Monsieur le Premier Vice-président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Il a fallu convoquer une session extraordinaire pour examiner ce collectif budgétaire qui était pourtant annoncé depuis la fin du mois de mars et aurait pu être examiné en session ordinaire. De plus, les chiffres des réalisations du Budget 2018 communiqués par le gouvernement datent de fin mars, alors qu’il était techniquement possible d’avoir ceux de fin mai. Ceci est un dysfonctionnement important que nous tenons à relever avant de nous prononcer sur cette Loi des finances rectificative.
Comme vous le constatez, chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour consacrer une autre baisse des recettes de l’Etat, 6 mois après avoir adopté un budget primitif dans lequel le recul de ces recettes était déjà assez préoccupant.
Monsieur le Ministre,
Les raisons que vous évoquez pour expliquer cette baisse des recettes résument le fonctionnement par tâtonnement de ce gouvernement.
En effet, vous ne pouvez pas nous dire que c’est maintenant que vous découvrez que le déficit primaire autorisé par le programme avec le FMI est de 1,4% du PIB. Comme vous le savez, ces repères sont fixés à la fois pour inciter l’Etat à fournir plus d’efforts dans le recouvrement des recettes, tout en maintenant le niveau dépenses dans une fourchette raisonnable. Or, si j’interprète ce que vous êtes en train de nous faire constater, nous aurions eu les yeux plus gros que le ventre dans la fixation du niveau des recettes en décembre dernier…
Pourtant ce ventre nous paraissait déjà bien creux !
Vous ne pouvez pas nous expliquer aujourd’hui que c’est la situation sécuritaire du pays qui aurait engendré une contreperformance en termes de mobilisation des ressources. Cette situation sécuritaire était pourtant bien connue et c’était la responsabilité du gouvernement de l’améliorer. Il vous souvient que notre groupe parlementaire avait décidé d’un vote négatif lors de l’adoption du budget primitif, précisément parce qu’aucune somme rien n’y était prévue pour la projection des FACAs dans les zones d’insécurité.
C’est exactement comme si vous faisiez décoller un avion depuis Bangui à destination de Birao et qu’en plein vol vous constatiez une panne de carburant. En toute logique, c’est avant le décollage qu’il aurait fallu penser à faire le plein de carburant !
Au demeurant, nous constatons que ce collectif budgétaire ne prévoit toujours aucune somme pour la projection des FACAs dans les zones d’insécurité, pas même en termes de financements extérieurs. Pire, l’enveloppe prévue pour les dépenses de fonctionnement, d’intervention et d’investissement du ministère de la défense nationale et de la restructuration des armées a baissé. Comment alors comptez-vous financer l’action des FACAs sur le terrain ? Nous avons certes noté que le ministère de la sécurité publique recevra un don de près de 1,9 milliards, mais cet argent est destiné à la prise en main des policiers et gendarmes en cours de formation. L’impact sur la situation sécuritaire sera très peu perceptible dans l’immédiat.
En définitive, ce collectif budgétaire n’est, une fois de plus, que la traduction de l’extrême cynisme qui caractérise nos dirigeants. En effet, presque tous les ministères ont été mis à la diète dans le seul but d’augmenter les dépenses somptuaires de la présidence et de la primature. Ainsi, vous noterez que les Fonds spéciaux du président de la République ont encore augmenté de 25%, passant de 800 millions à 1 milliard Fcfa. Si l’on y ajoute les fonds spéciaux prétendument consacrés aux actions de sécurité qui passent de 250 à 450 millions, c’est un total de 1,450 milliards vous prévoyez en Fonds spéciaux du président de la République, soit une augmentation de 400 millions en 6 mois. Souvenez-vous que ces fonds n’étaient que de 150 millions sous le gouvernement de Transition.
Toujours à la présidence, les indemnités de mission à l’étranger sont passées de 200 millions à 300 millions tandis que les frais de transport des agents en mission à l’étranger, qui étaient de 150 millions en 2017, sont maintenant à 500 millions, après avoir été portés à 250 millions dans le budget primitif 2018.
Au total, les nombreux déplacements à l’étranger, dont les centrafricains s’interrogent sur l’utilité, coûteront au contribuable 350 millions de plus que prévus, soit une augmentation de 133,33%.
La primature ne s’est pas privée, elle non plus, puisque les fonds spéciaux du premier ministre sont passés de 330 millions à 450 millions, soit une augmentation de 36,36%. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, le premier ministre prévoit d’acheter pour 500 millions de voitures- excusez du peu- d’ici la fin de l’année, montant non prévu dans le budget adopté en décembre dernier !
En définitive, avec des recettes squelettiques qui sont en train de devenir rachitiques, le fonctionnement de l’Etat sera paralysé pour permettre une augmentation, dans ce collectif budgétaire des dépenses somptuaires de la présidence et de la primature de 1,370 milliards. Imaginez à quoi cette somme aurait pu servir dans le cadre de l’opérationnalisation de nos FACAs ...
En matière de cynisme, tous les records auront été battus. Monsieur le ministre, vous n’y êtes absolument pour rien. Nous vous plaignons, parce que nous savons que vous ne faites qu’exécuter les ordres.
Monsieur le Ministre,
En examinant les nouvelles recettes créées dans ce collectif, nous notons que vous avez doublé le taux du droit de sortie relatif à l’exportation des diamants. Il serait intéressant de nous indiquer les mesures prévues pour que l’exportation de nos pierres précieuses suivent un circuit formel et contrôlé, ce qui permettrait à cette augmentation de produire des effets bénéfiques sur les recettes de l’Etat.
Dans le même ordre d’idées, nous recommandons de la transparence dans la gestion des ressources qui seront générées par le "fonds de service universel sur les communications numériques" nouvellement créé. Car vous avez omis de lister ce nouveau fonds dans le tableau consacré aux différents Fonds, alors que vous y prévoyez des recettes de 600 millions d’ici la fin de l’année.
Cette transparence est d’autant plus nécessaire et urgente que nous notons des omissions volontaires de certaines ressources dans ce collectif budgétaire. Il s’agit notamment des taxes aéroportuaires d’une valeur de 2,34 milliards de Fcfa que certaines hautes autorités de l’Etat auraient indument perçues. Il en est de même des taxes perçues pour le convoyage des véhicules sur le corridor Bangui-Garoua-BoulaÏ par le président du conseil d’administration du BARC, d’une valeur de 3,12 milliards de Fcfa, et qui ne sont enregistrées dans aucune recette de l’Etat.
Le total cumulé de ces recettes est de 5,46 milliards de Fcfa, jamais reversées dans les caisses du Trésor Public, mais qui ont certainement été détournées par certaines autorités et pas des moindres.
C'est pourquoi le groupe parlementaire URCA interpelle la commission de l’économie, des finances et du plan sur ces incongruités qui, paradoxalement, lui ont échappé.
Monsieur le Ministre,
Le léger frémissement dans la signature des conventions relatives au RCPCA est à encourager. Il faut faire plus, beaucoup plus, car nous avons déjà perdu un an et demi et espérons que le travail du secrétariat permanent du RCPCA permettra une accélération de la mobilisation des ressources annoncées. C’est du reste la seule bonne nouvelle de ce collectif.
Nous n’avons pas besoin de vous rappeler que cet exercice n’est pas seulement un simple ajustement comptable. Et même si ‘était le cas, la politique du gouvernement devrait y être lisible, notamment en matière de sécurisation du pays, de démobilisation des combattants et de formation de notre jeunesse.
Appartenant à un groupe parlementaire d’opposition, les députés de l’URCA ne peuvent pas dépouiller leur pays de ses maigres ressources pour alimenter la boulimie et le seul confort des plus hauts responsables de l’Etat. Vis-à-vis de nos populations et de leur extrême souffrance, ils se rendraient complices de l’indifférence et du cynisme qui sont la marque déposée du pouvoir en place.
C’est pourquoi le groupe parlementaire URCA choisit de s’abstenir pour le vote de ce collectif budgétaire et appelle tous les collègues à l’abstention.
Je vous remercie
Le 3 juillet 2018