Discours du Président de la république du Centrafrique, Faustin-Archange Touadera,
à l'occasion de la 9e réunion du groupe international de contact sur le Centrafrique (GIC-RCA)
Hôtel Ledger de Bangui
Faustin-Archange Touadera président de la république du Centrafrique @pr
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale
Monsieur le Premier Ministre Chef, du Gouvernement
Mesdames et Messieurs les Ministres et Chefs de délégations,
Monsieur le Représentant Spécial de la Présidente de la Commission de l’Union africaine ;
Monsieur le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies,
Monsieur le Représentant de l’Union européenne,
Monsieur le Représentant de l’Organisation Internationale de la Francophonie,
Monsieur le Représentant de la CEEAC,
Monsieur le Représentant de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL)
Monsieur le Représentant de la Banque Mondiale,
Monsieur le Représentant de la Banque africaine de Développement (BAD),
Monsieur les Ambassadeurs et Chef de Mission diplomatique
Distingués invités, Mesdames et Messieurs.
Nul ne peut oublier les conséquences dramatiques de la crise militaro-politique de 2012/2013 dont les populations centrafricaines continuent de vivre les conséquences psychologiques. Cette situation dramatique ne doit en aucun cas annihiler les capacités des centrafricains à se surpasser en vue de reprendre en main leur destinée.
Je me souviens encore des moments extrêmement difficiles des crimes les plus atroces, de la destruction des fondements de notre économie et de la liquidation de ce qui reste d’un État. Les cris de détresse de la société civile au niveau national et international, ont permis une prise de conscience dans les plus hautes instances internationales. Puisqu’il s’agit de sauver un peuple en détresse.
Je me souviens de la réaction des amis de la République Centrafricaine, ceux qui ont refusé de voir mon pays être rayé de la carte du monde, se sont mobilisés pour sauver ces populations meurtries et soutenir les efforts de reconquête de la cohésion nationale, du vivre ensemble entre des communautés qui ont toujours coexisté dans la paix et la concorde.
Je me souviens de la France, qui au plus fort de la crise, a décidé de répondre aux cris de détresse du peuple centrafricain, en envoyant ses forces spéciales au prix de sacrifice suprême, pour protéger les populations abandonnées à leur triste sort.
Je me souviens encore de l’Union africaine, de la CEMAC et de la CEEAC, qui se sont manifestés pour dire non ! Ça suffit. Cette solidarité africaine a ouvert la voie à une nouvelle vision de l’Afrique. Les africains doivent être capables de régler leurs problèmes par eux-mêmes.
Je me souviens enfin de cette générosité extraordinaire au moment où mon pays a été le théâtre d’une crise grave, la communauté internationale à travers l’Organisation des Nations Unies (ONU), sans oublier le rôle déterminant de son Secrétaire Général, Monsieur Ban Ki Moon, l’Union européenne (UE), la Francophonie, la Banque mondiale, la Banque africaine de Développement (BAD), l’Agence française de Développement (AFD), la CEMAC, la CEEAC, les pays comme la France, les États Unis d’Amérique, le Congo Brazzaville, l’Angola, la Guinée Équatoriale, le Cameroun, le Tchad, le Soudan, la Chine qui ont témoigné de leurs soutiens financiers et matériels pour atténuer les souffrances du peuple centrafricain.
Comment ne pas témoigner de la gratitude particulière à Son Excellence Monsieur Denis Sassou-Nguesso, Médiateur international sur les crises centrafricaines pour son engagement inconditionnel et sa disponibilité totale pour la cause centrafricaine. Mes remerciements s’adressent aussi à mes frères, leurs Excellences Messieurs, Idriss Déby-Itno Président de la République du Tchad, Théodoro Obiang Nguema Mbasogo , Président de la République de la Guinée Equatoriale, Ali Bongo, Président de la République du Gabon, Paul Biya, Président de la République du Cameroun, Edouardo Dos Santos, de la République d’Angola, Omar El Béchir, Président du Soudan qui n’ont cessé de soutenir les efforts de réconciliation entre les centrafricains.
Une mention spéciale à l’Union africaine qui a pris le leadership de la question centrafricaine avec la création du Groupe International de Contact sur la République centrafricaine (GIC RCA) pour conduire notre pays à la normalité constitutionnelle.
Comment ne pas reconnaitre les efforts du Gouvernement de Transition dirigé par Madame la Présidente de Transition, Madame Catherine Samba-Panza et les différents Premiers Ministres, ayant permis de créer les conditions idoines d’un retour à la paix, la recherche de la cohésion nationale dans un contexte où les ennemis de la paix ont voulu instrumentaliser cette crise en guerre confessionnelle
Mesdames et Messieurs,
Lorsqu’on regarde le chemin parcouru depuis les temps forts de la crise centrafricaine et les actions menées par la Communauté internationale, et quand bien même subsistent des incompréhensions, face à l’ampleur de la catastrophe, il me parait important de réaffirmer ici que mon pays demeure reconnaissant à tous ceux et toutes celles qui ont contribué à faire revivre l’espoir du peuple centrafricain.
Mesdames et Messieurs,
Les conclusions de la 8e réunion du Groupe International de Contact sur la République centrafricaine -GIC-RCA-, tenue à Addis-Abeba le 27 juillet 2015 portaient sur l’état d’avancement des différents engagements en rapport avec les quatre thématiques retenus, à savoir : la sécurité ; la politique et la gouvernance ; la relance économique et ; les questions humanitaires.
La 9e réunion du Groupe International de Contact sera le lieu de rendre compte à travers un bilan précis des réalisations et des contraintes, d’annoncer les défis ainsi que les perspectives qui s’imposent à nous.
Sur les questions sécuritaires
La dernière crise militaro-politique de mars 2013 avait réduit les capacités opérationnelles de nos Forces de Défense et de Sécurité.
Face à ces contraintes et défis, le Gouvernement centrafricain, avec l’appui de la Communauté Internationale, a procédé à des réformes et au renforcement des capacités opérationnelles des forces de défense et de sécurité et notamment depuis janvier 2014 la gestion des effectifs, la formation, la réhabilitation des infrastructures, l’équipement et le redéploiement des FACA.
Concomitamment, le Gouvernement a mis en place une Cellule de Suivi de la sanction prononcée contre la République centrafricaine, avec la facilitation de l’EUMAM-RCA. De même dans la recherche d’une paix durable, un dialogue permanent a été engagé avec les groupes armés.
Enfin, il a été créé au sein de la Présidence de la République, un comité stratégique et un comité technique du programme national de DDRR, de la RSS et de la réconciliation nationale en vue de la mise en œuvre du processus.
En outre, le Gouvernement a procédé en ce qui concerne les Forces de Sécurité Intérieure (FSI), à leur redéploiement sur l’ensemble du pays, la montée en puissance du Centre Opérationnel Commun de la Police et de la Gendarmerie en coordination avec les forces internationales, l’intensification des patrouilles à Bangui, l’opérationnalisation de l’Unité Mixte d’Intervention Rapide pour prévenir et lutter contre les violences faites aux groupes vulnérables, la réouverture de tous les commissariats et Brigades de Gendarmerie à Bangui et dans certaines provinces et l’exécution d’un vaste programme de formation.
Toutes ces actions ont amélioré de manière sensible la situation sécuritaire sur une partie du territoire national. Toutefois, les défis et contraintes à relever demeurent. Ceux-ci concernent la restauration de la sécurité et de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire, la levée de l’embargo qui limite les capacités des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et fait perdurer la faiblesse de leurs capacités opérationnelles, par manque d’équipements, d’infrastructures et d’effectifs appropriés.
Sur les questions humanitaires
En janvier 2014 l’on estimait à 902 000, le nombre de Personnes Déplacées Internes (PDI) répartis sur l’ensemble du territoire centrafricain, et le nombre des réfugiés dans les pays voisins à 250.000. Grâce à l’appui de la Communauté Internationale, ces populations en situation d’urgence ont pu bénéficier d’une assistance multisectorielle nécessaire à leur survie et ayant favorisé leur retour et leur réinsertion sociale.
A ce jour, bien que les évènements malheureux de septembre 2015 aient mis à rude épreuve les efforts du Gouvernement, on note une amélioration de la situation du fait d’une part de la maîtrise de la situation sécuritaire et d’autre part des actions de sensibilisation menées par différents acteurs. On estime à l’heure actuelle à 420 231 (PDI) vivant sur 105 sites dont 53 255 sur 29 sites à Bangui. Les Sites les plus importants en effectif étant celui de Batangafo au Nord, avec 30 390 PDI, suivi du Site de l’aéroport avec 28 031 PDI.
Pour l’amélioration de la situation, des mesures d’accompagnement sont prises, notamment, le démarrage des opérations de profilage et d’enregistrement des déplacés du site de l’aéroport Bangui MPoko en vue de sa fermeture en octobre prochain et l’aménagement d’un site temporaire (AVICOM), pour leur relocalisation, le démarrage des réunions transfrontalières pour les signatures des accords tripartites en vue du rapatriement des réfugiés, la signature de deux accords pour la construction de 400 logements sociaux sur financement marocain (100 logements) et Shelter Afrique (300 logements), la signature d’un arrêté interministériel pour la prise en charge holistique des victimes des violences basées sur le Genre et la poursuite des appuis en vivres et non vivre sur les sites des PDI.
Afin de préserver les acquis au plan humanitaire, le Gouvernement a procédé à la relance des activités de soins de Santé dans les formations sanitaires tant à Bangui qu’en provinces, à la réhabilitation sur l’ensemble du territoire. 60 médecins et 76 personnels paramédicaux ont été redéployés dans les 16 préfectures.
La Politique et la Gouvernance
Je voudrais rappeler que le processus électoral a été mené dans le respect des dispositions de la Charte Constitutionnelle de Transition, ce qui a permis au pays de revenir à la légalité constitutionnelle et de retrouver sa place dans le concert des Nations.
Les élections législatives et présidentielles ont été organisées sur toute l’étendue du territoire centrafricain et les principales Institutions de la République ont été mises en place, notamment l’investiture du Président de la République, chef de L’État et sa prestation de serment le 30 mars 2016, la nomination du Premier ministre, Chef du gouvernement le 2 avril 2016, la mise en place du gouvernement le 11 avril 2016, l’installation de l’Assemblée Nationale le 3 mai 2016 et l’adoption du Discours Programme du Premier ministre par les élus du peuple le 09 juin 2016.
En plus des efforts déployés par le Gouvernement en vue d’assurer le fonctionnement régulier des Cours et Tribunaux sur toute l’étendue du territoire, des dispositions sont prises pour rendre opérationnelle la Cour Pénale Spéciale.
En ce qui concerne la Réconciliation Nationale, une réflexion est en cours en vue de la mise en place de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation.
Je ne pourrais terminer ce point sur la gouvernance sans parler du redéploiement de l’administration publique que le Gouvernement poursuit si bien, sur toute l’étendue du territoire avec le concours de la Communauté Internationale.
Quant à la relance économique
La tenue des élections générales, l’amélioration sensible de la situation sécuritaire, le retour progressif du dialogue et de la cohésion sociale au sein des communautés et la reprise des activités économiques ont impacté positivement la situation économique et financière.
Aussi, le Gouvernement a maintenu le cap par la poursuite des réformes entreprises dans le cadre du relèvement des finances publiques, en particulier une mobilisation plus accrue des ressources domestiques et extérieures, la maîtrise des dépenses et la promotion de la gouvernance économique et financière.
Ces reformes concernent la mise en place effective de l'Agence Centrale et Comptable du Trésor, la lutte contre la fraude fiscale et douanière, le redéploiement des régies financières à l'intérieur du pays, le renforcement des capacités de la Brigade Mobile de Surveillance et son implication dans la sécurisation du corridor Bangui-Beloko et le renforcement des contrôles fiscaux des grandes entreprises.
Mesdames et Messieurs,
Je souhaite que les conclusions de cette réunion aboutissent à la mise en place d’un nouveau cadre de dialogue que j’appelle de tous mes vœux. Certes, les appuis multiformes apportés ont permis le retour à la paix et à la légalité constitutionnelle. La République centrafricaine a toujours besoin du soutien et de la solidarité de la Communauté internationale.
Vous conviendrez avec moi que la situation demeure fragile et précaire. Celle-ci nécessite un accompagnement soutenu de la Communauté internationale.
Le Centrafrique est sur la bonne voie. C’est pourquoi, je voudrais vous exhorter à consolider cette chaîne de solidarité pour non seulement pérenniser les acquis, mais aussi conduire le pays vers un avenir serein et prospère, à travers un cadre plus adapté à l’évolution de la situation.
Je ne saurais terminer mes propos sans rendre un hommage mérité à tous les amis de la RCA pour leur détermination dans la conduite des actions du GIC-RCA pour le retour de la paix et de la stabilité en République centrafricaine.
Je vous remercie
Bangui 24 et 25 aout 2016
Jean-Claude Gakosso ministre d'état des affaires étrangères du Congo et Faustin-Archange Touadera @pr