L’intervention illégale de l’exécutif dans la désignation des officiers de police judiciaire -OPJ-, pose déjà la question l’impartialité de la Cour pénale spéciale -CPS- et provoque des tensions avec les bailleurs de fonds internationaux.
La liste des officiers de police judiciaire -OPJ- retenue par le comité mis en place pour faire concourir et retenir ces futurs OPJ a été retouchée par l’exécutif alors que les textes en vigueur l’interdisent. Motif invoqué pour truquer le résultat : la surreprésentation de policiers et gendarmes issus de l’ethnie Yakoma.
Pourtant, l’ensemble des postulants initialement retenus du comité de sélection a obtenus de meilleurs résultats lors du processus de sélection et les écarter ainsi s’avère illégal. Alors que les bailleurs de fonds demandent des explications au gouvernement, celui-ci fait sortir rapidement un décret pour entériner leur choix et organise dans la précipitation une cérémonie de prestation de serment qui acte leur choix.
Cette situation irrite les partenaires internationaux qui ont menacé de ne plus financer la Cour pénale spéciale et les observateurs relèvent des entorses graves à l’indépendance et la crédibilité de la Cour pénale spéciale -CPS-. Décidément, l’impartialité, l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité ne sont pas les priorités de ce gouvernement. Alors que les nombreuses victimes de crimes et d’exactions crient justice, il semblerait bien que leurs voix ne soient jamais prises en considération tant cette Cour est bafouée dès sa constitution par nos autorités…
- L’arrêté ministériel de février 2017 précise le mode de désignation des officiers de police judiciaire -OPJ-.
Flavien Mbta@eo/cld Un arrêté interministériel signé en février 2017 par les ministres de la sécurité publique et de la justice, précise le fonctionnement du comité de sélection qui, composé d’une majorité de Centrafricains et de représentants de la communauté internationale -MINUSCA et PNUD-, désigne les 20 officiers de police judiciaire soit 10 pour la police et 10 pour la gendarmerie affectés à la CPS et chargés de conduire les enquêtes diligentées par les magistrats de la Cour. Afin d’éviter une interférence politique dans la nomination des OPJ.
Cet arrêté ne laisse aucune marge de manœuvre au ministre de la justice pour modifier la liste fournie par le comité de sélection et précise simplement dans son article 8 que celui-ci entérine la liste transmise par le comité de sélection. Les membres du Comité de Sélection ont mené des consultations internes et des travaux qui ont abouti, fin septembre 2017, à la transmission au ministre de la justice d’une liste de 20 noms.
- L’exécutif par l’intermédiaire du Ministère de la justice s’ingère dans le processus de désignation des OPJ en dehors de tout cadre légal
Cependant, le décret de nomination des OPJ, paru le 6 octobre 2017 est signé du ministre de la justice Flavien Mbata, neveu du président Faustin-Archange Touadera n’a retenu que 10 noms sur les 20 transmis par le comité. Les 10 autres OPJ ont été nommés à sa discrétion, en dehors des procédures légale en vigueur et au risque de compromettre gravement l’indépendance et l’impartialité de la cour qui constituent des éléments essentiels pour sa crédibilité. L’exécutif qui a jugé d’une surreprésentation de l’ethnie Yakoma et a choisi d’écarter certains candidats Yakoma comme l’attestent les listes en copie. Pourtant, l’ensemble des postulants initialement retenus du comité de sélection a obtenus de meilleurs résultats lors du processus de sélection et les écarter ainsi s’avère illégal. Les bailleurs n’ont été informés que le 2 novembre 2017, d’une part de l’existence de cette liste et des objections qu’elle suscitait, et d’autre part de la cérémonie officielle, organisée en toute hâte par l’exécutif le 6 novembre 2017, au cours de laquelle les juges et les OPJ devaient prêter serment.
- L’impartialité et la compétence des "OPJ désignés" en question.
Les OPJ désignés par l’exécutif ne présentent aucune garantie de probité, de compétence ou encore d’indépendance, ce qui augure mal de l’efficacité d’une institution appelée à opérer, en Centrafrique même, dans des conditions particulièrement difficiles.
La hâte suspecte manifestée par la partie centrafricaine pour organiser une cérémonie essentiellement destinée à entériner la nomination des OPJ a fini par aboutir au boycott de la cérémonie qui a eu lieu le 6 novembre 2017. Mais les OPJ validés par l’exécutif ont déjà prêté serment. Ils l’ont d’ailleurs fait auprès de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bangui alors qu’il avait été prévu initialement de le faire auprès de la CPS elle-même.
- Les bailleurs de fonds n’acceptent pas cette méthode qui entame la crédibilité de la Cour pénale spéciale.
Les principaux bailleurs ont sollicité un entretien en comité restreint avec le président de la République et avec le ministre de la justice. Celui-ci a laissé entendre que certains noms pourraient être retirés de la liste. Mais une mesure cosmétique de ce type n’apparait pas de nature à modifier le caractère nul et non avenu des nominations effectuées en dehors des procédures prévues, et sans intervention du comité de sélection.
Le mal est fait.
Le 16 novembre 2017