Discours d'Abdou Karim Meckassoua, Président de l'Assemblée nationale
Karim Meckassoua, président de l'Assemblée nationale@pan
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;
Mesdames et Messieurs les Ministres ;
Madame et Messieurs les Présidents des Institutions de la République :
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de mission diplomatique et d’Organisations internationales ;
Monsieur le Président de la Délégation spéciale de la ville de Bangui ;
Honorables Députés ;
Distingués invités ;
Mesdames, Messieurs ;
En présence du Premier ministre Simplice Mathieu Sarandji @pan
La session extraordinaire de l’Assemblée nationale consacrée au vote de la loi des finances rectificative arrive à son terme.
Elle s’est déroulée dans un contexte national marqué par des faits d’une extrême gravité que notre Assemblée ne peut ignorer. Aussi, je tiens avant toutes choses à exprimer ma profonde consternation et ma non moins profonde tristesse face à la recrudescence des violences depuis le 10 septembre 2016, dans les localités de Kouango, NDomété et Kaga-Bandoro mais aussi, dans bien d’autres, avec le bilan catastrophique que nous connaissons : des dizaines de vies arrachées, des centaines de maisons incendiées et des milliers de nos compatriotes désormais sans abris et déplacés.
A la mémoire de toutes ces victimes innocentes lâchement assassinées, je vous prie, Mesdames et Messieurs, et chers collègues, de vous lever et d’observer une minute de silence.
Je vous remercie.
En plus de l’acte d’hommage que nous venons d’accomplir, je veux aussi, au nom de tous les élus de notre Nation, condamner avec la dernière rigueur ces actes barbares que continuent de perpétrer en toute impunité les hors-la-loi, qui se sont érigés en ennemis de notre peuple et de la démocratie.
Mais, je dois le redire, nous ne devons plus nous contenter de ces condamnations. L’heure doit être à l’action.
Encore une fois, au nom de la Représentation nationale, je demande solennellement au gouvernement et aux forces internationales de tout mettre en œuvre, d’abord pour protéger les populations civiles contre ces criminels et hors-la-loi, parfaitement connus des autorités. Je demande aussi, et tout aussi solennellement, aux autorités judiciaires de notre pays, aidées de toutes les forces de sécurité présentes sur notre sol, d’ouvrir une enquête afin de traduire ces criminels et ennemis de la paix devant la justice.
Mes chers collègues, Honorables députés,
Au cours de cette session, vous avez fait preuve d’une rigueur et d’une perspicacité remarquables, afin de donner au Gouvernement une loi de Finances qui cadre avec les priorités nationales. Cela dénote de votre haut sens de responsabilité et je tiens à vous en féliciter.
Au terme de ses travaux l’Assemblée nationale a adopté la loi de finances rectificative 2016 avec quelques amendements.
Les principales données sont les suivantes.
Les ressources prévues dans ce collectif budgétaire s’élèvent à :
Cent soixante-quatre milliards cent quatre-vingt-quatorze millions deux cent quatre mille 164 194 204 000 Fcfa
et les dépenses se chiffrent à : Deux cent neuf milliards trois cent quatre-vingt-un millions neuf cent cinq mille 209 381 905 000 Fcfa.
Le solde déficitaire est de : Quarante-cinq milliards cent quatre-vingt-sept millions sept cent un mille 45 187 701 000 Fcfa.
Point n’est besoin de rappeler que la mission de l’exécutif est de gouverner, et que celle de l’Assemblée nationale est de légiférer et de contrôler l’action et la politique du Gouvernement.
C’est précisément ce rôle que vous venez de jouer, à travers l’examen et l’adoption du Collectif Budgétaire 2016. Par cet acte, vous autorisez le Gouvernement à lever l’impôt et à effectuer des dépenses pour le reste de l’année 2016.
Monsieur le Ministre des finances et du budget, dans sa présentation, a fait état de la situation économique nationale en 2016. Selon lui, cette situation est caractérisée par une croissance économique qui est passée de 4,8% en 2015 à 5,2 %.
Ces chiffres sont incontestables. La croissance est bien en hausse. Reste qu’elle est encore insuffisante pour compenser la contraction de 2013 où le PIB a chuté à -37 %.
Les quelques évolutions positives enregistrées témoignent des efforts faits jusqu’à présent. Mais ce constat doit aussi agir sur nous comme un catalyseur, une incitation à fournir davantage d’efforts, et à rendre cet effort permanent, à l’instar des pays tels que la Sierra Léone, le Libéria, la Côte d’Ivoire qui ont connu des situations de crise et qui s’en sont sortis dans les premières années avec des taux de croissance plus élevés.
Le Gouvernement compte par ailleurs, nous a dit Monsieur le Ministre des finances et du budget, augmenter les recettes propres qui devraient se situer aux alentours de 8,1% du PIB, à travers une série de mesures administratives et réglementaires.
La Représentation nationale ne peut qu’encourager à aller dans le sens d’un effort accru de mobilisation des ressources intérieures.
Pour ce faire, le Gouvernement ne doit pas perdre de vue que la gestion des exonérations fiscales et douanières constitue l’un des repères du nouveau programme avec le Fonds Monétaire International (FMI) appuyé par la Facilité Elargie de Crédit (FEC).
Depuis plusieurs années, la structure des recettes de l’Etat présente des faiblesses résultant des exonérations. Cette situation qui perdure, ne permet pas à l’Etat de s’acquitter de ses obligations régaliennes et l’oblige à demeurer tributaire des appuis budgétaires extérieurs. Il faut inverser cette tendance.
Je m’en voudrais de clore cette rubrique, sans évoquer l’importante séance de travail que le Bureau de l’Assemblée nationale élargi au Président et au Vice-président de la Commission Economie, Finances et Plan a eue avec une délégation du Fonds Monétaire International (FMI) conduite par Monsieur Samir Jahjah, le 9 septembre 2016. La mission s’est entretenue avec les parlementaires sur le Programme financier appuyé par la Facilité Elargie de Crédit d’une part, et d’autre part, sur l’état d’avancement des préparatifs de la Table-ronde de Bruxelles.
S’agissant du Programme FEC, le Chef de mission du FMI a d’abord rappelé le soutien total de l’administration du Fonds au Gouvernement centrafricain.
La revue du Programme FEC prévue au mois d’octobre 2016 doit être concluante afin de donner un signal fort aux bailleurs de fonds et obtenir le deuxième décaissement de la FEC.
Cependant, et dans cette perspective, le Gouvernement doit :
- Se résoudre à ne contracter que des prêts concessionnels ;
- Traiter les créanciers de l’Etat équitablement ;
- Relancer le plan d’investissement.
Pour ce qui concerne les préparatifs de la Table-ronde de novembre 2016, la mission a noté avec regret l’absence totale d’un programme d’investissement qui soit cohérent avec le cadre macroéconomique triennal contenu dans le Mémorandum de politique économique élaboré à l’issue du Programme FEC.
Il est par ailleurs du devoir de la Représentation nationale, dans la perspective de la table-ronde de Bruxelles, d’attirer l’attention du Gouvernement sur deux points majeurs que sont :
• La faible capacité de consommation des crédits d’investissement et ;
• L’absence d’un programme d’investissement cohérent avec le cadre macroéconomique.
En effet, le caractère faible et marginal de l’investissement public devrait constituer un sujet de grande réflexion pour nous tous, car sans investissement une croissance ne saurait être durable. Les chiffres communiqués pour cette année 2016 sont éloquents : pour un montant de 13 milliards budgétisés pour les besoins d’investissement sur ressources intérieures, à peine 600 millions ont été dépensés en huit (8) mois d’exercice budgétaire, soit 4,6% de l’enveloppe globale.
Cela prouve que des goulots d’étranglement existent, tels que le retard dans l’élaboration des plans de passation des marchés, les problèmes de décaissements de fonds liés à la tension de trésorerie, la faible capacité d’absorption ou de réalisation, pour ne citer que ceux-là.
Il faudrait donc que des solutions idoines soient apportées assez rapidement dans la perspective de la Table-ronde de Bruxelles, où nous allons solliciter des financements pour nos projets de développement prioritaires : il est important d’envoyer des signaux positifs en matière d’investissement à tous les partenaires qui seront disposés à nous accompagner.
Je tiens, en outre, à réitérer à l’attention du Gouvernement quelques recommandations que j’ai enregistrées au cours des débats :
• Premièrement, la production dans les délais raisonnables du Compte Général de l’administration des Finances et du Compte de Gestion Principal de l’Etat en vue de rattraper les retards constatés dans l’adoption des lois de règlement ;
• Deuxièmement, le décaissement effectif des crédits de fonctionnement de toutes les institutions et départements ministériels pour leur permettre de remplir les missions qui leur sont assignées.
• Troisièmement, l’urgente nécessité d’élaborer et de soumettre à l’Assemblée nationale le projet de loi de finances et du budget de l’Etat pour l’exercice 2017 (afin d’éviter le recours aux douzièmes provisoires).
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;
Mesdames et Messieurs les Ministres ;
Madame et Messieurs les Présidents des Institutions de la République ;
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de mission diplomatique et d’Organisations internationales ;
Monsieur le Président de la Délégation spéciale de la ville de Bangui ;
Honorables Députés ;
Distingués invités ;
Mesdames, Messieurs ;
Avant de terminer mon propos je voudrais porter à votre connaissance une information de la plus haute importance. En effet, l’Assemblée nationale de la République centrafricaine vient d’être honorée en étant désignée pour abriter, du 19 au 21 octobre 2016, la prochaine Réunion régionale de l’Assemblée paritaire ACP-UE. Organiser une telle rencontre dans un délai si contraignant alors que nous venons à peine d’être élus, est à la fois, pour nous, une grande marque de confiance, surtout qu’elle permettra de donner plus de visibilité à notre pays, et un grand défi d’organisation à relever. Cette réunion constitue aussi, à nos yeux, une opportunité à saisir pour commencer à plaider la cause de notre pays et de son relèvement dans la perspective de la Table-ronde de Bruxelles.
Le service d'action extérieure de l'Union européenne (EEAS) qui gère la sécurité des Députés et du personnel au parlement de Bruxelles a formulé un certain nombre d’exigences très contraignantes en matière de sécurité.
La Représentation nationale voudrait saisir cette occasion pour exprimer toute sa gratitude à la MINUSCA qui a pu présenter un plan tel que l’exigeait le Service d’action extérieure et qui nous a permis d’avoir son accord.
C’est aussi le lieu d’exprimer notre reconnaissance à Monsieur l’ambassadeur de l’Union Européenne pour sa disponibilité et ses conseils qui nous ont aidés à aller de l’avant.
Pour réussir ce rendez-vous, je sais pouvoir aussi et surtout, compter sur l’investissement des députés et de toute l’équipe du cabinet et du secrétariat général de l’Assemblée nationale. Mais je voudrais aussi pouvoir compter sur la pleine coopération du gouvernement, que j’appelle
de tous mes vœux.
Je déclare close la 4e session extraordinaire de l’Assemblée nationale.
Je vous remercie.
Le 26 septembre 2016