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Bangui : ouverture de la 2e session ordinaire de l'année législative 2018
Intervention d'Abdou Karim Meckassoua président de l'Assemblée nationale
- Monsieur le Premier ministre, chef du gouvernement,
- Madame et Messieurs les Chefs des institutions Républicaines,
- Mesdames et Messieurs les Ministres,
- Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, Chefs de Missions diplomatiques et Représentants des organisations internationales,
- Messieurs les Présidents et Procureurs Généraux des Cours,
- Monsieur le Président de la délégation spéciale de la Ville de Bangui,
- Madame, Messieurs les Présidents des Partis Politiques et les secrétaires généraux des centrales syndicales,
- Distingués invités,
- Honorables députés et chers collègues,
Abdoul Karim Meckassoua@pan
Le retour des Élus du peuple à l'hémicycle, lieu privilégié du débat démocratique, après des mois passés auprès de leurs électeurs, est un moment propice pour renouer avec l'activité la plus importante de leur mandat, à savoir le vote des lois et le contrôle de l’action du gouvernement.
Le travail parlementaire ne trouve son sens et n'atteint sa véritable finalité que dans une judicieuse programmation entre les mois d'intersession consacrés aux contacts avec les électeurs dont la majorité vit dans les provinces et les deux sessions ordinaires à l'hémicycle à Bangui. A cela peuvent parfois s'ajouter des sessions extraordinaires de courte durée !
Aussi, voudrais-je féliciter tous nos collègues qui ont eu l’opportunité, au cours de cette année, de réaliser un tel programme, malgré la situation d'insécurité encore présente dans la plupart de nos régions.
Me tournant vers toutes celles et tous ceux que les situations d’insécurité ou les raisons de santé ont empêché d'aller rencontrer leurs électeurs, je les encourage à espérer des lendemains meilleurs pour leurs circonscriptions ainsi que pour tout l'ensemble du pays.
A vous tous, je souhaite une bonne et fructueuse reprise, pour la poursuite du processus de consolidation des acquis démocratiques dans un État encore soumis au désordre et à la violence en tout genre.
- Honorables députés, chers collègues,
Le rôle premier du député est d'œuvrer à assurer à la nation des garanties et un socle de vie politique apaisée, en tamisant et en repoussant par les débats d'idées les facteurs de conflits qui sont nombreux dans les communautés.
L'Assemblée nationale, 2e Grande Institution de la République n’a pas vocation à s'installer dans une démarche de reproduction des malaises de la société. Nous ne rendrions service ni au peuple ni à la République centrafricaine si nous optons délibérément pour la politique de haine et de violence à l'Assemblée nationale.
Je veillerai pour ma part à ce qu'une telle ambiance ne gagne pas notre Hémicycle et n'empoisonne pas notre vie et celle de nos compatriotes, surtout l'environnement du travail parlementaire pour lequel nous avons été élus par nos concitoyens.
Je reste profondément convaincu que la connaissance, le respect et l'application des textes qui régissent l'Institution et l'État sont la seule manière pour chaque élu et pour le président de l'Assemblée nationale et ses collègues du Bureau d'éviter de se tromper dans l'exercice de leur fonction.
Il nous faut nous référer systématiquement aux textes qui nous régissent et solliciter l'avis de la Cour constitutionnelle en cas d’incertitude sur l’interprétation d'une disposition de la Loi fondamentale.
Ainsi, les problèmes de personnes ne devraient pas impacter sur la vie de la Représentation Nationale et perturber les élus de la nation dans leur rôle de législateurs. Ils méritent de travailler dans une atmosphère de dignité et de responsabilité !
- Monsieur le Premier ministre, Chef du gouvernement,
- Madame et Messieurs les chefs des institutions Républicaines,
- Mesdames et Messieurs les ministres,
- Honorables députés, chers collègues,
- Distingués invités,
- Mesdames, Messieurs,
La seconde session ordinaire de l’Assemblée nationale est une session budgétaire en ce qu’elle est l’occasion d’examiner et de voter le projet de lois des finances de l’année suivante.
Il s’agit là d’un exercice de grande importance pour la vie de la nation parce qu’il permet de doter le gouvernement d’un outil légal, lui permettant de lever l’impôt et d’effectuer des dépenses pour le fonctionnement de l’État.
En effet, le gouvernement a l’obligation de gérer les finances publiques conformément aux dispositions légales telles qu’adoptées par l’Assemblée nationale, en vertu de l’article 82 de la Constitution et conformément aux articles 71 et 72 du Règlement Intérieur de notre Institution parlementaire, dans le respect de l’orthodoxie de gestion des finances publiques.
Doivent être également respectés, les termes du dernier Mémorandum de politique économique et financière signé avec le Fonds Monétaire International -FMI- appuyé par la facilité élargie de crédit -FEC- qui a permis à notre pays de disposer des ressources financières conséquentes afin de pallier à l’insuffisance des recettes domestiques, nécessaires au fonctionnement normal de l’État.
- Honorables députés, chers collègues,
En déposant dans les délais sur le bureau de l’Assemblée nationale le projet de loi des finances de l’année 2019, le gouvernement a fait montre d’une célérité exemplaire qui l’honore et je l’en félicite.
Cependant, l'attention du gouvernement mérite d'être attirée sur quelques points qui doivent être corrigés à l'avenir.
Le premier point concerne le projet de loi de règlement de l’exercice précédent qui n’a pas été déposé sur le bureau de la Représentation nationale lors de la première session ordinaire comme le prévoit l’article 82 dernier alinéa de la Constitution de la République, repris à l’article 71 du Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale. Cette situation ne permet pas aux députés de vérifier à posteriori la pertinence des choix budgétaires ni de fonder leur démarche sur le principe de la sincérité budgétaire.
Le deuxième point est relatif au Règlement N°12/07-UEAC-186-CM-15 portant cadre de référence de la politique d’endettement public et de gestion de la dette publique qui impose aux États bénéficiaires de l’initiative PPTE de joindre au projet de loi des finances un document de " politique d’endettement" qui expose d’une manière claire les orientations du gouvernement en matière d’endettement. Force est de constater que le gouvernement n’a toujours pas présenté à l’Assemblée nationale son document de politique d’endettement alors que notre pays présente un risque élevé d’endettement selon nos partenaires techniques et financiers.
Ceci étant, le projet de budget de l’État pour l’année 2019 présente la nomenclature suivante:
En Ressources : 238 692 619 000 Fcfa soit une augmentation de 8.79% par rapport à l’année précédente.
Charges : 242 961 521 000 Fcfa en hausse de 3.09% par rapport à l’année 2018.
Il se dégage un déficit budgétaire global de -4 268 902 000 Fcfa et un déficit primaire en pourcentage du PIB de 1.2% en accord avec l’exigence majeure de l’accord FEC relatif au déficit budgétaire.
- Honorables députés, chers collègues,
Il ne fait pas de doute que des contraintes liées à un environnement complexe tant au niveau national qu’au plan international ont dû impacter l’élaboration de ce projet de budget.
En même temps, il faudrait que les préoccupations du peuple près de 2 ans après la conférence des donateurs tenue à Bruxelles, le 17 novembre 2016, soient prises en compte.
Le budget de l’État doit ainsi faire transparaître les attentes de Bruxelles à travers les 3 piliers du plan national de relèvement et consolidation de la paix en Centrafrique -RCPCA- qui sont, je rappelle :
• Paix, sécurité et réconciliation ;
• Contrat social entre l’État et la population ;
• Relèvement économique et relance des secteurs productifs.
Je vous invite donc à faire montre, comme à votre habitude, chers collègues, d’un examen minutieux de chaque ligne budgétaire, afin de vous assurer de la pertinence des crédits alloués et de chaque disposition légale permettant de lever l’impôt pour qu’il soit socialement acceptable, juste et susceptible de réduire la pauvreté.
Par ailleurs, je vous exhorte aussi à faire en sorte que la lutte contre la fraude, la corruption et l'élimination des taxes parafiscales ainsi que le transfert rapide de toutes les ressources au compte unique du trésor, mais aussi la maîtrise des exonérations puissent se poursuivre inlassablement.
L'on constate que le volume des manques à gagner liés aux exonérations s'élevaient à fin juin 2018 à 28,74 milliards de Fcfa, cela veut dire que pour peu que l'on fasse une projection pour l'ensemble de l'année 2018 sur la base des données du premier semestre, ces manques à gagner atteindraient la faramineuse somme de 56 milliards. Plus concrètement cela signifie que les exonérations font perdre à l'Etat d'importantes ressources indispensables à sa reconstruction.
Par conséquent, ceci doit constituer un motif de préoccupation pour l'Assemblée nationale, mais aussi pour le gouvernement qui doit prendre les taureaux par les cornes à travers des mesures correctrices car les exonérations constituent des niches de recettes pour l'état.
La présente session devrait également donner l’occasion à la représentation nationale de poursuivre l’examen approfondi du projet de loi portant code des collectivités territoriales et des circonscriptions administratives.
La Commission mixte avait déjà relevé que le projet de loi avait prévu des ressources financières pour les Collectivités territoriales sur la base des recettes fiscales et non fiscales. Cependant, aucune indication précise n’a été mentionnée en ce qui concerne la clé de répartition de ces ressources. Encore faut-il qu’un mécanisme approprié d’exécution de ces lignes budgétaires soit précisé.
Il s’agit ici de préoccupations fortes auxquelles le gouvernement devra apporter des réponses précises afin de permettre le vote de ce projet de loi important, le moment venu.
- Monsieur le Premier Ministre, Chef du gouvernement,
- Mesdames et Messieurs les ministres,
- Honorables députés, chers collègues,
- Distingués Invités,
- Mesdames, Messieurs,
Je ne vous apprends rien en disant que la situation de notre pays reste encore fragile. En disant cela, j’ai une pensée pour nos compatriotes de Bria, Gamboula, Gambo, Paoua, Obo et bien d’autres localités encore qui continuent de vivre les affres des agressions barbares. Comme ce 28 Septembre, lorsque le véhicule de Monseigneur Désiré Nestor Nongo - Azagbia a essuyé des tirs vers 6 heures du matin, dans un village de la sous-préfecture de Markounda, auxquels il a échappé par miracle.
Le prélat se rendait justement de Bossangoa à Markounda pour participer à la journée internationale différée de la Paix et pour consolider les accords de paix entre les groupes armés dans le but de permettre à la population de vaquer librement à ses activités. Aussi bien le Prélat que notre collègue ont assisté à cette violation de l’accord de cessation des hostilités. En un mois entre Nana Bakassa et Kouki, 6 paisibles citoyens ont été assassinés.
On constate que nos compatriotes ne peuvent vaquer à leurs activités socio-économiques à cause des exactions de tout genre que leur imposent les groupes armés.
Il est donc plus que temps que le dialogue politique annoncé qui découle de l’initiative de l’Union africaine et appuyé par l’ensemble de la communauté internationale puisse se tenir et permettre que le processus du Désarmement, Démobilisation, Réintégration et Rapatriement -DDRR- devienne une réalité. C’est la voie du retour rapide à une paix durable.
La Représentation nationale suit avec beaucoup d’intérêt les efforts fournis par le gouvernement pour renforcer, entraîner et équiper nos forces de défense et de sécurité.
De tous mes vœux, j’appelle à la poursuite de ces efforts et à ce que les partenaires bilatéraux et multilatéraux continuent de nous accompagner dans l’opérationnalisation et la redynamisation rapide des forces de défense et sécurité.
Je disais que notre pays est encore hélas en situation de fragilité. La présence nombreuse des pays amis et Institutions Internationales au chevet de notre pays en est un baromètre parlant.
L’urgence d’une sortie de crise n’est plus à démontrer, dans notre pays où le droit à la sécurité s’est imposé comme un impératif concret pour chaque centrafricain.
Le consensus qui semble s’être enfin dégagé lors de la rencontre de New-York de ce 27 septembre 2018, autour du processus conduit par l’Union africaine conformément à la feuille de route de Libreville, est dans ce contexte un véritable motif de satisfaction.
Je saisis cette occasion pour féliciter le président de la République, son excellence Faustin-Archange Touadera, pour sa prise de position claire et sans équivoque à cet égard, qui contribuera certainement à accélérer le processus.
L’une des dispositions de la feuille de route de l’Union africaine souligne la nécessité, pour la réussite de l’initiative, d’inclure tous les acteurs pour en assurer le plein succès. Ces acteurs sont, en plus des autorités exécutives de notre pays, principalement l’ONU à travers la MINUSCA, l’Union européenne et aujourd’hui la Russie et le Soudan. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce multilatéralisme au bénéfice de notre pays.
Le pilotage du processus de dialogue incombe, comme on sait, au gouvernement et c’est normal. C’est sa responsabilité constitutionnelle. Mais est-il concevable d’exclure du débat la population à travers les partis politiques, les députés et les organisations de la société civile ?
- Monsieur le Premier ministre, chef du gouvernement,
- Distingués invités,
- Mesdames, Messieurs,
La place prise par l’appui international dans tous les aspects du relèvement de notre pays nous oblige à développer une diplomatie volontariste. C’est la responsabilité, en premier, de l’Exécutif. Mais dans le monde moderne où nous vivons, et conformément à une pratique internationale désormais largement partagée, l’Assemblée nationale se doit de contribuer à cette dimension de la politique nationale.
C’est ce qu’on appelle communément la diplomatie parlementaire.
En effet, dans l’univers complexe et mondialisé d’aujourd’hui, le caractère transnational des questions d’intérêt public, comme la sécurité, l’environnement, les droits de l’homme, la bonne gouvernance, la culture et le commerce, etc. interpelle les parlementaires dans leur travail quotidien.
Ceux-ci se doivent désormais d’échanger avec leurs homologues étrangers sur les enjeux internationaux, spécialement sur les questions d’intérêt commun.
Les groupes d’Amitié Interparlementaires mis en place depuis 2017 par l’Assemblée nationale revêtent dans ce contexte une importance particulière. Ils nous permettent d’intensifier l’action de la Représentation nationale sur les plans tant multilatéral que bilatéral, notamment dans le cadre des organisations interparlementaires et internationales.
Ceci dit, un examen approfondi de ces groupes nous a amené à constater un dysfonctionnement dans la répartition des Élus de la Nation dans les différents groupes d’amitié. Cette situation impose donc une révision de la redistribution par secteur afin de permettre une participation globale et effective de tous les députés à ces différents groupes.
Sur le plan strictement bilatéral, plusieurs éputés ont pris part, soit aux missions d’observation des élections, soit aux conférences internationales, interparlementaires et divers fora ou encore à des visites d’échanges de bonnes pratiques et d’expériences. Toujours sur le plan bilatéral, nous avons eu de fructueux échanges avec les chefs de certaines missions diplomatiques accrédités en Centrafrique, notamment l’Afrique du Sud, la Chine et la France.
- Monsieur le Premier ministre, Chef du gouvernement,
- Honorables députés,
- Distingués invités,
- Mesdames, Messieurs,
La session qui s’ouvre n’est pas, vous l’aurez compris, une session comme les autres. Pas seulement parce qu’elle est une session budgétaire comme nous venons de voir, mais aussi parce qu’elle intervient au milieu de notre mandat. Elle est donc en quelque sorte une session-charnière, le marqueur du fait que nous sommes arrivés au milieu du gué.
Le voyageur averti sait bien que, pour triompher des eaux tumultueuses et atteindre l’autre rive, il se doit, au milieu du gué de rassembler ses forces pour entreprendre le reste de la marche, en se donnant les moyens d’arriver à bon port.
C’est pourquoi, j'estime que, pour nous tous, parlementaires comme membres du Pouvoir exécutif, majorité comme opposition, la session qui s’ouvre doit être celle du rassemblement.
Ma conviction est que nous avons l’impérieux devoir de faire bloc pour sortir notre pays de cette crise que nos compatriotes continuent, pour la plupart, de subir dans leur chair, dans leurs biens et dans la restriction voire la suppression de leur liberté de circulation.
Vous m’avez bien entendu : nous devons faire bloc, cela a toujours été ma conviction et cela le reste plus que jamais.
Faire bloc, oui, autour du seul intérêt qui doit compter. Cet intérêt, c’est l’intérêt du pays, l’intérêt national. En disant intérêt national, je vise évidemment cet intérêt qui est celui de tous les centrafricains quels qu’ils soient et où qu’ils soient, pas l’intérêt de groupes partiels ou de groupuscules, pas l’intérêt égoïste de quelques uns qui prendraient notre Etat en otage.
L’intérêt national dont je parle a d’autres noms. Il s’appelle bonne gestion financière de l’Etat, bonne administration, transparence de la gestion publique, redistribution équitable du produit de l’exploitation des richesses de notre pays. Bref, il s’appelle bonne Gouvernance, dans le respect, cela va de soi, de la volonté de nos compatriotes exprimée par la Constitution du 30 mars 2016.
C’est l’occasion ici de rappeler que la communauté internationale a fortement investi dans le retour d’un ordre constitutionnel normal en République centrafricaine et dans l’organisation d’élections crédibles pour la mise en place d’institutions légitimes. Occasion de rappeler aussi que les centrafricains ont, quant à eux, exprimé leur volonté déterminée de restauration de cet ordre constitutionnel en bravant les armes pour faire des dernières consultations électorales une réussite unanimement saluée. Ces mobilisations internes et externes ne peuvent être tenues pour négligeables. Ils nous obligent, en tant qu’autorités politiques centrafricaines, à donner corps concrètement par notre gouvernance aux espérances qui se sont ainsi exprimées.
Il n’est que temps de le faire, et ceci en ayant bien conscience que seules des institutions stables et la stricte mise en œuvre d’une gouvernance démocratique telle que prévue par la Constitution adoptée par les centrafricains permettra au pays de sortir durablement de la crise.
C’est pourquoi, notre conviction et notre démarche politiques sont que les institutions légitimes du pays doivent jouer leur rôle, notamment, et j’y insiste, le rôle de contrôle démocratique du pouvoir.
Dans cette œuvre de refondation démocratique, nous avons besoin d’un franc soutien des partenaires internationaux de la République centrafricaine aux actions tendant à consolider et à rendre effectifs les mécanismes nationaux de surveillance et de contrôle, dans l’intérêt des centrafricains.
Notre démarche est aussi, dans le même esprit, d’en appeler à ce que la communauté internationale ne reconnaisse aucun pouvoir qui aura été établi en dehors des prescriptions constitutionnelles en vigueur.
Faire bloc dans l’intérêt du pays, dans ces conditions, c’est conjuguer les forces de nos institutions, c’est, en définitive, conjuguer les fonctions de nos institutions et, pour ce qui concerne l’Assemblée nationale, c’est lui permettre de jouer pleinement son rôle dans toute la gamme de ses attributions, du vote des lois au contrôle rigoureux du gouvernement dans la conduite de la politique nationale, sans oublier la fonction de contribution qui permet aux représentants de la Nation de prendre toute initiative et formuler toute proposition dans l’intérêt du pays.
- Honorables députés, chers collègues,
L’appel au rassemblement du pays lancé ici ne concerne pas seulement nos institutions, les forces politiques et les citoyens centrafricains. Vu l’état de fragilité persistante de notre pays et, en conséquence, vu le caractère nécessairement massif de la contribution de la communauté internationale, nous avons aussi à penser les formes et les modalités de la participation de nos partenaires extérieurs à l’effort national de relèvement.
Autrement dit, nous avons à construire, voire à reconstruire un partenariat international fiable.
A ce propos, il faut commencer par rappeler que le partenariat international est, pour la République centrafricaine, une nécessité dans la situation d’Etat en grande difficulté où se trouve le pays. Il ne saurait cependant n’être que cela. Pour que ce partenariat puisse produire tous ses effets, il doit procéder d’un engagement politique assumé dans le pays.
J’estime pour ma part que la RCA a besoin aujourd’hui que se construise et se déploie une véritable politique internationale, active et stable, axée sur le développement de relations amicales et de coopération au service des objectifs de paix, de stabilisation politique et sociale, ainsi que de développement économique.
Ce que je nomme reconstruction d’un partenariat fiable passe par la reconnaissance, la valorisation et la stabilisation des relations traditionnelles, régionales et internationales, aussi bien bilatérales que multilatérales, de la République centrafricaine ; des relations dont nous avons à faire l’axe central et le socle de notre coopération internationale ; les partenariats nouveaux que la RCA sera conduite à nouer ayant vocation à se développer sans préjudice de ces partenariats traditionnels et dans la transparence.
Bref, il devrait être considéré comme normal que ceux qui ont soutenu inlassablement notre pays dans la tempête soient nos partenaires prioritaires pour la stabilisation et le relèvement. En disant cela, je pense aux pays de la sous-région et aux organisations de cette Sous-Région que sont la CEEAC, la CEMAC, la CIRGL, ainsi qu’à l’organisation panafricaine qu’est l’Union africaine. Je pense aussi, hors d’Afrique, à des Etats comme la France, les Etats-Unis, la Chine et à des Organisations comme l’Union européenne, l’OIF et les Nations-Unies.
La reconstruction d’un partenariat fiable passe, ensuite, par l’affirmation d’une méthode qui allie franchise, respect mutuel, respect de la parole donnée et respect du cadre et des procédures constitutionnels de la République centrafricaine. Il y va non seulement de notre souveraineté, mais aussi d’un exercice responsable de celle-ci.
La reconstruction d’un partenariat fiable passe, enfin, par le fait de mettre au centre de cette coopération internationale les intérêts de notre pays et des centrafricains plutôt que de nous autres, dirigeants.
- Excellences,
- Distingués invités,
- Honorables députés,
- Chers compatriotes,
Cet appel au rassemblement des forces, des énergies et des institutions, je ne le lance pas par naïveté ni par peur.
Je sais bien ce qui se trame à l’égard de notre institution et de son Président. Depuis quelques temps, des individus s’agitent dans tous les sens, des groupes sont formés par ci par là, et il ne se passe pas une semaine sans que ne se tiennent des réunions, souvent la nuit, pour dresser des plans. Le tout orchestré jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, en mettant en jeu de l’argent, beaucoup d’argent, de l’argent public, l’argent des centrafricains.
Tout cela pour quel projet ?
La destitution du président de l’Assemblée nationale Abdou Karim Meckassoua, bien entendu.
Pour cela, on monte des affaires, on crée des incidents, en saccageant par exemple les locaux et les biens de l’Assemblée, on essaie d’instrumentaliser la justice. Et dans tout cela des députés croient servir la Nation en se faisant commissionnaires des basses œuvres.
A propos de cette fameuse destitution, je veux dire ceci : que ceux qui veulent lancer la procédure le fassent. Je suis prêt.
Ce sera un moment important d’application de nos textes fondamentaux, Constitution et règlement intérieur de l’Assemblée. Et ce sera aussi une occasion pour que nos compatriotes soient instruits sur les affaires de l’Etat et la manière dont celles-ci sont conduites.
Dès à présent, je demande par ailleurs que la procédure, si elle venait à être lancée, soit menée dans la plus grande transparence et en permettant à tous nos compatriotes de suivre l’évolution des choses, et notamment de suivre en direct les débats de destitution le moment venu.
Je demande aussi, solennellement, qu’on veille à ce que la procédure, si elle était ouverte, soit strictement conforme à la Constitution et au Règlement intérieur.
- Honorables députés,
- Chers compatriotes,
Je le proclame bien fort : si la preuve devait être faite, conformément à la Constitution et au Règlement intérieur de notre Assemblée, que les conditions sont réunies pour que je n’exerce plus les fonctions de président de l’Assemblée nationale, ce sera sans hésitation et sans amertume que je m’en irai.
Mais voilà, encore faut-il que ces conditions soient réunies. Et sur ce point, j’attends avec sérénité la démonstration qui devra être faite, en commençant par l’acte destiné à ouvrir la procédure de destitution.
- Honorables députés, chers collègues,
- Chers Compatriotes,
Quels sont, en définitive, les termes du débat ?
Je rappelle que, en vertu de notre Constitution, pour que le président de l’Assemblée nationale, dont le mandat est de 5 ans, soit destitué, il faut faire la preuve qu’il a manqué aux devoirs de sa charge. Voilà la règle essentielle.
Le Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale est venu compléter les dispositions constitutionnelles et préciser qu’il y a quatre cas, et seulement quatre cas, dans lesquels on peut dire qu’il y a manquement aux devoirs de la charge.
Qu’est ce que cela veut dire ?
Cela veut dire qu’il faudra que les partisans de la destitution arrivent à répondre positivement aux 4 questions suivantes.
Première question et premier cas de figure : Est-ce que, en tant que président de l’Assemblée nationale, je me suis opposé à ce que le Bureau rende compte de sa gestion aux députés ?
Deuxième question et deuxième cas de figure : Est-ce que, en tant que président de l’Assemblée nationale, j’ai empêché la présentation aux Députés du rapport d’une Commission spéciale d’enquête, ne serait-ce qu’une fois ?
Troisième question et 3e cas de figure : Est-ce que, en tant que président de l’Assemblée nationale, j’ai refusé de transmettre au Procureur Général près la Haute Cour de Justice, une résolution de mise en accusation du pésident de la République pour Haute trahison ?
Enfin, 4e question et 4e cas de figure : est-ce que, en tant que PAN, j’ai, ne serait-ce qu’une fois, refusé de transmettre une décision de mise en accusation de députés devant la Haute Cour de justice ?
Comme je l’ai déjà dit, j’attends sereinement les réponses que les partisans de la destitution apporteront à ces questions.
J’attends plus précisément qu’on m’explique, qu’on nous explique :
1- comment celui-là même - je veux dire moi - à qui on reproche de vouloir faire toute la lumière sur des soupçons de mauvaise gestion, pourrait être accusé dans le même temps d’empêcher le Bureau de rendre compte,
2- comment on fait pour empêcher la transmission du Rapport d’une commission spéciale d’enquête, alors qu’aucune commission de ce type n’a pas été mise en place sous cette législature et que, par conséquent, aucun rapport n’a pu être rédigé,
3- comment on fait pour refuser de transmettre une résolution de mise en accusation du président de la République pour haute trahison quand aucune accusation du Chef de l’Etat n’a été lancée à ce jour,
4- comment, enfin, on fait pour empêcher la transmission à la Haute Cour de Justice d’une décision qui n’a jamais été prise encore en ce qui concerne les députés.
Bref, je souhaite bien du plaisir à ceux qui seront chargés de convaincre les députés et la Nation du fait que ce dossier est sérieux, qu’il n’est pas vide, désespérément vide.
- Honorables éputés, chers collègues,
- Chers compatriotes,
J’ai dit tout à l’heure que je ne suis pas naïf. Je sais qu’il y a, jusqu’au sein de cet hémicycle, des personnes qui sont décidées à en découdre coûte que coûte avec celui qui assume actuellement les fonctions de président de l’Assemblée nationale.
Ces personnes ne renonceront pas. Et on ne peut pas exclure qu’elles veuillent poursuivre la procédure de destitution malgré tout.
Que leur resterait-il finalement pour espérer arriver à leurs fins, si ce n’est invoquer des motifs non prévus par nos textes fondamentaux, pour forcer la décision ?
Je vous le dis tout net, et avec gravité : si tel devait être le cas, et si tel est l’intention de ceux qui rêvent de destitution du Président de l’Assemblée nationale Meckassoua, il s’agirait d’un véritable coup de force, une opération de déstabilisation d’une institution majeure de la République, en violation flagrante de la Constitution !
Je ne peux, dès lors, qu’exhorter les collègues députés qui seraient sur cette ligne à revenir à la raison, celle de nos textes, et celle de la paix et de la concorde.
Je dis aussi, calmement mais solennellement, à nos compatriotes : soyez vigilants. Ne vous laissez pas entraîner dans la spirale de haine et de violence qui est le projet véritable de ces partisans d’une destitution anticonstitutionnelle. Mais ne laissez pas non plus commettre une telle forfaiture car on ne sait pas où une telle dérive peut entrainer notre cher et beau pays.
Quant à moi, je ne me laisserai pas conduire à l’autel comme l’agneau sacrificiel, sans combattre. Si cela est donc nécessaire, je me battrai pour que les termes de la Constitution et du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale soient respectés et que prévale le vivre ensemble dans notre cher pays qui est fatigué du malheur !
- Honorables députés, chers collègues,
En ce qui concerne les questions de bonne gouvernance de notre Représentation Nationale, questions qui, dois-je le rappeler, sont étrangères à la procédure de destitution selon nos textes fondamentaux, des enquêtes sont en cours, conduites par des institutions indépendantes de notre pays. Il y a celle déclenchée par le Bureau devant la Commission spéciale de comptabilité et de contrôle de l’Assemblée nationale, celle conduite par la Cour des comptes, et, enfin, celle que mène la Haute Autorité Chargée de la bonne gouvernance, qui s’est autosaisie.
Je l’ai déjà dit, je prendrai, pour ce qui relève des pouvoirs propres du président de l’Assemblée nationale, et inviterai le Bureau, pour le reste, à prendre toutes les mesures qui s’imposeront au vu des conclusions de ces différentes investigations. Mais pour cela, il faut attendre la fin de ces investigations. J’invite donc chacun à faire preuve de patience et de sérénité dans cette perspective.
L’Histoire de cette session et celle de cette deuxième moitié de législature est loin d’être écrite à l’avance.
C’est par nos faits et gestes, par nos actes, que nous orienterons cette histoire dans une direction ou une autre.
C’est notre responsabilité, devant le peuple et devant l’histoire.
Sur ce, je déclare ouverte la seconde session ordinaire de l’année législative 2018.
Je vous remercie.
Le 1er octobre 2018