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Centrafrique : voeux 2020 du chef de l'Etat
Centrafricaines, Centrafricains,
Mes chers Compatriotes,
A la veille du nouvel an, nous devons d’abord, dans une attitude de foi et d’humilité, tourner nos regards vers le Père Céleste, pour le remercier de sa bienveillance envers la République centrafricaine, à travers le retour progressif à la paix, à la stabilité politique et à la cohésion sociale, tout en implorant sa divine protection pour notre sous-région, notre continent et toute la planète.
En cette circonstance, je souhaite à toutes et à tous, et du fond du cœur, mes vœux sincères de bonne santé, de réussite, de prospérité et de bonheur. Je souhaite aussi les mêmes vœux à tous les compatriotes de la diaspora et salue leurs précieuses contributions aux efforts de réconciliation et de relèvement de notre pays.
J’associe à ces vœux tous les ressortissants des pays frères et amis qui vivent parmi nous, soit comme membres des missions diplomatiques, soit dans le cadre des missions des Nations Unies, de l’Union européenne, de l’Union africaine, de la CEEAC, de la CEMAC, ou simplement comme des résidents ayant choisi notre pays comme leur seconde patrie.
Je tiens également à témoigner toute mon estime et ma confiance à nos forces de défense et de sécurité, qui sont enfin de retour et qui désormais font la fierté du peuple centrafricain.
A vous, mes chers soldats, je dis que la République compte sur vous pour assurer l’intégrité du territoire national, participer à la sécurité commune et à la défense de la paix. Le retour volontaire et massif des refugiés et même des exilés, en toute confiance, ce qui était inimaginable il y a quelques années, est la preuve de l’amélioration des conditions sécuritaires du pays, pour laquelle nous rendons hommage aux actions de nos forces de défense et de sécurité ainsi qu’à la MINUSCA.
Ce soir, ma première pensée, une pensée chaleureuse, sera pour toutes celles et tous ceux qui sont victimes de la solitude, de la maladie, de la détresse. J’exprime ma compassion aux familles des victimes des événements malheureux qui se sont produit dans certaines parties du territoire de notre pays au cours de cette année qui s’achève, et plus particulièrement celles des derniers affrontements du PK5 à Bangui et des deux Pasteurs assassinés le week-end dernier à Batangafo.
Mes chers compatriotes,
Au-delà des festivités et des réjouissances, somme toutes légitimes, je vous invite à un moment de méditation et d’introspection sur l’avenir de notre pays et de nos foyers respectifs. L’année 2020 qui s’ouvre demain, marquera notre destin pour les années à venir. Comme toute nouvelle année, elle fait naître une nouvelle espérance pour chacun de nous et pour notre pays que nous aimons tous.
Ce soir, je ne vous ferai pas le bilan des réalisations de l’année 2019. Seule l'histoire pourra dire, avec le recul du temps, la trace laissée par l'année qui s'achève. Mais nous savons tous que 2019 aura été marquée par la signature d’un Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation en République centrafricaine.
Cette année 2019 aura donc connu une avancée significative de ce à quoi je me suis solennellement engagé en 2016 devant le peuple centrafricain. En effet, je me suis engagé à rassembler les centrafricains et d’œuvrer pour une plus grande cohésion sociale. Le défi était immense. Il fallait restaurer la paix, la sécurité et la réconciliation. Il fallait renouveler la confiance entre l’Etat et les citoyens. Il fallait promouvoir le relèvement économique.
L’entreprise était lourde, la tâche était ardue. Non sans raison. Tout en me réjouissant de la signature de cet Accord, je n’ai jamais perdu de vue qu’elle n’est qu’une étape d’un long processus dont j’ai pris le pari de réussir.
Et je le réussirai avec vous, mes chers compatriotes, tant je ne doute point de la solidarité à nos côtés de l’ensemble de la communauté internationale. Je m’y engagerai pleinement jusqu’au terme de mon mandat, en exerçant les pouvoirs et les devoirs de ma charge, en étroite collaboration avec les garants, les facilitateurs, le Comité exécutif de suivi ainsi que toutes les parties prenantes de l’Accord de paix.
Responsable de l’avenir de la Nation, je veillerai, conformément à la lettre et à l’esprit de l’Accord de paix, à ce que les engagements des parties prenantes soient tenus, et j’interviendrai chaque fois que les intérêts de la paix seront en jeux ou en danger. Je dois rappeler que cet Accord apporte des solutions idoines à certains problèmes qui ont alimenté et alimentent encore la crise dans notre pays.
Vous le savez, certains compatriotes ont allégué, et non sans raison, que la crise centrafricaine est le fruit d’une grande injustice. Elle serait la révolte des laissés-pour-compte de la société centrafricaine. Elle serait la révolte de ceux qui auraient été trop longtemps maintenus dans une sorte d’exil intérieur. L’Etat, comme un miroir aveugle, ne leur renverrait aucune image d’eux-mêmes. Pour mettre un terme à cette situation, il nous fallait de l’engagement et beaucoup d’efforts.
Comme nous l’avons convenu, le projet de loi portant Code des collectivités territoriales et des circonscriptions administratives, les projets de loi portant sur les partis politiques, le statut de l’opposition ainsi que le statut d’ancien chef d’Etat sont en discussions au niveau de l’Assemblée nationale. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord, nous avons déjà accueilli à Bangui les réunions des grandes commissions mixtes Cameroun- RCA et Congo - RCA.
La grande Commission mixte avec le Tchad a eu lieu à Ndjamena, en décembre 2019. Celles avec la République Démocratique du Congo, le Soudan, le Soudan du Sud et le Gabon auront lieu au cours du premier trimestre de l’année 2020.
Mes chers compatriotes,
Douze mois seulement nous séparent des prochaines élections présidentielle et législatives. D’ici aux élections, je souhaiterais formuler deux exigences: que le gouvernement soit mobilisé, à votre service, pour la sécurité, pour la paix, pour le relèvement économique; et que ces mois soient des moments de débats sereins, démocratiques et responsables, qui font appel à une haute conception de l’intérêt national.
Je voudrais vous dire ce soir quels sont à mes yeux les enjeux majeurs de cette nouvelle année.
Le premier enjeu consistera à répondre aux craintes et au pessimisme de mon peuple. Je reconnais qu’une espèce de doute s’est installée quelque peu dans notre pays. On se demande si cet Accord de paix tiendra ses promesses et si les signataires sauront respecter leurs engagements, au regard des violations répétées dudit Accord et de l’intensification des affrontements entre certains groupes armés. On se demande dans quel contexte sécuritaire se dérouleront les prochains scrutins, il s’agit ici du problème de la faisabilité de ces élections sur l’ensemble du territoire face à la persistance de l’insécurité dans certaines régions. On s’interroge aussi sur le point de savoir si le gouvernement pourra-t-il mobiliser les ressources nécessaires à l’organisation de ces élections.
Nous avons là, mes chers compatriotes, une situation qui constitue une source de préoccupation majeure et qui pourrait mettre en péril la perspective d’un retour à une paix durable en Centrafrique. Je dois rappeler que cette paix durable, à laquelle nous aspirons tous et pour laquelle je consacre toute mon énergie, est avant tout une responsabilité nationale. Il appartient donc aux centrafricains, avec l’aide de nos partenaires internationaux, qui d’ailleurs ne nous a jamais manqué, d’impulser une dynamique supplémentaire pour créer les conditions de la mise en œuvre efficace et effective de l’Accord de paix.
A cet effet, il nous faudra construire une plus large adhésion, nationale et régionale à cet Accord pour renforcer la confiance des Centrafricains et parvenir à un consensus rassurant et acceptable par le plus grand nombre. Je m’y engagerai pleinement.
Le deuxième enjeu, c'est évidemment celui de la bonne gouvernance, socle du renouvellement du contrat social entre l’Etat et la population, de la consolidation de la paix, du progrès économique et social et de la prospérité partagée. Je connais, mes chers compatriotes, vos attentes pour ce qui concerne la paix, la réconciliation, la justice, la sécurité, la lutte contre la corruption et le relèvement économique et social. Je connais aussi vos souffrances et vos difficultés. Je voudrais vous dire ce soir que sans une bonne gouvernance, ces défis et ces attentes ne seront que de vains mots. En donnant toute sa place à la bonne gouvernance, des réformes importantes sont devant nous dans les domaines de la transparence de l’action publique, de la lutte contre la corruption, la prévarication, les détournements des deniers publics, de l’amélioration du climat des affaires, de la démocratie et de l’Etat de droit.
C’est donc pour relever ces défis que l’année 2019 a été consacrée à l’élaboration et la validation d’un document de stratégie nationale de bonne gouvernance en République centrafricaine.
Les plans d’action de cette stratégie nationale de la bonne gouvernance s’articulent autour de 4 axes stratégiques, qui seront mis en œuvre sous le pilotage de la Haute Autorité chargée de la Bonne Gouvernance.
J’ai instruit le Gouvernement de se mettre immédiatement au travail pour la mise en œuvre des actions prioritaires de cette stratégie.
Le troisième enjeu est celui des prochains scrutins présidentiel et législatifs. Ces scrutins, dois-je le rappeler, interviendront dans un contexte marqué par la signature de l’Accord de Paix entre le Gouvernement et les mouvements politico-militaires.
C’est pourquoi, je me réjouis de la récente résolution adoptée à l’unanimité des membres du Conseil de Sécurité de l’ONU d’élargir le mandat de la MINUSCA pour l’assistance, la coordination et la sécurisation des élections en Centrafrique.
Cette décision constitue un signal fort envoyé à la communauté internationale, à nos partenaires, à la classe politique centrafricaine et au Gouvernement afin d’indiquer que les élections doivent se tenir dans les délais constitutionnels.
C’est aussi un gage de transparence et de la crédibilité des prochaines élections ainsi que la reconnaissance des efforts déployés jusque-là pour redonner confiance au peuple et à la communauté internationale.
Je réitère que ces scrutins constituent une occasion historique pour consolider les espoirs suscités par cet Accord et créer les conditions de paix et de réconciliation en Centrafrique.
La mobilisation des ressources financières est désormais une urgence et une priorité. A cet effet, j’ai donc instruit le Gouvernement de tout mettre en œuvre pour que le financement de ce double scrutin soit assuré.
Je me suis adressé à toutes les parties prenantes, les partenaires internationaux de la Centrafrique et la communauté internationale, pour qu’elles saisissent cette occasion historique pour garantir, dans les délais constitutionnels, la tenue d’élections crédibles, libres, inclusives et équitables sur toute l’étendue du territoire national et confirmer l’ancrage démocratique amorcé en 2016.
Mes chers compatriotes,
Je ne peux terminer ce message de vœux sans vous dire que ces vœux du nouvel an revêtent un caractère particulier que je ne peux m’empêcher de souligner. Il s’agit de l’un de mes derniers vœux pour ce quinquennat. A cette occasion, et à l’approche du terme de mon mandat, je souhaiterais me confier à vous.
Je suis issu d’une modeste famille centrafricaine. Mes parents, comme bien d’autres, comme tous les centrafricains, envisageaient l’avenir avec confiance et croyaient aussi au rêve centrafricain. Ils croyaient en la promesse de Boganda, la promesse de l’unité nationale, la promesse du développement, la promesse de la démocratie. Tel fut mon héritage. Rien ne laissait présager qu’un jour je serai président de la République centrafricaine. Rien ne pouvait laisser présager qu’un jour je briguerai les plus hautes responsabilités de mon pays. Mes origines modestes ne me distinguaient pas de la plupart de nos compatriotes. Bien au contraire. J’en ai gardé les stigmates de ceux qui ont dû se frayer difficilement un chemin dans la vie. Des valeurs de partage et de responsabilité ont été mes plus fidèles compagnons de route dans ma quête de notre rêve national. Ces valeurs ont été déterminantes dans mon choix d’embrasser la carrière d’enseignant. Devenu professeur de mathématiques, j’ai professé pour l’enseignement un enthousiasme, une passion qui ne m’ont jamais quitté.
Je me suis ardemment employé à fournir à mes étudiants une passerelle pour la vie, une passerelle pour l’avenir, quelles que soient leurs origines, leurs milieux sociaux ou leurs appartenances ethniques ou religieuses. Je me suis appliqué à les encourager à s’engager dans le monde et de devenir des femmes et des hommes capables de se mettre au service des autres, mais également au service de notre pays. Ces valeurs qui m’ont accompagné tout au long de ces années d’enseignement, continuent encore de m’inspirer dans mon action de président de la République, chef de l’Etat.
Elles me confortent dans la double conviction que l’éducation pour tous est la forme la plus sublime et la plus efficace de la lutte contre les inégalités et qu’elle constitue ce que nous avons de commun dans une société juste. Je n’ai pas changé. Je suis resté fidèle à cet héritage, fidèle à ces valeurs. C’est l’engagement que j’ai pris à l’égard du peuple centrafricain. C’est cet engagement que je conserverai jusqu’au terme de mon mandat.
Mes chers compatriotes,
En ce moment difficile où l’avenir de notre pays se dessine, je vous invite à vous unir dans l’intérêt de la stabilité, de la paix et de la sécurité. Nous devons maintenir le cap pour atteindre le bien commun, la chose la plus précieuse qu’est la paix pour notre pays. C’est le chemin que je vous ai indiqué depuis ma prise de fonction. Malheureusement, je constate depuis quelques mois que certaines forces négatives veulent créer un climat de tension, essayant de plonger à nouveau le pays dans le chaos qui conduira, finalement aux victimes et à la crise politique et économique. J’appelle tout le peuple centrafricain à se serrer les coudes, à agir avec la prudence et la retenue les plus complètes, à s’abstenir de tout acte de provocation et à faire tous les efforts pour rétablir le calme. En ma qualité de président de la République, chef de l’Etat, garant de la paix, de l’ordre, du fonctionnement harmonieux des institutions et de la pérennité de l’Etat, je ne tolèrerai plus que certains Compatriotes ressuscitent les vieilles querelles et attisent les braises d’un conflit toujours latent. Nous devons tourner résolument les pages sombres du passé pour nous projeter dans l’avenir qui s’ouvre cette année, sous de meilleurs auspices.
Mes chers compatriotes,
En décembre 2020, l’opportunité vous sera donnée de choisir le Président de la République et les Députés par des moyens pacifiques et de façon légitime et démocratique. Je suis convaincu que nous pourrons nous unir et sortir de cette situation difficile, mais qui n’est pas insurmontable. Notre pays, vous le savez, a accumulé d’énormes retards dûs essentiellement aux tragédies qu’il a subies pendant plusieurs décennies et à des choix politiques irréalistes et hasardeux. La communauté internationale est lassée de porter le fardeau de nos errements politiques. Ressaisissons-nous et travaillons pour la paix, gage du développement harmonieux de notre pays.
Mes chers compatriotes,
A l’occasion de cette nouvelle année, j’ai décidé d’exercer le droit de grâce que me confère la Constitution, en prenant un Décret portant remise gracieuse des peines aux personnes condamnées pour délit et dont les condamnations sont intervenues avant le 31 décembre 2019. J’ose croire que les délinquants condamnés, bénéficiaires de cette mesure, ont eu l’occasion de réfléchir aux conséquences de leurs actes et auront désormais des comportements respectueux et dignes vis-à-vis de leurs concitoyens et de la République. Le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux prendra toutes les dispositions pour l’exécution de ce décret dans les meilleurs délais.
Mes chers compatriotes,
En terminant mon message, je forme à nouveau le vœu que l'année 2020 nous conduise sur le chemin de la paix, de la cohésion sociale, du vivre ensemble, de la réconciliation nationale et du relèvement économique. A toutes et à tous, mes chers compatriotes, j’adresse les vœux les meilleurs, de bonne santé, de réussite, de prospérité pour l’année 2020. Que Dieu bénisse la République centrafricaine !
Je vous remercie.
Le 31 décembre 2019