouts pour un développement inclusif et une prospérité partagée.
Le secteur de l’agriculture, l’élevage et la pêche représente un vivier considérable d’opportunités d’investissement. Il contribue pour plus de la moitié au Produit Intérieur Brut et occupe environ 80% des personnes actives. Avec des terres arables fertiles et grâce à un climat favorable :
Le potentiel agricole est évalué à environ 15 millions d’hectares, une pluviométrie abondante ainsi qu’un réseau hydrographique important et dense, l’agriculture offre des perspectives de rentabilité exceptionnelle en RCA dans les filières de l’agriculture biologique, les filières de fruits, des légumes, des oléagineux et de l’arachide.
La RCA étant située dans une sous-région à forte activité pastorale, le développement d’une filière complète lait-viande avec toute l’infrastructure de transformation et de conservation, représente une source de valeur ajoutée substantielle en faisant de la RCA une plateforme sous régionale en produits de l’élevage.
La pêche et la pisciculture constituent également des secteurs à fort potentiel de rentabilité dans notre pays doté d’un bassin hydrographique généreux qui dépend de deux bassins -oubanguien au sud et tchadien au nord- répartis sur toute l’étendue du territoire.
Là où l’investissement dans ces secteurs représente une opportunité d’affaires, c’est lorsque l’on se place dans une perspective de transformation de ces produits, pour créer de la valeur ajoutée et approvisionner la sous-région qui constitue un marché rémunérateur. Par ailleurs, la promotion de ces secteurs contribue à lutter contre la pauvreté -ODD 1- et la faim -ODD 2-.
La santé est un autre domaine d’investissement important. C’est aussi un secteur auquel les investisseurs privés peuvent assurer un excellent retour sur investissement sur un horizon plutôt court. Il est essentiel de pouvoir créer une structure de santé de référence en République Centrafricaine pour améliorer la prise en charge de certaines pathologies et introduire les techniques appropriées afin de traiter certaines maladies qui ne sont pas actuellement en RCA. Nous ne saurions baser nos perspectives de développement sans mettre un accent particulier sur la santé et le bien-être de nos concitoyens. Ce secteur nécessite l’intervention d’acteurs privés dont les capitaux peuvent être canalisés dans le cadre d’un partenariat public-privé, complété par un mécanisme efficient d’assurance-maladie et de protection sociale -ODD 3-.
Sur le plan des énergies, alors que les coûts des barrages hydroélectriques sont importants, nous avons besoin de deux barrages dans les meilleurs délais en formule partenariat-public-privé afin d’améliorer l’offre en énergies aux ménages et les services aux investisseurs. Toutefois, il existe des alternatives qui peuvent être mises en œuvre comme l’investissement dans les énergies propres et renouvelables qui d’ailleurs est fort bien rentable. En cela, pour le Gouvernement centrafricain, il faut travailler à la production d’énergie propre par la construction de centrales photovoltaïques et la mise en place d’un service de fourniture d’énergie électrique hors réseau,en offrant une énergie de qualité à coût abordable aux foyers centrafricains, sur une base élargie et à hauteur de ce que permet la bourse de chacun -ODD - Il serait dès lors possible de mieux gérer l’énergie disponible en améliorant la fourniture électrique aux opérateurs industriels et en commençant à réduire la pollution induite par l’usage étendu des groupes électrogènes.
Sur le plan des infrastructures de désenclavement, aux côtés des efforts publics, je lance un appel aux investisseurs pour travailler sur la mise en place d’un plan qui puisse améliorer la navigabilité du fleuve Oubangui, afin de relier la plateforme logistique de Bangui aux ports du Congo et de la République Démocratique du Congo -RDC-, contribuant ainsi à diversifier les voies d’approvisionnement du pays et à une meilleure maîtrise des coûts de revient -ODD 9-.
En outre, nous voulons discuter avec les investisseurs sur l’opportunité d’orienter des capitaux dans l’industrie du recyclage et de la gestion des déchets, un secteur qui combinent plusieurs ODD. Ce secteur encore inexploité en RCA peut s’avérer être une niche économique de grande valeur.
Vous n’êtes pas sans savoir que la République centrafricaine à la réputation d’être généreusement dotée en ressources naturelles et minières. Mais ma conviction est que pour réussir la transformation structurelle de l’économie centrafricaine qui fait partie des moins avancées, il nous faut miser sur les secteurs non extractifs, afin d’encourager la création d’emplois, la diversification de la production et des exportations.
Aussi, je veux que nous puissions avoir un dialogue sur les options que nous pourrions envisager de réaliser nos ambitions de développement en optimisant le temps et les ressources. Pour cela, à l’ère de la mondialisation et de la fulgurante expansion des nouvelles technologies, les investisseurs sont invités à explorer le champ vierge de la RCA.
Je demeure persuadé que grâce aux technologies, en recourant aux applications de l’intelligence artificielles, nous serons en mesure d’améliorer nos performances dans plusieurs domaines. Avec les progrès aujourd’hui assurés, les technologies modernes nous permettraient de meilleures prestations dans les domaines de la santé avec les données géo référencées pouvant faciliter la distribution de médicaments ou une meilleure prise en charge des maladies, pandémies et autres urgences. De la même manière, les possibilités offertes par l’impression 3D nous permettrait de produire des prothèses sur mesure, sur place et à coûts réduits. De plus, les expériences observées ici et là indiquent combien les nouvelles technologies peuvent améliorer les rendements agricoles et la gestion de l’eau, ainsi que l’usage que l’on peut en faire utilement pour accroître la production des troupeaux ainsi que l’efficience dans la gestion des camps des personnes déplacées ou réfugiées.
Pour clore mon propos, je voudrais manifester le vif intérêt et le souhait de la RCA de poursuivre cette discussion à Bangui. Ainsi, je sollicite le secrétaire général de la CNUCED d’analyser favorablement la faisabilité en assurant la présence d’investisseurs.
Le but de cette rencontre sera de voir réellement la meilleure voie à emprunter et les défis à relever pour faire de l’investissement direct un levier ayant un effet accélérateur sur la dynamique de reconstruction d’un pays en sortie de crise comme la RCA.
Je vous remercie pour votre aimable attention.
Genève le 23 octobre 2018