Anicet Georges Dologuéle@urca
Anicet-Georges Dologuéle, ancien premier ministre, député URCA de Bocaranga1 s'adresse à Antonio Guterres, secrétaire général des Nations-unies
Monsieur le Secrétaire Général,
Vous avez aujourd’hui, devant vous, des députés en deuil. Des députés inquiets pour la survie de leurs concitoyens dans l’arrière-pays. Des députés en colère devant autant de violence gratuite et inhumaine.
En m’adressant à vous, je parle également au député que vous avez été pendant vingt ans dans votre pays.
Je vous parle donc avec mon cœur, avec mes tripes.
Mais je sais que je prêche à un converti, car j’ai suivi votre interview ce matin sur RFI vos propos sont rassurants et prometteurs. Comme nous, vous voulez des solutions efficaces pour résoudre la crise centrafricaine.
Monsieur le Secrétaire Général,
Mon pays la République centrafricaine est un pays encore en conflit, un conflit qui est souvent à sens unique, puisque des groupes armés massacrent une population qui ne comprend pas ce qui lui arrive.
Nous avons plus que jamais besoin de la MINUSCA, car l’Etat centrafricain n’a plus les moyens d’assumer le monopole de la force légitime qui est le privilège tout Etat digne de ce nom. Pour le moment, c’est la MINUSCA la détient seule, par la force des choses et à travers son mandat robuste. Or, la logique veut que pour maintenir la paix, il faut d’abord la négocier. Mais si la négociation ne marche pas, il faut l’imposer par la force.
C’est donc d’une force d’imposition de la paix dont mon pays a un besoin urgent aujourd’hui.
Monsieur le Secrétaire Général,
La MINUSCA a déjà eu à faire usage de la force à deux reprises, pour le bonheur des populations. Quand elle l’a décidé, elle a planifié et mené des opérations militaires d’envergure pour imposer la sécurité à Bambari en Février 2017, et plus récemment à Bocaranga, Bang et Man au début de ce mois.
Et cela a été un succès !
La MINUSCA a ainsi montré sa supériorité militaire sur les groupes armés et rassuré les populations. Le Député de Bocaranga que je suis est bien placé pour vous en parler, puis que je reçois tous les jours des appels téléphoniques dont il ressort que les casques bleus portugais et ruandais sont devenus les héros de la ville depuis ces opérations.
Alors pourquoi ne pas dupliquer ce type d’opérations dans toutes les zones en conflit ?
Monsieur le Secrétaire général,
La RCA n’est pas encore la Somalie, mais elle n’en est plus très loin. Tous ici dans cette salle, nous sommes les porte-voix de nos populations. Et ce qu’elles veulent que nous vous demandions est très précis.
Beaucoup de ces demandes vous ont déjà été formulées lors de vos différentes rencontres avec les forces vives de la Nation (Plate-forme religieuse, Société civile, Partis politiques..) et le Président de l’Assemblée Nationale vient d’en a relayer quelques-unes.
Je ne vais donc pas les répéter, mais simplement vous dire qu’en plus de l’exigence d’une force d’imposition de la paix.
Les populations que nous représentons vous demandent de veiller, dans le choix des responsables de la MINUSCA à tous les niveaux de la hiérarchie, à ce que ceux-ci conservent une neutralité absolue, tant au niveau politique que dans la gestion du conflit. Car nous avons tous relevé que certains d’entre eux entretenaient avec quelques chefs de guerre des sympathies liées soit à la culture, soit à la religion, soit à des intérêts économiques obscurs. De pareils égarements pourraient fausser leur jugement et favoriser l’instrumentalisation du conflit, tout en paralysant toute initiative de dialogue politique.
Dans le même ordre d’idées, nos compatriotes vous demandent de diligenter des enquêtes sur les fonctionnaires onusiens sur qui pèseraient des soupçons de collusion d’intérêts avec des chefs de guerre, sur fonds d’exploitation frauduleuse des matières premières, et qui profiteraient de la situation de chaos que vit le pays pour se lancer dans des trafics de tous genres.
Ayant dit cela, je ne jette pas l’anathème sur tous les fonctionnaires et personnels militaires de la MINUSCA. Je vous demande juste de prendre en compte ce qui représente aujourd’hui, du point de vue des populations centrafricaines, l’un des obstacles les plus importants à l’efficacité des forces onusiennes.
Je vous remercie
Anicet-Georges Dologuele
Le 27 octobre 2017