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Bangui : discours du président de la République à la signature
- Monsieur le Président de l’Assemblee nationale,
- Monsieur le Premier Ministre,
- Monsieur le Président de la Commission de l’Union africaine,
- Excellence, Monsieur le Commissaire Paix et Sécurité de l’Union africaine,
- Messieurs les Ministres représentants les pays de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, et de la CEMAC,
- Monsieur le Représentant Spécial du Président de la Commission d l’Union Africaine,
- Monsieur le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nation Unies,
- Messieurs et Mesdames les Présidents des Institutions Républicaines,
- Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
- Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Chefs de mission diplomatique et Représentants des Organisations Internationales,
- Mesdames, Messieurs, les Ministres, Membres de la Délégation gouvernementale au Dialogue de l’Initiative africaine,,
- Mesdames et Messieurs les Représentants du Groupes Armés,
- Chers compatriotes représentants les forces vives.
C’est avec une réelle et vive émotion que je prends la parole pour apporter une bonne nouvelle à mes compatriotes centrafricaines et centrafricains. Le jour s’est levé pour nous, chers compatriotes. Le rêve que nous avons tant caressé devient réalité. Les sacrifices consentis, les privations endurées n’auront pas été vains. La paix est à notre portée.
Mes chers compatriotes,
La date du 6 février 2019 sera gravée en lettre d’or et de manière indélébile dans les annales de l’Histoire de la République centrafricaine. Cette date historique nous met face à nos responsabilités ! Ensemble, dans la célébration de notre diversité et le respect de la différence, je vous invite à nous mettre à l’œuvre pour bâtir une RCA nouvelle, réconciliée, apaisée, ambitieuse, généreuse et dynamique.
Il vous souviendra que dès ma prise de fonction, le 30 mars 2016, j’ai pris l’engagement solennel de faire du retour à la paix une priorité impérative. Gagner le pari de la paix et de la sécurité était et demeure pour moi et mon Gouvernement, une très grande préoccupation. Parce qu’il est impensable de parler de développement et d’amélioration du bien-être dans un contexte troublé. En effet, dans ce nexus paix et développement, l’absence de paix demeure la contrainte majeure à laquelle nous sommes confrontés.
En veillant au respect de la volonté populaire, je me suis engagé à soutenir sans réserve le processus de dialogue afin de parvenir à une paix juste et durable entre toutes les composantes du peuple centrafricain. Avec le soutien vigilant et exigeant de vous tous, mes chers compatriotes, j’ai tendu la main à nos sœurs et à nos frères des groupes armés. J’ai tendu cette main sincère pour les appeler à nous retrouver et à nous parler car nous ne sommes pas des ennemis.
La vérité est qu’à un moment de l’Histoire de notre beau pays, certains de nos concitoyens n’ont pas senti la présence protectrice, apaisante et rassurante de l’État. Certains de nos compatriotes ont même pensé que la République les avait abandonnés, les reléguant dans des positions des citoyens de seconde zone.
Aux uns et aux autres, à vous tous mes chers compatriotes, à chacun de vous, centrafricaines et centrafricains, je veux redire avec gravité et humilité que je ne ménagerai aucun effort pour faire de la RCA, notre patrimoine commun, un pays sûr pour tous et pour chacun.
S’il a plu à Dieu tout puissant de nous offrir en bénédiction un pays fertile et nanti de plusieurs ressources, n’oublions jamais que la première richesse, c’est L’être Humain, vous et Moi. Le rendez- vous de la paix n’aura de sens que si nous célébrons notre unité dans la diversité. JE NOUS y engage ici et maintenant !
Mesdames, Messieurs, Chers compatriotes,
Ce jour est pour nous un moment historique ! Il consacre l’aboutissement de près de 3 années d’efforts acharnés pour renouer les fils distendus du dialogue afin de recoudre le tissu social fortement ébranlé par plusieurs années de violences fratricides et de privations qui ont condamné nombre de compatriotes à endurer des conditions de vie infra humaines.
S’il est arrivé que mon engagement soulève des doutes quant à sa sincérité, le résultat de ce processus de dialogue est une preuve que mon plus grand souci était et demeure celui de m’assurer que les préoccupations de mes compatriotes, Chrétiens, musulmans et animistes de tout le pays étaient pris en compte. Les fils et les filles de Centrafrique se sont alors retrouvés à la table du Dialogue, véritable arbre à palabre, pour discuter de l’avenir en posant les bases pour réaliser notre rêve commun de paix et de réconciliation en République centrafricaine.
Ce rendez- vous de paix est aussi historique car c’est la première fois dans l’histoire des processus de dialogue dans notre pays que l’on a accordé autant de temps aux groupes armés pour qu’ils s’expriment clairement sur leurs revendications. Vous ne le savez que trop bien, la quête d’une paix durable en RCA a fait l’objet de nombreux rendez-vous, dans plusieurs endroits du monde. Ce qu’il faut souligner et ce dont nous nous réjouissons, c’est qu’avec le processus actuel, l’essentiel des discussions s’est fait en terre centrafricaine. A Bangui, à Bambari, à Birao, à Bouar, à Bria, ou encore à Kaga-Bandoro, les responsables des groupes armés ont fait part de leur ferme volonté de participer à l’écriture de la page heureuse de la paix de leur pays.
Ainsi, lorsqu’ en date du 30 août 2018, J’ai reçu du panel de Facilitation de l’Initiative africaine les revendications que les groupes avaient harmonisées lors de leur rencontre de Bouar, ce sont toutes affaires cessantes que j’ai donné les instructions les plus appropriées afin de préparer les réponses idoines, donnant ainsi un socle à l’Accord qui soit juste, équilibré et durable. Un accord qui soit le reflet de cette volonté partagée d’offrir aux générations présentes et à venir des raisons d’espérer et de croire dans leur pays. Accord de paix qui soit juste et équilibré. Un Accord qui réhabilite les victimes et répare les cœurs. Un Accord qui soit une véritable Charte de réconciliation pour les centrafricaines et les centrafricains. Voilà véritablement mon ambition de paix pour notre beau pays.
C’est dans ce contexte que toutes les parties ont répondu au rendez-vous de Khartoum.
Pendant dix jours, dans une ferveur sans nulle autre pareille, tous les acteurs ont démontré leur attachement à l’obligation collective de faire cette traversée nous délivrant des côtes de la haine, de la guerre et de la négation de l’autre différent pour rejoindre, mains dans la main, unis comme un seul homme les beaux rivages de la paix, de l’espoir et de l’espérance afin de célébrer ensemble la vie!
Pendant toute cette traversée qui n’avait rien d’un voyage de plaisance, chacun des passagers avait pour seul bagage les paroles d’un Sage qui avait rappelé que c’est souvent au moment d’accoster que les navires chavirent. Au vu de la moisson des réflexions croisées, nous sommes plusieurs à tenter que les conseils du sage ont été entendus et suivis.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Pour parvenir à cet Accord final, il nous a fallu travailler avec tous nos partenaires, amis de la République centrafricaine, afin de trouver le meilleur cadre de dialogue. Dans un élan de générosité et de fraternité, la République sœur du Soudan nous a offert son soutien et son hospitalité. Elle a pris sur elle de nous accompagner sur le chemin de la paix en accueillant sur son sol, le Dialogue inter- centrafricain pour la paix et la réconciliation.
Centrafricaines, centrafricains, en votre nom et au mien propre, de manière solennelle, depuis Bangui, je renouvelle ma plus profonde gratitude à mon très chers grand frère, Son Excellence Omar EL-Bechir pour son appui. La Nation centrafricaine lui sera éternelle reconnaissance.
C’est l’occasion de rappeler que le travail de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en RCA n’aurait pas connu d’heureuse issue sans l’engagement total de l’Union Africaine. A mon frère, le président de la Commission de l’Union africaine, Son Excellence Moussa Faki Mahamat, je renouvelle ma profonde reconnaissance pour son appui aux efforts de paix en RCA. Monsieur le Président, votre représentant, le Facilitateur Ismaïl Chergui a été un digne messager de la solidarité africaine portée par l’UA à l’égard de mon pays.
Monsieur le Commissaire Chergui, vos talents de fin négociateur ont donné à la RCA un bel Accord. Je tiens à vous rendre hommage appuyé au nom du peuple centrafricain.
Ce dialogue n’aurait pas été possible sans l’appui des amis de toujours auxquels mes plus vifs remerciements sont adressés. Appuis matériel et financier, support technique et logistique, soutien politique et diplomatique, rien ne nous aura fait défaut pour faire du Dialogue de Khartoum le succès vécu, et l’expression de la solidarité internationale. A la CEEAC et aux pays de la sous-région, aux Nation Unies et leur mission en RCA, la MINUSCA, à la Fédération de Russie, à l’Union européenne, aux Etats-Unis d’Amérique à la France, à la Chine au Pape François à San ’t Egidio, j’adresse mes plus sincères remerciements.
Mesdames, Messieurs, Chers Compatriotes,
En prenant la route de Khartoum par des voies séparées, nous en sommes revenus par une seule et même voie ! C’est l’expression que toutes les parties au dialogue ont pris l’engagement d’aboutir à un Accord de paix qui être traduit dans les faits.
Oui, nous n’allons pas nous dérober. Nous avons réussi à bâtir des compromis historiques, à plus d’un titre. Je ne trahirai pas mon peuple. Je ne renierai pas mon Serment ! Je mettrai toutes mes énergies pour que l’Accord de paix conclu à Khartoum et signé à Bangui soit mis œuvre.
Je tends une nouvelle fois la main aux groupes signataires de l’Accord pour que nous nous mettions ensemble pour poser les bases des prochaines étapes. Ensemble, nous avons lu les pages douloureuse écrites en lettres de sang de notre passé. Aujourd’hui, du haut de cette tribune, je vous appelle à consolider notre union sacrée pour écrire ensemble en lettres d’or de nouvelle pages de notre pays en partage, De nouvelles pages d’une fraternité et d’une dignité retrouvée pour la paix et la prospérité des générations présentes et à venir.
Dans les meilleurs délais, nous devons nous retrouver pour que les premiers actes concerts soient posés sur la nouvelle voie de la paix. Pour cela, les prochaines semaines m’offriront l’opportunité de me rendre en provinces, pour porter la bonne nouvelle de la paix à mes compatriotes. Le dialogue doit se poursuivre afin de faire vivre la paix et posant des actes clairs et concrets qui répondent aux interrogations du peuple.
En ce qui concerne la question politique, je souhaite qu’ensemble, nous posions les bases solides d’une nouvelle gouvernance, inclusive à tous les niveaux. Et pour ce faire, nous allons nous investir pour garantir des niveaux élevés de capacités, de compétences et d’intégrité des acteurs. En plus de cela et de manière concrète, il sera mis en avant, notamment, la conduite diligente du processus d’adoption du code sur les collectivités locales dont la mise en œuvre va nous permettre d’élargir la base de participation aux affaires publiques de toutes les parties prenantes à l’Accord, en assurant que la décentralisation participe davantage à affermir le rêve d’une nation plurielle, d’un pays uni et d’un peuple solidaire partageant une communauté de destin. C’est dans cet esprit que nous pensons faire de la différence positive afin de corriger les carences d’un passé dont les effets pervers nos hantent encore aujourd’hui.
Le renouvellement du cadre de gouvernance politique nous recommande de disposer d’un cadre référentiel mettant clairement en exergue les indicateurs de bonne gouvernance qui constitueront le tableau de bord de tous les dirigeants, de la base au sommet soit largement partagé afin d’accroitre de manière objective l’exigence de redevabilité des agents et autres mandataires publics.
Dans l’idée de renforcer l’ancrage démocratique dans notre pays à travers la modernisation de la vie et de l’espace politiques, nous travaillerons à redynamiser le cadre de fonctionnement des partis politiques afin qu’ils soient aussi des vecteurs de promotion des droits de l’homme et la culture de la paix pour que l’unité centrafricaine soit une réalité dans la diversité des opinions et des sensibilités. C’est dans ce sens que nous lancerons le travail de réflexion sur la manière d’offrir aux dignitaires une place décente dans la société centrafricaine, notamment, en mettant en place le statut qu’il sied de conférer aux anciens chefs d’Etat.
L’une des ambitions portées par ce processus de paix, c’est qu’à terme, les centrafricaines et les centrafricains soient fédérés autour d’une vaste réflexion sur la citoyenneté et les principes de laïcité portés par la constitution qu’ils ont eux-mêmes adoptée par referendum. Cette discussion sur les sujets de la citoyenneté, de la laïcité et de la protection des minorités constitue une opportunité pour que les acteurs de tous les horizons se conviennent sur les actions et autres mesures à mettre en œuvre pour améliorer le cadre légal et réglementaire en s’assurent que les lois régissant le fonctionnement des institutions en République centrafricaine sont expurgées de toute disposition pouvant sembler consacrer une quelconque pratique discriminatoire.
Relativement à la problématique de la justice et de la réconciliation nationale, Je suis particulièrement heureux que, dans leur grande sagesse, toutes les parties au Dialogue de Khartoum, se soient convenu de réaffirmer le principe de lutte contre l’impunité pour mettre en avant le triptyque justice, Réparation et Réconciliation. Sans attendre, nous allons nous atteler à la mise en place d’une commission inclusive qui sera le dispositif approprié pour offrir à nos compatriotes les instruments d’une justice qui promeut la vérité, la réhabilitation des victimes et la réconciliation nationale. Ses conclusions alimenteront le travail de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation qui sera opérationnelle avant la fin du premier semestre 2019.
La crise tragique et multidimensionnelle a généré des traumatismes aussi profonds que graves. Dans le sens d’amorcer le difficile processus de réparation et de guérison des traumatismes, nous devrons prendre les précautions nécessaires pour interagir avec les associations des victimes ainsi qu’avec tous les partenaires afin de mettre sur pieds de manière concertée un système de réparations consensuel.
Il va sans dire que le premier résultat attendu de cet Accord est la cessation de toutes les violences et de toutes les exactions sur les populations civiles. Ainsi, sur le chapitre des questions de paix et de sécurité, le gouvernement de la République centrafricaine travaillera d’arrache –pied avec les autres parties à l’Accord pour que soient mises réellement en œuvre toutes les dispositions concernant la cessation des violences et l’effectivité du programme national de DDRR dont nous allons revisiter les organes de gestion et de mise en œuvre. C’est à ce prix qu’il nous sera possible de créer les meilleures conditions permettant à nos compatriotes déplacés et réfugiés de regagner leurs foyers et de reprendre leurs places pour s’adonner aux activités de développement.
Cette heureuse cérémonie m’offre l’heureuse opportunité de me réjouir du fait que, pour la première fois, l’Accord de paix donne une solution à la situation d’insécurité liée aux mouvements de bétail du fait de la transhumance qui générait de plus en plus des violences dont sont victimes les populations civiles. Avec les partenaires et les pays voisins, cette question sera dorénavant prise en charge de manière appropriée.
Quant aux problèmes de nature économique, l’Accord qui est signé aujourd’hui doit permettre de cesser les violences, d’instaurer un climat de paix et de s’atteler aux travaux de reconstruction et de développement dans le souci constant d’assurer une juste redistribution des richesses nationales. Notre vœu le plus ardent, c’est que toutes les parties se conviennent à accélérer la mise en œuvre du plan de relèvement et de onsolidation de la Paix en république centrafricaine -RCPCA- qui a été conçu dans une démarche inclusive pour offrir à chaque préfecture et sous-préfecture ainsi qu’aux arrondissements de Bangui des projets de développement. Nous devons viser l’objectif du minimum vital commun en travaillant de sorte que dans chacune des 16 préfectures de notre pays, nous lancions urgemment des projets de développement et d’infrastructures socio-collectives de base.
C’est dans ce sens que dans les jours à venir, j’engagerai les responsables appropriés à mettre en place un programme d’urgence de réhabilitation des communautés à la base à travers les chantiers d’infrastructures socio-collectives de base dans chaque préfecture - marché, centre de santé, point d’eau, école…- par une meilleure canalisation des fonds du RCPCA et par la concrétisation des programmes de désenclavement. A côté de cela, vous n’ignorez pas que l’un des plus grands défis, c’est d’offrir des perspectives de vie et des alternatives de création de revenus. A cet effet, ce sera de travailler à l’organisation de 4 foras pour le développement régional à Birao, Bangassou, Bouar et Mbaïki. Ces rendez-vous permettront d’identifier les filières de production générant les emplois, à même d’offrir des perspectives différentes aux jeunes et aux populations. L’on peut parler des filières fruits et légumes, des filières viande-lait, des filières gomme arabique ou noix de Karité dans le Nord-Est, etc.
Certes, je viens de présenter de manière succincte les actions prioritaires que je compte mettre en œuvre pour soutenir la mise en œuvre de l’accord que nous venons de sceller définitivement. Je veux matérialiser les premiers des engagements que le gouvernement a pris dans le cadre dans cet Accord, tant les attentes de mes compatriotes sont immenses. En effet, le dialogue pour la paix en RCA de Khartoum ne saura être un succès complet si nous n’apportons pas de réponses urgentes et concrètes à certaines questions bien spécifiques. C’est la seule façon de vaincre le scepticisme de ceux qui annoncent déjà l’échec de l’Accord.
Excellences, Mesdames, Messieurs, Chers compatriotes,
Je lance un vibrant appel à toutes les autres parties à l’Accord pour que nous perdions point de temps pour e mettre en œuvre et que nous ne ménagions aucun effort pour en assurer le succès. Le peuple centrafricain nous regarde, les partenaires de la RCA nous observent et l’histoire nous jugera sévèrement si nous manquions à nos responsabilités.
Puissions-nous ensemble méditer ces paroles de l’Ecclésiaste qui sonnent à chacune de nos oreilles. Oui, chers compatriotes, il y a un temps pour tout ! Prenons la responsabilité historique d’ouvrir ce temps de la Concorde, de la fraternité et la paix dans l’unité retrouvée, la dignité restaurée et de nous engager dans le travail commun de reconstruction et de relèvement de notre Centrafrique en partage. Afin que le rêve de Boganda devienne réalité dans une RCA qui sache éduquer, nourrir, vêtir, loger et soigner tous ses enfants.
Que Dieu bénisse la République centrafricaine.
Je vous remercie.
Le février 2019