La descente aux enfers de la Centrafrique était fulgurante et à atteint son apogée. La communauté internationale a usé de stratagèmes pour destituer à N’Djamena le chef de la seleka et a ordonné au Conseil National de Transition d’organiser une élection inédite le 20 janvier 2014, qui a vu la victoire dictée de Catherine Samba-Panza à la magistrature suprême.
En dépit de son amateurisme et de la méthode très critiquée, les autorités de la longue transition de plus de trois ans ont réussi à apaiser les tensions, la haine et surtout la barbarie des hors la loi. On dénombrait un nombre maîtrisé des groupes armés, les pertes en vie humaine ont ralenti, une relative stabilité sécuritaire, sa gestion n’était pas dictée par l’occident car elle a refusé par deux fois qu’on lui impose de premier ministre.
En l’absence de l’armée nationale, les forces onusiennes appuyées par les forces françaises contrôlaient plus de la moitié du territoire national, il y’ avait un semblant de liberté et la population des arrières pays vaquaient librement à leurs occupations. La transition qui normalement devrait expirer le 15 février 2015 avait été prolongée afin de créer les conditions d’une élection crédible, transparente, démocratique et acceptée de tous. Face à la volonté notoire des autorités de la transition de traîner le processus, l’ancien pays colonisateur adoubé par le voisin tchadien a imposé une élection à la hâte alors que les conditions d’une élection crédible n’étaient pas réunies…bref, le pays n’était pas prêt pour organiser une élection digne de ce nom.
La course au pouvoir ouverte est soutenue par tous ceux qui rêvaient au regard de l’accession facile de Samba-Panza, ce qui expliquait la trentaine de candidatures. Quelques mois après les élections, les violences se sont intensifiées, presque toutes les préfectures sont embrassées, le volet sécuritaire est totalement abandonné au gré de la MINUSCA qui lui aussi est dépassée, les groupes armés se sont multipliés et contrôlent les ressources naturelles du pays, le pillage des ressources naturelles avec la bénédiction des autorités révolte, les couches économiques et sociales fragilisées, la santé inexistante, l’éducation reflète les 3% de réussite au baccalauréat…les choses vont du mal au pire dans l’indifférence totale des nouvelles autorités.
Noyé dans ses deux époques diamétralement opposées, le citoyen lambda qui est toujours animé par l’envie de connaître s’interroge : Pourquoi la transition de Samba-Panza n’était pas prolongée pour conserver les acquis sécuritaires et épargner quelques morts ?
L’immobilisme, le manque d’initiatives et le constat de terrain obligent les centrafricains à regretter la transition ? Peut-on comparer la fin de la transition avec la situation actuelle ? S’il y a un choix à faire, laquelle époque choisirez vous ? Était-il mieux de vivre encore la transition nonobstant ses failles que de vivre le cauchemar actuel ? La transition avait posé les bases de la réconciliation, pourquoi les nouvelles autorités n’ont pas continué sur la même lancée ? Souvenez des textes du serment relatifs à la sécurité et l’intégrité du territoire et prononcés lors de l’investiture ? Le President de la République est-il en harmonie avec ce serment ? Dans la négative, cela n’est-il pas constitutif de haute trahison ? Dans l’affirmative, quelles sont les sanctions possibles ? Les nouvelles autorités tendent à leur deuxième année on ne voit l’ombre de rien, les centrafricains doivent encore attendre ?
Les centrafricains se sont mobilisés en nombre pour les élections parce qu’ils espéraient la paix, surtout un retour rapide de la sécurité. L’espoir s’est effondré. Pour eux, la fin de la transition supposait la fin de l’état d’exception, le retour à l’ordre constitutionnel, la reconquête progressive de l’autorité de l’Etat. Lassé par l’hémorragie et la spirale de violence, le chef de file autoproclamé de l’opposition a décidé de multiplier des offensives sur des médias nationaux et internationaux en ces termes : "le fauteuil présidentiel est vide" ou encore "Touadera ne fait rien" et il va même faire allusion à un âne dans une formule imagée qui a fait l’objet d’intenses polémiques sur les réseaux sociaux.
Comme cela ne suffisait pas, le secrétaire général adjoint de l’ONU, chargé des opérations a confirmé ces propos en ces termes : "la RCA manque de leadership dans ses décisions". Pire, le porte parole du gouvernement a reconnu à demi-mot la perte de repères en ces termes : "le President de la République est un homme d’action mais parle peu" . Cette petite phrase pleine de sens interroge : appartient-il à un President de la République de faire la communication de ses actions ?
Alors, que fait le chargé de mission en communication de la présidence ? En reconnaissant à demi teinte cette faille vitale dans la gestion de la chose publique, le porte-parole du gouvernement ne s’expose t-il pas aux foudres de ses collègues de la présidence ? À notre avis, le President de la République n’est pas le seul comptable de la situation chaotique du pays.
A l’époque de la transition, les conseillers nationaux s’attelaient aux priorités des centrafricains contrairement aux actuels parlementaires, légitimement élus qui se lancent solidairement dans une bataille de positionnement qui oppose le President de la République et le President de l’assemblée nationale dont certains Députés ne connaissent même pas les tenants ni les aboutissants. Ils sont aveuglés et liés par la promesse non tenue de distribution de pickup au lieu de défendre les intérêts de ceux qui les ont installé à la mangeoire.
Pour finir, nous rappelons le President de la République qu’un rattrapage est possible et nous l’invitons de s’investir personnellement, de donner l’impression qu’il est le chef, de changer de gouvernement avec un premier ministre de son choix. Si ce dernier ne s’exécute pas…la confiance du peuple a des limites. Mieux vaut agir maintenant avant que la rue ne vous impose une cohabitation ingérable. Mais attention, ne le dîtes à personne. Si on vous demande, ne dîtes pas que c’est moi.
Bernard Selemby Doudou, juriste, administateur des élections
Paris le 11 août 2017.