Marie-Thérèse Keita Bocoum a toutefois regretté les récents affrontements à Bria et à Ndenga près de Kaga Bandoro entre les anciens Seleka et anti-Balaka, qui "ont eu des conséquences dramatiques sur les civils dont plusieurs ont perdu la vie et dont les habitations ont été détruites".
A cet égard, elle s’est dite indignée par l’assassinat des trois journalistes russes le 30 juillet 2018 près de Sibut. Sans oublier le sort tragique réservé à un défenseur des droits de l’homme et d’un enseignant le 22 août 2018 à Mboki, par des éléments armés non identifiés. Dans ce contexte, elle a prié les autorités centrafricaines de "renforcer l’efficacité des mécanismes de lutte contre l’impunité, forts et indépendants, afin d’enquêter, de poursuivre et condamner les auteurs de ces crimes atroces".
De façon générale, l’Experte onusienne a indiqué que la situation des droits de l’homme s’est illustrée "par une activité constante des groupes armés menant des attaques contre les civils, une autorité étatique encore trop faible, l’impunité dominante, des cas de discrimination fondée sur l’ethnie et la religion, une fragmentation sociale et la marginalisation de certaines populations, notamment dans l’Est et le Nord du pays". Mais à l’inverse de la tendance à la violence croissante observée depuis juillet 2017, la situation des droits humains dans l’ensemble du pays semble pourtant s’améliorer les derniers mois, "bien que des affrontements sporadiques de groupes armés continuent d’affecter la protection des civils".
L’autre source de préoccupation relevée par l’Experte onusienne a trait à "l’incitation publique à la violence et au discours de haine par les médias et d’autres plateformes de communication traditionnelles". "Une incitation qui est devenue une préoccupation majeure, plaçant la religion et l’ethnie à la source des violences et mettant en danger une cohésion sociale déjà fragile", a-t-elle fait remarquer.
L’experte invite les groupes armés à s’engager réellement dans l’initiative de paix africaine.
Dans ces conditions, Mme Keita Bocoum estime que la situation des droits de l’homme pourrait s’améliorer dans les mois à venir, "si les groupes armés s’engageaient réellement dans le cadre de l’initiative de paix africaine et des accords de paix locaux". "Leur sincérité au regard de la cessation des hostilités et de la protection des civils, permettrait de faire émerger des opportunités économiques, tout en créant un climat propice aux options de justice transitionnelle, notamment en matière de désarmement, de réparations collectives et d’initiatives de poursuites", a-t-elle ajouté. Marie-Thérèse Keita Bocoum@eo
Dans ce vaste chantier du renouveau et de la reconstruction en Centrafrique, Mme Keita Bocoum a aussi mis l’accent sur des progrès en matière de justice comme la promulgation et la publication du règlement de preuves et des procédures de la Cour pénale spéciale, qui marquent officiellement le démarrage des travaux judiciaires de cet organe. Elle a fait état de la récente session d’assises criminelles, clôturée le 31 août 2018 qui a permis d’étudier 15 affaires concernant 32 accusés parmi lesquels une femme et 5 mineurs pour des crimes de sang, d’atteinte à la paix et à l’ordre public et de violences sexuelles.
D’autre part, l’Experte indépendante a rappelé sa recommandation aux Etats de continuer le financement de la Cour spéciale tout en garantissant le soutien aux 28 juridictions ordinaires aux défis colossaux. Dans cet esprit, elle a appelé à contribuer au fonds pour les victimes de la Cour pénale internationale dans le cadre du procès de Jean-Pierre Bemba, et à mettre en place d’autres fonds d’assistance aux victimes et des juridictions nationales.
La réconciliation doit rejeter une absolution des auteurs des graves violations des droits de l’homme.
Une façon de rappeler que "le peuple centrafricain ne veut plus entendre parler d’impunité". "J’appelle ici toutes celles et ceux qui se sentent concernés et engagés dans la résolution de la crise, à écouter la population en vue de mettre fin définitivement aux violences et promouvoir la paix durable et le développement social et économique de la République centrafricaine", a-t-elle déclaré tout en insistant sur l’urgence "de donner aux centrafricains le droit d’écrire leur histoire et de connaître la vérité". "Les craintes des victimes de venir témoigner devraient être effacées le plus rapidement, en créant des conditions préalables au témoignage en toute sécurité", a-t-elle fait remarquer.
De son côté, la délégation de la République centrafricaine a déploré le fait que les auteurs des assassinats, crimes et autres ainsi que leurs commanditaires sont connus et ne se cachent pas. "Il ne fait aucun doute que toutes les forces internationales déployées en Centrafrique peuvent et doivent contrer et arrêter ces flambées de violences et d’assassinats à répétions", a martelé le Représentant permanent du Centrafrique auprès de l’ONU à Genève.
Par ailleurs, l’ambassadeur centrafricain a ajouté que « toute initiative de paix et de réconciliation doit intégrer le refus du peuple souverain de Centrafrique exprimé lors du forum de Bangui en mai 2015". Tout plan "doit rejeter une absolution des auteurs, co-auteurs, complices, tant nationaux qu’étrangers de ces graves violations des droits de l’homme", a conclu l’ambassadeur Léopold Ismael Samba.
Le 29 septembre 2018