Faustin Archange Touadera, président de la république du Centrafrique et François Hollande président de la république française
Mesdames, Messieurs,
J’ai accueilli le Président de la République centrafricaine, Monsieur Touadera. C’était pour nous l’occasion, une fois encore, de le féliciter pour l’élection présidentielle dont il est sorti victorieux, qui a été une élection transparente, incontestable et qui a permis de montrer qu’en Afrique, il est possible, même après une période particulièrement tumultueuse, de réussir à organiser un scrutin qui ne crée pas de troubles et, au contraire, permet de rassembler.
Ce scrutin-là est un exemple parce que la Centrafrique, je le rappelle était dans une situation proche du chaos en décembre 2013. Il y avait des massacres, il y avait des crimes, il y avait des conflits interreligieux. Il a fallu que la France prenne ses responsabilités, c’est ce que j’avais décidé, avec nos amis africains, avec le soutien des Nations unies, pour que nous puissions mettre un terme à ces combats fratricides, à ces bandes armées qui se livraient aux pires exactions et pour qu’il puisse y avoir une transition.
Je veux d’ailleurs remercier la Présidente Samba-Panza, parce qu’elle a assumé cette responsabilité pendant toute cette période.
Il a fallu beaucoup de courage pour que nos forces armées, dans le cadre de Sangaris, pour que la Mission des Nations unies, la Minusca, pour que les Centrafricains eux-mêmes puissent se délivrer de ces tourments qui les divisaient et pour que nous puissions assurer un retour progressif vers la sécurité.
Je constate qu’un peu plus de deux ans après, il a été possible d’organiser une élection présidentielle et des élections législatives, avec tous les critères qui sont ceux d’une démocratie.
Deux ans et un peu plus, c’est un temps finalement court, quand on songe à ce qu’était la situation de la Centrafrique, quand on songe à ce qu’il y avait comme devoir de protection à assurer à la population, quand on songe à ce qu’était l’état de l’économie, c’est-à-dire finalement une Centrafrique qui ne parvenait plus à satisfaire les besoins de sa population.
Je rappelle qu’il y a eu des milliers de déplacés, 800 000, et 450 000 réfugiés, dont beaucoup sont encore dans les pays voisins, au Tchad, en RDC, au Cameroun.
Quand il y a une opération et qu’elle connait ce succès-là, je pense qu’il faut à la fois féliciter celles et ceux qui l’ont mise en œuvre. Je pense à notre armée. Je pense aussi à tout ce que nous avons pu faire au titre de la coopération civile, à cette relation que nous avons pu établir avec les autorités de transition. Il faut aussi en comprendre les raisons. C’est parce qu’il y a eu une mobilisation de la communauté internationale exceptionnelle, qui s’est traduite par la présence de la Minusca, mais qui s’est traduite aussi par la force européenne qui a été engagée. Parce que les centrafricains eux-mêmes ont été capables de dépasser ce qui les opposait.
Il y a eu aussi des gestes symboliques, ceux que vous avez accomplis, Monsieur le Président. La visite du Pape, qui a également contribué à apaiser la situation au moment des élections.
Et puis, il y a les Centrafricains qui ont exprimé une volonté, à travers votre élection, qui est de vivre en paix et de pouvoir engager un processus de réconciliation.
Par rapport à tous ceux qui s’interrogent toujours face aux interventions extérieures, notamment en Afrique, particulièrement en Centrafrique, nous avons montré que celle-là était différente de toutes les autres. Elle a permis d’avoir les résultats que je viens de saluer.
Néanmoins, il reste beaucoup à faire encore – c’est ce que le Président Touadera m’a dit – beaucoup à faire pour la sécurité, pour le désarmement d’un certain nombre de groupes, de tous les groupes d’ailleurs qui doivent être désarmés. C’est pourquoi Sangaris n’a plus de raison d’être au niveau que l’on a pu connaitre au début de l’opération. Je rappelle qu’il y a eu 2 000 soldats qui ont été à un moment présents en Centrafrique. Sangaris demeurera en Centrafrique, je vous l’assure. Nous ferons en sorte qu’il y ait, pour aider les forces centrafricaines, le soutien indispensable et la présence de nos militaires, au sein d’une mission européenne, pour vous accompagner dans la tâche d’encadrement et de formation de l’armée centrafricaine, qui est essentielle pour assurer la sécurité.
Et puis, il y a le développement économique. Là encore, la France sera présente à vos côtés, avec son aide budgétaire, avec les projets de l’Agence française de développement et avec l’Europe. Je veux saluer l’Europe, là aussi, on ne souligne pas suffisamment son rôle. L’Europe est capable, lorsqu’il y a des sujets graves, de montrer sa mobilisation. Les pays européens se sont engagés comme les institutions européennes. La force européenne devra jouer son rôle. D’ailleurs, l’opération Sangaris, d’une certaine façon, se prolongera à travers la force européenne.
Et puis, l’Europe doit également se mobiliser pour le développement économique. Il y aura dans les prochains mois - il faut prendre son temps, mais il faut être sûr que nous pourrons avoir un haut niveau de participation – une table-ronde à Bruxelles pour assurer l’aide indispensable et le soutien au développement économique de la Centrafrique, pour atteindre les objectifs qui ont été fixés par le Président Touadéra.
Je voudrais terminer pour dire que j’ai bien sûr aussi évoqué les scandales qui ont pu toucher la Minusca ou des éléments de l’armée française. La justice est saisie et rien ne sera laissé cacher ou occulté. La transparence, la vérité devront être établies, y compris pour l’honneur de l’armée française. S’il y a eu des accusations qui n’ont pas de fondement, on devra le savoir aussi. Mais si des cas sont établis, il n’y aura de la part de la justice française aucune impunité. Je vous l’assure.
Mais au-delà de ces cas-là, qui devaient être évoqués et ils l’ont été à mon initiative, je crois que ce qu’on doit saluer, c’est le succès. Le succès qui a été celui de cette opération. Le succès de la Centrafrique qui peut, à juste raison, malgré tous ses malheurs, malgré toutes ses difficultés, s’enorgueillir de ce processus qui a conduit à votre élection et à votre présence aujourd’hui, Monsieur le Président.
Sur le perron de l'Elysée
Le 20 avril 2016